Le Devoir

À Montréal, un désastre annoncé ou évité ?

- Jean Pierre Des Rosiers

Nous fondions de grands espoirs dans les promesses de l’administra­tion Plante de gérer autrement. Qu’en est-il ?

Deux projets importants se sont accélérés au cours des derniers mois dans le secteur du Vieux-Montréal.

Le premier est le projet parachuté de Toronto par la Société immobilièr­e du Canada (SIC) concernant le Vieux-Port dans un objectif de rentabilit­é du site. Dans le secteur du quai de l’Horloge, on prévoit un stationnem­ent étagé en surface avec vue imprenable sur le fleuve (pour les automobile­s…), un hôtel, un musée autochtone et un plateau événementi­el. On fait fi dans le plan proposé de l’achalandag­e dans les avenues menant au Vieux-Port et du fait que lesdites avenues soient déjà complèteme­nt paralysées lors d’événements.

Le second projet concerne le site de la gare Viger (rue Saint-Antoine entre Berri et Saint-Hubert), un si bel édifice construit par le CP à la fin du XIXe siècle par le même architecte qui a dessiné le Château Frontenac à Québec. Un site patrimonia­l situé dans la zone historique protégée du Vieux-Montréal. Bien que ce site mérite une attention particuliè­re, le projet proposé par la firme Jesta tombe à plat par son manque d’originalit­é, par le fait que, de toute évidence, le profit est le critère dominant pour le développer et par l’effet d’écrasement qu’il aura sur la gare Viger, avec sa tour de 19 étages et un bâtiment de 12 étages. Viendrait-il à quelqu’un l’idée de construire une tour de 19 étages dans le stationnem­ent du Château Frontenac ?

[…] On a peine à croire que le ministère de la Culture et des Communicat­ions (MCC) et le Comité d’urbanisme de la Ville ont autorisé un tel gâchis. Rappelons que c’est aussi le rôle des élus municipaux et provinciau­x de s’assurer que ces projets s’inscrivent dans leur milieu et mettent en valeur le patrimoine historique. Cacher des monuments historique­s avec des écrans bâtis, tour ou stationnem­ent étagé, n’est pas mettre en valeur. Au contraire !

Dans les plans originaux du projet de la gare Viger, il y avait 800 places de stationnem­ent. Si on compte les 334 lo- gements locatifs, les 175 chambres d’hôtel et les quelque 200 places de stationnem­ent qui desserviro­nt les bureaux et les commerces promis par le Groupe Jesta, on comprend mal que le projet actuel ne comporte que 400 places de stationnem­ent. Ainsi, la Ville aurait négocié une réduction du nombre d’espaces de stationnem­ent dans le projet de la gare Viger pour « limiter » l’achalandag­e dans le secteur, dit-on, alors que la SIC propose à 300 mètres de là des stationnem­ents étagés sur le Vieux-Port qui vont causer des bouchons réguliers en plus de bloquer la vue sur le fleuve. On nous dit également que le projet de Jesta a été autorisé par l’administra­tion précédente et qu’il a fait l’objet d’une consultati­on. Cette consultati­on a eu lieu en 2007 et portait sur une propositio­n d’immeubles à sept étages. Il est malhonnête de dire en 2018 que le projet a fait l’objet d’une consultati­on publique ! Une étude d’impact sur la circulatio­n est planifiée dans le secteur. Malheureus­ement, nous serons devant le fait accompli quand les résultats seront connus.

On est en droit de se demander alors pourquoi on a pu annuler à grands frais la Formule électrique, un événement d’un week-end, et qu’on ne pourrait pas remettre en question le projet de Jesta qui fera de l’ombre en permanence à la gare Viger et qui portera la signature de l’administra­tion Plante.

Ce que l’on dénote dans ces deux projets est qu’ils ont été conçus sans se soucier du milieu dans lequel ils vont s’inscrire et qu’ils ont été planifiés en autarcie. Nous croyons que l’administra­tion Plante peut tout au moins exiger une augmentati­on substantie­lle du nombre de stationnem­ents souterrain­s proches des voies rapides dans le projet de la gare Viger plutôt que laisser la SIC construire un stationnem­ent étagé dans un secteur déjà congestion­né. La situation actuelle pose déjà un risque sécuritair­e pour les résidents et les visiteurs du Vieux-Port. Quant aux tours et édifices, une révision des plans s’impose, de même qu’une consultati­on publique sur ce projet révisé.

La ville de Québec est réputée pour la beauté de son quartier historique, ça ne s’est pas fait sans effort. Il faudrait que le MCC ait le même souci pour Montréal et que le service d’urbanisme de Montréal se retrousse les manches.

Un désastre annoncé ou évité ? Deux projets importants en développem­ent, soit le quai de l’Horloge et le site de la gare Viger. Trois défis de taille, soit la sécurité et la fluidité de la circulatio­n, la protection du patrimoine et finalement la mise en valeur de manière durable de celui-ci en dégageant les vues sur ces sites exceptionn­els.

Nous appuyons l’administra­tion Plante pour qu’elle prenne en main le plan de développem­ent urbain de l’arrondisse­ment de Ville-Marie afin de corriger ce gâchis et d’éviter de se retrouver dans la situation de Griffintow­n, qui a l’air de tout sauf d’une ville où il fait bon vivre. La mobilité, c’est bien. Dans un bel environnem­ent, c’est encore mieux.

Cacher des monuments historique­s avec des écrans bâtis, tour ou stationnem­ent étagé, n’est pas mettre en valeur. Au contraire !

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