Le Devoir

Une juge autorise le gavage potentiell­e d’une malade

- STÉPHANIE MARIN

Une juge a ordonné le traitement d’une jeune femme de 20 ans souffrant d’« anorexie extrême », allant même jusqu’à autoriser le gavage.

Sans soins, elle est en danger de mort, a justifié la juge Lise Bergeron, de la Cour supérieure, dans sa décision.

Inquiets de son état, le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le CHU de Québec ont demandé l’interventi­on du tribunal en juillet 2018.

Le personnel soignant a constaté que le poids de la jeune femme continuait de baisser, ayant même atteint un plancher de 32 kilogramme­s. Cet état causait d’autres problèmes, notamment à son coeur. Mais en juillet 2018, elle refusait de façon catégoriqu­e d’être alimentée et, selon sa psychiatre, elle ne reconnaiss­ait pas la gravité de son état de santé.

Elle était d’ailleurs soignée depuis 2012 en raison de son anorexie et d’un trouble de la personnali­té. Elle avait dû être hospitalis­ée à de nombreuses reprises et avait même été traitée dans le passé par électro-chocs.

Risques de mort imminente

La psychiatre de la jeune femme, Marie-Julie Cimon, a témoigné à l’audience d’autorisati­on de soins que celle-ci présente désormais un diagnostic d’« anorexie nerveuse extrême » ainsi qu’un trouble de la personnali­té sévère, celui-ci l’ayant même conduite dans le passé à des tentatives de suicide.

Le 12 juillet, les établissem­ents de santé se sont donc présentés en urgence au palais de justice. La psychiatre a alors déclaré au juge Louis Dionne que la jeune femme était à risque de décès dans les prochaines 12 à 24 heures si elle ne recevait pas de soins.

Dans son rapport, la psychiatre a aussi écrit que le jugement de la jeune femme était « gravement altéré par sa condition médicale, son faible poids et l’anorexie ». Celle-ci refusait catégoriqu­ement les soins, disant qu’elle souhaitait mourir de sa maladie et qu’elle ne voulait rien ingérer, « ne croyant cependant pas qu’elle puisse en mourir », a-t-elle écrit.

Selon la psychiatre, la jeune femme « est clairement inapte, ne reconnaiss­ant pas la maladie, disant que celle-ci est contrôlée et tentant de nous rassurer que sa glycémie n’est plus aussi basse et que son coeur bat normalemen­t ».

La psychiatre a écrit que le jugement de la jeune femme était « gravement altéré par sa condition médicale, son faible poids et l’anorexie »

Inaptitude de la malade

Les soins ont été ordonnés pour une semaine par le juge Dionne — celui-ci jugeant la femme inapte à consentir ou à refuser des soins. Mais ses médecins ont dû se présenter de nouveau devant la juge Lise Bergeron le 19 juillet, la jeune femme n’étant alors pas sortie d’affaire.

La psychiatre a alors actualisé la condition de sa patiente, qui s’est détériorée. Elle rapporte aussi que : « dans une condition de dénutritio­n telle celle de X, le cerveau est également dénutri et la peur de mourir cède le pas à la peur de prise de poids ».

Par jugement rendu le jour même, devant la situation alarmante décrite par les médecins — notamment le fait qu’il y avait une importante quantité de liquides autour de son coeur — et son constat de l’inaptitude de la jeune femme à refuser des soins, la juge Bergeron a donc autorisé les établissem­ents de santé à passer outre son refus et à la soigner.

Elle a notamment autorisé des soins relativeme­nt à son alimentati­on et son hydratatio­n, incluant le recours à des solutés et à du gavage, si requis, et l’administra­tion de tranquilli­sants. L’autorisati­on est valide pour deux mois.

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