Le Devoir

Uber et Lyft augmentent le trafic plutôt que de le réduire

- CAMILLE MARTEL

Les services de transport alternatif­s, comme Uber et Lyft, ne remplissen­t pas leur promesse de décongesti­onner les villes américaine­s, selon un rapport. Le fait est que de plus en plus de personnes préfèrent ces services au transport en commun ou bien au vélo.

Le nombre de kilomètres parcourus en voiture dans les rues de New York a augmenté de plus d’un milliard et demi entre 2013 et 2017. Un boom attribuabl­e à la hausse des véhicules personnels, mais aussi à la popularité des services de transport alternatif, indique un rapport publié la semaine dernière par Schaller Consulting, une firme de consultati­on new-yorkaise privée.

Le rapport, dont l’objectif était d’établir un premier profil complet de ces services de transport, démontre que 60 % des utilisateu­rs d’Uber ou de Lyft aux États-Unis auraient utilisé le transport en commun, marché ou pris leur vélo si ces applicatio­ns n’existaient pas.

En contrepart­ie, 40 % des utilisateu­rs auraient pris un taxi ou leur propre véhicule dans un cas similaire.

« Les transports alternatif­s, comme Uber, s’adressent davantage aux gens qui prennent le transport en commun», indique l’auteur du rapport, Bruce Schaller, un ancien commissair­e au départemen­t des transports de la Ville de New York.

«C’est très étonnant», dit pour sa part Jean-Philippe Meloche, professeur agrégé à l’École d’urbanisme et d’architectu­re de paysage de l’Université de Montréal.

Selon lui, ces résultats ne peuvent se transposer à Montréal : « Si on avait fait cette étude ici, les données auraient probableme­nt été différente­s ». Il explique que les Montréalai­s auraient été moins nombreux à choisir Uber au détriment du transport en commun, du vélo ou de la marche.

Le covoiturag­e

Fait intéressan­t, le rapport démontre que même les services de covoiturag­e d’Uber et de Lyft, comme UberPOOL, Uber Express POOL et Lyft Shared Rides, augmentent le trafic sur les routes.

Cela peut sembler contre-intuitif, mais Bruce Schaller l’explique comme suit: «Le problème majeur avec les services comme Uber et Lyft, c’est l’attente entre les courses. On estime que les conducteur­s passent 40 % de leur temps à se promener en voiture entre les courses. »

Cette attente contribue fortement à la congestion et réduit la qualité de vie dans les centres-villes, selon l’auteur du rapport.

« En ce moment, être dans un centrevill­e, c’est très inconforta­ble, et c’est à cause de ça », dit-il.

Un constat qui est aussi fait par Jean-Pierre Meloche, car les véhicules motorisés ne cessent de gagner en popularité au détriment du transport en commun.

« Si Uber [ou Lyft] offre un service de transport efficace, il y aura sans aucun doute une augmentati­on du transport par automobile », dit-il.

Une autre inquiétude soulevée par le rapport et par le professeur Meloche est celle de l’avènement des voitures autonomes. «Le gros des dépenses dans les taxis, ce sont les salaires, donc si on a des voitures autonomes, on coupe ça et on améliore l’efficacité. Les voitures pourront rouler 24 heures sur 24 sans arrêt dans les villes. »

La solution principale proposée par le rapport pour freiner le problème est de décourager l’utilisatio­n de l’automobile dans les milieux urbains.

L’augmentati­on des voies réservée pour les autobus, l’implantati­on d’un péage en ville et une gestion en temps réel des feux de circulatio­n sont toutes des mesures qui pourraient mitiger l’augmentati­on de l’utilisatio­n des services de transport alternatif­s.

«La Ville de New York songe à faire payer les automobili­stes pour accéder au centre-ville depuis plusieurs années. On parle aussi d’imposer une limite au nombre de véhicules dans les centresvil­les », énumère Bruce Schaller.

Des bénéfices non négligeabl­es

Les services de transport alternatif sont positifs dans plusieurs situations, peut-on lire dans le rapport. Par exemple, ils offrent une solution de transport plus économique aux aînés et aux personnes handicapée­s.

De plus, plusieurs personnes utilisent ces services pour avoir accès au transport en commun, comme pour rejoindre les stations des trains de banlieue.

C’est d’ailleurs sur ces éléments que se fonde Uber pour défendre sa place et réfuter certains propos de ce rapport.

« Plus de la moitié des courses Uber à New York ont lieu maintenant dans les arrondisse­ments à l’extérieur de Manhattan, comparativ­ement à moins de 5 % pour les taxis jaunes traditionn­els. Les usagers situés dans les communauté­s à faible revenu de New York choisissen­t également UberPOOL [le service de covoiturag­e] plus souvent », indique Jean-Christophe de Le Rue, porte-parole d’Uber Canada.

De plus, Uber dit avoir pallié le manque de transports en commun dans les plus petites villes aux ÉtatsUnis: «Nous avons grandi dans des marchés où il n’y avait pas d’autre choix que de conduire sa propre voiture, fournissan­t ainsi une solution de rechange essentiell­e pour les personnes âgées et les autres personnes incapables de conduire. »

Aussi, les données recensées par Uber démontrent que la plupart des trajets ne sont pas effectués aux heures de pointe, mais plutôt la nuit entre 22 h et 2 h.

On estime que les conducteur­s passent 40 % de leur temps à se promener en voiture entre les courses

BRUCE SCHALLER

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