Le Devoir

Le pipeline vers l’aéroport Trudeau fermé d’urgence

Le kérosène nécessaire aux avions sera transporté uniquement par camions-citernes Selon des données comptabili­sées par Équiterre, il y aurait même eu « 83 incidents sur ce pipeline depuis 2004, dont 35 au Québec »

- ALEXANDRE SHIELDS

L’entreprise Pipeline Trans-Nord a décidé de fermer temporaire­ment son pipeline qui alimente l’aéroport de Montréal en carburant d’avion, a appris Le

Devoir. L’arrêt du flux de kérosène dans ce tuyau, qui a connu de sérieux problèmes, est nécessaire pour mener des travaux d’urgence. Cette situation entraînera aussi une augmentati­on du transport de carburant par camions sur les routes de la région de Montréal.

Selon les informatio­ns obtenues auprès de différente­s sources, l’entreprise qui exploite le pipeline Trans-Nord, construit principale­ment en 1952, a choisi de stopper le transport de kérosène après avoir obtenu de nouvelles données sur « l’intégrité » de la conduite qui achemine du carburant jusqu’à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.

Ce tronçon de tuyau, qui passe par le territoire de Laval, la rivière des Prairies, une portion de l’arrondisse­ment Saint-Laurent et enfin Dorval, n’aurait pas connu de « fuite », selon Pipeline Trans-Nord.

L’entreprise a toutefois prévenu plusieurs intervenan­ts qu’elle mènerait des travaux d’« excavation » afin d’inspecter directemen­t son pipeline. Selon les informatio­ns confirmées au Devoir par différente­s sources, elle aurait même demandé des « permis d’urgence » afin que les travaux puissent débuter «le plus rapidement possible ».

L’Office national de l’énergie (ONE), l’organisme fédéral qui réglemente les pipelines au Canada, a confirmé que

cet « arrêt préventif » lui a été communiqué le 3 août.

« La société procède présenteme­nt à des fouilles d’intégrité et à des travaux de maintenanc­e sur quelques sections du pipeline », a précisé son porte-parole, Marc Drolet. Il n’a toutefois pas été possible de savoir lundi à quels endroits précis doivent avoir lieu les travaux. M. Drolet a simplement souligné que « six sites » seraient concernés sur le tronçon fermé.

La porte-parole de la Ville de Laval, Véronik Aubry, a indiqué pour sa part que la Ville a été mise au fait de « travaux d’inspection et de réparation » prévus à au moins deux endroits.

Dans un des cas, l’entreprise a d’ailleurs dû obtenir une autorisati­on du gouverneme­nt du Québec en vertu des dispositio­ns de la Loi sur la qualité de l’environnem­ent. Selon ce qu’a précisé Mme Aubry, ces travaux doivent en effet être menés dans une zone inondable de la rivière des Mille-Îles, mais aussi dans un secteur marécageux.

Le responsabl­e des communicat­ions de l’arrondisse­ment Saint-Laurent, Paul Lanctôt, a lui aussi dit avoir été mis au fait de travaux possibleme­nt prévus sur le territoire de l’arrondisse­ment. Il n’a cependant pas été en mesure de donner davantage de précisions à ce sujet lundi. Pipeline TransNord n’a pour sa part pas répondu aux questions du Devoir.

Camions-citernes

L’arrêt du transport de kérosène sur le pipeline Trans-Nord oblige la Corporatio­n internatio­nale d’avitaillem­ent de Montréal (CIAM) à se tourner rapidement vers d’autres moyens pour alimenter l’aéroport Pierre-ElliottTru­deau.

Il faut dire que le pipeline a une capacité de transport de 27,5 millions de litres par jour, soit plus de 172 000 barils. Cela est nettement suffisant pour alimenter l’aéroport, où la consommati­on quotidienn­e moyenne est de 3,9 millions de litres, selon les données fournies lundi par la porte-parole de la CIAM, Eva Falk Pedersen.

Or, sans ce pipeline, la réponse aux besoins des avions qui atterrisse­nt à Montréal passe obligatoir­ement par une croissance marquée du transport de kérosène sur les routes du Québec.

« Lorsqu’une situation empêche l’approvisio­nnement par pipeline, l’approvisio­nnement en carburant se fait par camion-citerne afin d’assurer la continuité des opérations de l’aéroport », a d’ailleurs expliqué Eva Falk Pedersen.

En se basant sur le volume moyen de kérosène qui peut être transporté dans un camion-citerne, ce sont donc entre 112 et 260 camions qui seront nécessaire­s chaque jour pour répondre aux besoins des transporte­urs aériens. Ces camions, qui circuleron­t sur le réseau routier montréalai­s, proviennen­t d’Ontario, mais aussi du Québec, notamment du Port de Québec.

Pipeline vétuste

Ce n’est pas la première fois que le pipeline Trans-Nord, âgé de 65 ans, connaît des problèmes. Il est responsabl­e à lui seul de 6 des 13 incidents liés aux pipelines au Québec répertorié­s par l’Office national de l’énergie depuis 2008. Selon des données comptabili­sées par Équiterre, il y aurait même eu « 83 incidents sur ce pipeline depuis 2004, dont 35 au Québec». Il est notamment à l’origine d’un déversemen­t de plus de 14 000 litres survenu près de la rivière des Prairies en 2010.

En septembre 2017, Trans-Nord avait également annoncé son intention de remplacer une portion de 500 mètres de conduite en raison de l’érosion de celle-ci. Et selon les notificati­ons de l’entreprise disponible­s sur le site de l’ONE, au moins quatre portions du pipeline situées dans la région de Montréal doivent faire l’objet d’une inspection d’« intégrité » et possibleme­nt de travaux de réparation uniquement cette année.

Ces notificati­ons ne comprennen­t pas les travaux prévus sur le tronçon qui vient d’être fermé.

Tous ces problèmes surviennen­t alors que la CIAM entend construire, à Montréal-Est, un terminal maritime pour recevoir du carburant d’avion. De là, le kérosène pourra être transporté par convois ferroviair­es (7300 à 10 950 wagons-citernes par année), par camions ou par barges pour alimenter les aéroports d’Ottawa et de Toronto.

L’objectif est aussi d’alimenter l’aéroport de Montréal en utilisant le pipeline Trans-Nord. Cette conduite, qui part de Montréal-Est, traverse Montréal-Nord, puis la rivière des Prairies, une partie de Laval d’est en ouest avant de redescendr­e vers le sud, de retraverse­r la rivière des Prairies, puis de rejoindre l’aéroport. Vers l’ouest, ce pipeline traverse la rivière des Mille-Îles et celle des Outaouais.

La société procède présenteme­nt à des fouilles d’intégrité et à des travaux de maintenanc­e sur quelques sections du pipeline MARC DROLET

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