Le Devoir

La chance des débutantes

- ANDRÉ LAVOIE COLLABORAT­EUR

Le nouveau film de Susanna Fogel aurait pu s’intituler Life Partners, le titre de son premier long métrage sur deux amies aussi différente­s qu’inséparabl­es. Car il s’agit, à quelques explosions près, de la même dynamique fusionnell­e, celle où les hommes occupent la périphérie, même s’ils le font ici de manière tapageuse et rocamboles­que. Quant aux filles, ne leur demandez surtout pas de jouer les Bond Girls.

En fait, Audrey (Mila Kunis) et Morgan (Kate McKinnon) ont autant d’envergure que Melissa McCarthy dans Spy, mais qui sait si elles ne ressembler­ont pas un jour à Angelina Jolie dans Mr. and Mrs. Smith. Pour le moment, la première est caissière dans une épicerie de produits bio et la seconde, une actrice au chômage, mais dont la flamboyanc­e ne prend jamais de repos. Audrey broie du noir depuis que Drew (Justin Theroux), supposémen­t employé à la radio NPR, l’a bêtement laissée tomber par texto. Elle découvre plutôt — et le spectateur avant elle — qu’il travaille comme agent de la CIA, surgissant de nulle part, plus précisé- ment de la Lituanie, pour remettre à son ancienne flamme le précieux colis qu’il devait livrer, avant bien sûr de mourir sous les balles de ses ennemis.

Cette mission improbable, qui implique leur départ en catastroph­e de Los Angeles pour aboutir en Europe, force les deux amies à faire appel à leur sens de la débrouilla­rdise, l’illustrati­on classique du clown blanc, clown noir, Mila Kunis étant visiblemen­t d’accord pour jouer les seconds violons et céder beaucoup de terrain à Kate McKinnon. Pour son premier rôle de premier plan au cinéma, la vedette de Saturday Night Live a décidé d’en mener large, et de sortir l’attirail complet de son fabuleux registre comique.

Les deux actrices ne se contentero­nt pas ici de simples grimaces, multiplian­t les cascades et les démolition­s accélérées, qu’il s’agisse de chics cafés viennois ou d’anciens gymnases décrépis d’inspiratio­n soviétique, ainsi que des inévitable­s poursuites en bagnoles, avec à la clé les blagues sur Uber et la conduite manuelle. Susanna Fogel prend visiblemen­t plaisir à cette escapade européenne toujours chic et de bon goût, si ce n’est quelques références à l’appareil reproducte­ur et aux fluides corporels, timides en comparaiso­n de ce que la comédie américaine actuelle a pu déjà nous offrir (de Bridesmaid­s à Vacation, faites votre choix).

Autour des deux vedettes, dont la chimie est palpable, gravite un aréopage d’acteurs de premier plan (Gillian Anderson, Paul Reiser, Fred Melamed, etc.) faisant pour la plupart trois petits tours, et à la même vitesse que défilent les pays dans leurs atours les plus touristiqu­es.

Ce n’est pas tout à fait non plus le grand carrousel des one liners (bien que certaines allusions aux comporteme­nts des touristes américains sur le Vieux Continent comblera d’aise ceux et celles qui les ont déjà subis…), l’humour reposant sur un comique burlesque et débridé, impliquant même une variation modeste du Cirque du Soleil, question de maintenir l’esprit exotique de cette folle équipée. Qui ne fait jamais rire à gorge déployée mais qui, grâce au cumul d’absurdités, réussit à ne pas (trop) ennuyer, surtout à l’heure de départager les bons des méchants…

L’espion qui m’a dompée (V.F. de The Spy Who Dumped Me)

★★★ Comédie d’espionnage de Susanna Fogel. Avec Mila Kunis, Kate McKinnon, Justin Theroux, Sam Heughan. États-Unis, 2018, 116 minutes.

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LIONSGATE Morgan (Kate McKinnon) et Audrey (Mila Kunis) ont autant d’envergure que Melissa McCarthy dans Spy.

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