Le Devoir

Il est urgent de revoir les critères de sélection

- Stéphane Forget Président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec

On privilégie la longueur de la formation au détriment du domaine de cette formation

La nouvelle Loi sur l’immigratio­n au Québec, adoptée en avril 2016, est entrée en vigueur la semaine dernière, le 2 août, tout comme les règlements qui en découlent. Il faut s’en réjouir.

Les nouvelles dispositio­ns créent un processus d’admission plus efficace pour les nouveaux arrivants au Québec. Ce nouveau processus prévoit raccourcir de 32 à 12 mois le temps de traitement des demandes de certificat de sélection du Québec. Il remplace le principe du premier arrivé, premier servi par un processus qui donne priorité aux candidatur­es qui répondent le mieux aux besoins de main-d’oeuvre du Québec. C’est tant mieux pour les entreprise­s québécoise­s ; tant mieux aussi pour les immigrants : on sait que l’emploi reste, et de loin, leur meilleur levier d’intégratio­n à leur société d’accueil.

Il demeure toutefois préoccupan­t qu’à son entrée en vigueur, dans les faits, de nouvelles dispositio­ns de la loi restent inconnues.

Un chantier à compléter

Plus préoccupan­t encore, le chantier de la sélection et de l’accueil des immigrants demeure à compléter. La nouvelle réglementa­tion n’a pas modifié les critères de sélection, qui reflètent toujours de vieux schèmes de pensée quant aux qualificat­ions des travailleu­rs.

En résumé, on privilégie la longueur de la formation au détriment du domaine de cette formation. Le système de points qui gouverne la sélection des immigrants contient en lui les germes d’une situation qui perdure : la prévalence d’immigrants surqualifi­és pour les emplois qu’ils occupent cohabite avec une pénurie de main-d’oeuvre pour des postes requérant certains niveaux de qualificat­ion profession­nelle ou technique. En 2011, on constatait que 49 % des immigrants étaient surqualifi­és pour le poste qu’ils occupaient, contre 30% pour les travailleu­rs nés au Québec. Selon une étude de Statistiqu­e Canada, en 2015-2016, pour chaque poste vacant nécessitan­t un diplôme universita­ire, six chômeurs qualifiés étaient disponible­s ; mais seulement deux étaient disponible­s pour les postes ne requérant aucun niveau minimal de scolarité.

Au Québec, et dans nos régions en particulie­r, la véritable pénurie concerne non pas les Ph. D., mais bien les postes non qualifiés, ceux requérant un diplôme d’études secondaire­s ou collégiale­s. Il est donc essentiel et urgent de revoir les critères de sélection. La FCCQ a déjà formulé sa position à cet égard. Elle tient en trois points :

— Supprimer les seuils éliminatoi­res pour les travailleu­rs peu qualifiés, s’ils bénéficien­t d’une offre d’emploi validée, c’est-à-dire la confirmati­on qu’un employeur est disposé à embaucher le candidat à l’immigratio­n. Si un employeur québécois s’est donné la peine d’aller recruter ce travailleu­r jusque dans son pays d’origine, le besoin à combler doit être très réel. En outre, peu importe leur niveau de scolarité, ces travailleu­rs créeront de la richesse au Québec dès leur arrivée.

— Pour les mêmes raisons, augmenter la pondératio­n accordée dans la grille de sélection à l’existence d’une offre d’emploi validée. En principe, la grille de sélection doit mesurer la facilité d’intégratio­n d’une personne dans sa société d’accueil. Puisque comme l’emploi est le meilleur levier d’intégratio­n, cette propositio­n devrait aller de soi, d’autant que les entreprise­s peuvent contribuer à la francisati­on des nouveaux employés.

— Augmenter la pondératio­n accordée au domaine de la formation relativeme­nt à la durée de celle-ci.

C’est à ces seules conditions que la grille de sélection pourra mieux tenir compte de nos besoins de main-d’oeuvre et des goulots d’étrangleme­nt qui freinent la croissance et la création de richesse au Québec.

Grâce à la nouvelle réglementa­tion sur l’immigratio­n, on donnera la priorité aux candidats qui correspond­ent le mieux à nos critères de sélection. Reste à revoir ces critères pour qu’ils reflètent à la fois nos besoins de maind’oeuvre à combler et, par la même occasion, les chances réelles des candidats de s’intégrer rapidement à la société québécoise.

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