Alimentation
Au fil de l’histoire, il y a toujours eu des vagues d’immigration. Qu’elles s’abattent sur un pays pour une question de travail forcé ou d’occasions d’affaires, elles ne se retirent pas sans laisser de traces dans la culture culinaire du pays d’adoption.
La cuisine nikkei
À la toute fin du XIXe siècle, bon nombre de Japonais ont traversé l’océan Pacifique pour rejoindre le Pérou, étant donné les besoins de main-d’oeuvre bon marché en agriculture. Le flux d’immigrants japonais au Pérou continuera en grande pompe jusque vers les années 1930. Aujourd’hui, il compte la deuxième diaspora japonaise la plus importante dans le monde après le Brésil.
Ce faisant, la culture culinaire japonaise s’est doucement immiscée dans les classiques péruviens. Si bien que la mixité entre les deux porte le nom de cuisine nikkei, en référence au nom qu’on donnait aux immigrants japonais installés en Amérique du Sud. À bien y penser, ce mélange n’est pas si étonnant, puisque les deux pays partagent plusieurs ingrédients et plats similaires.
D’un côté de l’océan, il y a le ceviche, ce plat de poisson et fruits de mer crus, marinés dans du jus de lime. De l’autre, il y a le sashimi, un réel art culinaire japonais mettant en vedette des tranches de poissons et de fruits de mer crus. Or, un plat typique de la cuisine nikkei est une combinaison exquise de ces deux classiques. Le tiradito est un plat fait de tranches de poisson cru sur lesquelles on verse une sauce semblable à celle du ceviche, au moment du service seulement, plutôt que de laisser mariner le poisson dans le jus de lime.
Il y a aussi plusieurs variantes nikkei au ceviche, dans lequel on incorpore des ingrédients orientaux, le yuzu par exemple. Dans le livre Pérou de Gastón Acurio, le chef de renommée internationale raconte la richesse et la diversité de la gastronomie péruvienne: «[…] notre gastronomie est le fruit d’une longue relation de tolérance entre les peuples: les ingrédients qui la constituent sont un véritable trésor qui résulte de siècles d’échanges entre nos ancêtres et la nature».
Parfums indiens en Martinique
Au moment de l’abolition de l’esclavage en Martinique en 1848, les planteurs devaient garder le rythme dans leurs champs. Ils ont entre autres
fait venir près de 40 000 Indiens. Petit à petit, la culture indienne s’est installée confortablement dans les traditions martiniquaises.
Par exemple, un mets que l’on trouve partout en Martinique, le colombo, est un plat en sauce fait à partir d’un mélange d’épices du même nom. Faute de curry, il dégage ainsi des parfums antillais: curcuma, graines de coriandre et de moutarde, poivre noir, laurier, thym et bois d’Inde, dont les feuilles sont de la même plante que le piment de la Jamaïque ou quatre-épices. Ce mélange succulent peut autant être servi avec du poulet, du porc, ou de la chèvre que du poisson et des fruits de mer.
Le passé esclavagiste a aussi imprégné la cuisine martiniquaise de nombreux délices créoles, comme le boudin créole, les acras et les pâtés salés. D’ailleurs, la 11e édition de Martinique gourmande se tiendra à Montréal et à Québec du 13 au 23 septembre. En bref, il s’agit d’un événement qui invite les participants à goûter à la Martinique par l’entremise de plats et de cocktails conçus spécialement pour l’occasion dans certains restaurants et bars.
Les shawarmas mexicains
Un incontournable de la cuisine mexicaine est certainement les tacos al pastor. Mais les origines de ce délice viennent de loin. Il est en effet d’inspiration grandement libanaise. La longue broche utilisée pour cuire la viande qui sert de garniture principale aux tacos al pastor ressemble drôlement à celle des fameux shawarmas.
La première vague d’immigration libanaise commence au XIXe siècle, alors que l’Empire ottoman prend le contrôle de Beyrouth, la capitale du Liban. Elle progresse ainsi jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. La plupart d’entre eux s’installent d’abord en Amérique latine, notamment au Mexique. Depuis lors, les ingrédients locaux influencent la recette originale, quant au choix de viande par exemple. Le porc est à l’honneur dans les tacos al pastor. Les shawarmas, eux, sont plutôt à base de poulet, d’agneau ou de boeuf.
Après, il ne manque pas de diversité de piments au Mexique pour ajouter une touche régionale et personnelle à chaque marinade. Puis, on ne lésine pas sur la coriandre et la lime pour ajouter des notes communément mexicaines aux savoureux tacos.
Le cas du Québec
Ici, la situation est différente. Les Premières Nations avaient évidemment bon nombre de recettes à base d’ingrédients régionaux. Nous n’avons qu’à penser aux trois soeurs — maïs, haricots, courges —, au gibier et aux petits fruits, sans oublier toutes les techniques de préparation transmises de génération en génération. Puis, les colons sont arrivés ici avec leurs propres recettes dans un but de colonisation, et non dans un contexte de terre d’accueil. Comme partout ailleurs, ils ont adapté leurs recettes selon les ingrédients locaux, mais aussi avec les végétaux qu’ils ont fait venir pour les planter ici.
Dans la foulée, la grande majorité de l’héritage culinaire autochtone a été balancé aux oubliettes. Or, quand nous pensons au saumon fumé, par exemple, la Scandinavie nous vient sans doute plus souvent à l’esprit que le savoir-faire des Premières Nations d’ici. Même chose pour le sirop d’érable ; nous pensons davantage aux adaptations québécoises et plutôt contemporaines, comme la cabane à sucre, le sirop en conserve, le sucre d’érable à la crème qu’aux réelles utilisations traditionnelles.
Afin de connaître et de reconnaître tout l’héritage autochtone laissé dans nos champs et nos assiettes, le Festival Présence autochtone célèbre cette année sa 28e édition. Du 8 au 15 août à la place des Festivals du Quartier des spectacles, il y aura entre autres des dégustations de mets traditionnels des Premiers Peuples de Montréal.