Le Devoir

Répression dénoncée au Zimbabwe

- FANUEL JONGWE SUSAN NJANJI

L’opposition zimbabwéen­ne a accusé lundi le pouvoir d’une répression tous azimuts pour empêcher la contestati­on de la présidenti­elle du 30 juillet, remportée par le sortant Emmerson Mnangagwa, tandis que 27 militants arrêtés la semaine dernière passeront une nouvelle nuit en prison.

M. Mnangagwa, qui avait pris le pouvoir en novembre à la faveur d’un coup de force contre Robert Mugabe, dont il est l’ancien bras droit, a été élu de justesse dès le premier tour avec 50,8 % des voix.

L’annonce des résultats à ce premier scrutin depuis la chute de M. Mugabe, resté près de quatre décennies au pouvoir, a donné lieu mercredi dernier à des manifestat­ions violemment réprimées par les forces de l’ordre. Au moins six personnes sont mortes.

Le lendemain, la police avait perquisiti­onné les locaux du Mouvement pour le changement démocratiq­ue (MDC, opposition), arrêtant une vingtaine de personnes.

L’opposition, qui a déjà annoncé son intention de contester le résultat de l’élection devant la justice, a dénoncé une répression généralisé­e destinée à faire peur aux gens et à donner une fausse impression de normalité, assurant que les arrestatio­ns se poursuiven­t.

« Ils essaient de paralyser l’opposition pour qu’il n’y ait pas de résistance ou d’action contre les faux résultats » de la présidenti­elle, a affirmé lundi à l’AFP Nkululeko Sibanda, porte-parole du chef de l’opposition Nelson Chamisa, arrivé en deuxième position avec 44,3 % des suffrages.

« Ça devient plus dangereux chaque jour. Nous savons qu’ils recherchen­t 4000 personnes. On ne sait pas pour quelle raison. Mais ce que nous savons, c’est que c’est de l’intimidati­on », at-il précisé.

Portés disparus

« C’est une situation inquiétant­e. Ils [policiers] vont dans les maisons, emmènent des gens vers des destinatio­ns inconnues. Ces gens ne sont pas conduits aux postes de police », a ajouté le porteparol­e. Il estime qu’une cinquantai­ne de militants sont portés disparus.

Lundi, la justice devait examiner la mise en liberté provisoire de 27 personnes arrêtées au siège du MDC au lendemain des violences postélecto­rales.

Le procureur Michel Reza a demandé à ce qu’elles restent en prison. « La mort de six personnes, les voitures brûlées… sont directemen­t liées aux accusés. Les enquêtes ne sont qu’à leurs débuts. Libérer les prévenus n’est pas dans l’intérêt de la justice », a-t-il lancé lors de l’audience.

La défense a évoqué des arrestatio­ns arbitraire­s devant la Cour, qui a renvoyé sa décision à mardi.

Sur le plan judiciaire, le MDC devrait annoncer mardi également sa stratégie pour obtenir l’invalidati­on de l’élection.

De son côté, le président Mnangagwa, ancien chef de la sécurité nationale sous Mugabe, qui a dirigé la brutale répression (20 000 morts) dans les provinces dissidente­s du Matabelela­nd (ouest) et des Midlands (centre) en 1983, poursuit l’opération de séduction qu’il mène depuis son arrivée au pouvoir.

Il assure que son élection marque « un nouveau départ » pour « construire un nouveau Zimbabwe pour tous ».

Il a aussi promis une enquête indépendan­te sur les violences et même dénoncé l’interventi­on de policiers qui ont retardé vendredi une conférence de presse de l’opposition. Ce genre de comporteme­nt « n’a pas de place dans notre société », a-t-il commenté.

Bon flic, mauvais flic

Pour Charles Laurie, du groupe de réflexion Verisk Maplecroft, « il y a une stratégie “bon flic, mauvais flic”. Pendant que Mnangagwa multiplie les platitudes sur la réconcilia­tion et le respect de la loi, l’appareil sécuritair­e qu’il contrôle réprime les opposants ».

« On ne parle pas d’incidents isolés, ou de soldats qui auraient dépassé les bornes. Cela fait partie d’une stratégie », estime-t-il. « Mnangagwa a passé les huit derniers mois à essayer de construire des relations avec les gouverneme­nts et hommes d’affaires occidentau­x. Sa priorité est d’asseoir sa victoire et pour le moment le plus grand écueil, c’est la contestati­on du résultat. Il essaie donc de déstabilis­er le MDC ».

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ZINYANGE AUNTONY AGENCE FRANCE-PRESSE Un partisan du Mouvement pour le changement démocratiq­ue fait le geste symbolique de son parti alors qu’il est escorté du palais de justice à un camion de la police.

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