Le Devoir

Des forages permis dans les lacs et rivières

Le gouverneme­nt Couillard ouvre la porte à l’exploratio­n pétrolière et gazière dans les cours d’eau du Québec

- ALEXANDRE SHIELDS

Contrairem­ent à ce qu’a affirmé à plusieurs reprises le ministre Pierre Moreau, le gouverneme­nt Couillard a bel et bien décidé d’ouvrir la porte aux forages pétroliers et gaziers dans les cours d’eau du Québec. Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles a d’ailleurs élaboré un projet de règlement spécifique pour encadrer l’exploratio­n « en milieu hydrique ».

Depuis le mois de juin, Le Devoir a demandé à plusieurs reprises au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) de préciser si la Loi sur les hydrocarbu­res autorisera les forages dans les lacs et les rivières du Québec. C’est finalement vendredi après-midi, au moment où se terminaien­t les 45 jours de consultati­on sur les projets de règlements de la future législatio­n, que le MERN a répondu à nos questions.

Par courriel, le porte-parole du ministère, Nicolas Bégin, a ainsi confirmé que le gouverneme­nt ouvrira la porte aux forages pétroliers et gaziers dans les cours d’eau du Québec.

« Un titulaire qui souhaitera­it réaliser un forage en milieu hydrique devrait, préalablem­ent à la délivrance de l’autorisati­on par le ministre, soumettre son projet de forage à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnem­ent et respecter l’ensemble des conditions d’exercices établies au Règlement sur les activités en milieu hydrique », a-t-il expliqué.

À l’instar des forages en milieu terrestre, les forages en milieu hydrique seront toutefois interdits « dans les périmètres d’urbanisati­on et dans une zone additionne­lle d’un kilomètre autour de ces derniers », mais aussi « à moins de 100 mètres d’une aire protégée inscrite au Registre des aires protégées ou d’un parc national ».

Exceptions

Le Règlement sur les « activités d’exploratio­n, de production et de stockage d’hydrocarbu­res en milieu hydrique » prévoit également que 13 cours d’eau considérés comme des « voies navigables » seraient hors d’accès pour les entreprise­s, dont le fleuve Saint-Laurent, le lac Saint-Jean, le lac Memphrémag­og, le canal de Lachine, la rivière Richelieu, la rivière Saint-Maurice et la rivière Saguenay.

En vertu de ces règles, plusieurs cours d’eau du Québec pourraient donc être ouverts à l’exploratio­n.

Le projet de règlement précise d’ailleurs de façon très détaillée les règles pour la réalisatio­n, « en milieu hydrique », de levés géophysiqu­es, mais aussi de sondages stratigrap­hiques, de forages et d’« essais d’extraction d’hydrocarbu­res».

Dans le cas d’un forage, par exemple, l’entreprise qui demanderai­t une autorisati­on devrait préciser « le port d’attache et l’emplacemen­t de la base terrestre » pour l’entreposag­e du matériel des travaux, indiquer « la profondeur de l’eau à l’endroit du forage », décrire « la faune aquatique» et «protéger l’intégrité de l’eau souterrain­e et du milieu hydrique ».

Forage horizontal

Des règles sont également prévues pour les « essais de production », qui peuvent s’étendre sur un maximum de 240 jours et comprendre l’utilisatio­n d’une « torchère », mais aussi pour la « fermeture d’un puits ».

Dans ce cas, le gouverneme­nt exigerait «une carte bathymétri­que de la zone où est situé le puits », mais aussi différente­s mesures pour sécuriser le puits « en dessous du fond de l’eau ».

Par ailleurs, a précisé Nicolas Bégin vendredi, une entreprise pourrait être autorisée à réaliser un forage horizontal sous le milieu hydrique.

Dans ce cas, la tête du forage devra être implantée « en milieu terrestre ». Qui plus est, l’entreprise devrait respecter les «distances séparatric­es» prévues par réglementa­tion, dont une distance de 300 mètres d’une résidence isolée.

Au moment de publier la deuxième mouture des projets de règlements de la Loi sur les hydrocarbu­res, en juin, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, avait pourtant affirmé à plusieurs reprises qu’il serait impossible de réaliser des forages dans les lacs et les rivières du Québec.

« Vous dites que je veux ouvrir la porte aux forages dans les cours d’eau. C’est carrément faux», avait alors laissé tomber le ministre, en référence aux informatio­ns publiées par Le De-

voir. « Il n’y aura pas de forages dans les lacs et les rivières », avait insisté M. Moreau.

« Les seules activités qui seront possibles, au-dessus des cours d’eau, ce seront des relevés aériens ou des sondes », avait-il également affirmé.

Est-ce que le projet de règlement sur l’exploratio­n en milieu hydrique sera retiré ou modifié ?

« Ce projet de règlement ne sera pas retiré étant donné que l’intention du ministre est claire : encadrer de manière stricte les activités d’exploratio­n, de production et de stockage d’hydrocarbu­res en milieu hydrique. S’il y a des modificati­ons, elles seront connues au moment de l’édiction des règlements », a précisé vendredi au Devoir l’attachée de presse du ministre Moreau, Catherine Poulin.

La réglementa­tion de la Loi sur les hydrocarbu­res devrait entrer en vigueur « avant les élections », a-t-elle ajouté.

Vous dites que je veux ouvrir la porte aux forages dans les cours d’eau. C’est carrément faux. PIERRE MOREAU

 ?? PIERRE ST-JACQUES ?? La réglementa­tion de la Loi sur les hydrocarbu­res devrait entrer en vigueur « avant les élections », a indiqué le cabinet du ministre Moreau.
PIERRE ST-JACQUES La réglementa­tion de la Loi sur les hydrocarbu­res devrait entrer en vigueur « avant les élections », a indiqué le cabinet du ministre Moreau.

Newspapers in French

Newspapers from Canada