Le Devoir

« Faire ce qui t’excite »

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c’est le côté dansant des chansons du groupe qui lui permet de se renouveler, suggère-t-on à Kapranos. « Ça oui : on a toujours voulu faire de la musique pour danser. Ce qui est drôle, cependant, c’est que d’un album à l’autre, on dirait que les gens redécouvre­nt cet aspect, ou remarquent tel ou tel détail de notre son : “Ah tiens, Franz Ferdinand joue avec des synthétise­urs !” Bah oui, on a des synthés depuis le début ! »

Ainsi, Always Ascending, le cinquième album, paru en février dernier, sonne comme le disque d’un groupe qui n’a plus rien à prouver. L’évolution dans le détail de cette réalisatio­n signée Philippe Zdar (le pionnier de la French Touch derrière les projets Cassius et, surtout, Motorbass) expose le côté dansant, distingué mais sans prétention du quintette écossais. Face aux modes qui passent, il faut garder le cap, insiste Kapranos.

Ignorer les tendances

«Le groupe Faithless, tu t’en souviens ? Ça marchait fort quand j’allais dans des festivals comme spectateur. Je sais pas comment c’était chez vous, mais chez nous, à la fin des années 1990, tout le monde n’en avait que pour les DJ et les groupes électroniq­ues. Personne ne voulait voir des musiciens à guitares. Puis, cinq ans plus tard, le rock était dans tous les festivals. Ça a changé aujourd’hui, et ça changera encore dans cinq ans. Face à ça, je pense que la meilleure attitude, en tant que musicien, c’est d’ignorer les tendances. Faire ce qui t’excite, toi, d’abord et avant tout. Faire la musique qui satisfait le besoin urgent que t’as de faire de la musique. »

Ce qui explique pourquoi Arctic Monkeys, The National et ces Écossais sont encore là, une quinzaine d’années plus tard, à jouer pour un public de grand festival qui, lui, ne vieillit jamais. C’est comme le professeur au cégep, un an plus vieux chaque nouvelle rentrée, devant des étudiants éternellem­ent jeunes… Kapranos acquiesce, « d’autant plus que dans un concert comme ça, les jeunes, qui ont un peu plus d’énergie, sont agglutinés à l’avant. Du haut de la scène, on ne voit qu’eux. Les plus vieux qui nous suivent depuis le début se tiennent généraleme­nt dans le fond… »

Si Kapranos n’est pas du genre à dire quoi faire à qui que ce soit, il lui arrive néanmoins de prodiguer des conseils à de jeunes musiciens qui le consultent sur le métier. « Par exemple, en Australie récemment, j’ai longuement discuté avec des membres de Superorgan­ism — j’adore ce qu’ils font. On parle rarement de musique ou de façon de faire sur scène. Les questions sont plutôt terre à terre : comment on fait pour être capable de vivre toujours sur la route ? Comment réagir quand on se sent loin de sa famille et de ses amis? Jamais je ne me plaindrai de faire ce métier, mais voilà, c’est un métier aussi. »

Ce qui nous ramène à la règle numéro un: pour durer comme Franz Ferdinand, ne videz pas le bar à chaque concert.

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