Le Devoir

L’Iran juge l’approche de Trump « insensée »

Hassan Rohani a accusé Washington de « vouloir lancer une guerre psychologi­que contre la nation iranienne »

- ÉRIC RANDOLPH SYLVIE LANTEAUME

Soit [le régime iranien] change son attitude menaçante et déstabilis­atrice, et il pourra retourner dans le giron de l’économie mondiale, soit il continue sur la route de l’isolement économique DONALD TRUMP

Le président iranien Hassan Rohani, isolé et en difficulté, a jugé «insensées » lundi des négociatio­ns avec les États-Unis, alors qu’ils rétablisse­nt des sanctions susceptibl­es d’aggraver les difficulté­s économique­s de son pays.

Dans un entretien télévisé à quelques heures du rétablisse­ment de sévères sanctions américaine­s contre l’Iran, M. Rohani a accusé Washington de « vouloir lancer une guerre psychologi­que contre la nation iranienne et provoquer des dissension­s » parmi les Iraniens.

Il s’agit de la première réaction de M. Rohani aux appels à négocier lancés par le président américain Donald Trump, qui a néanmoins de nouveau averti l’Iran lundi.

«Le régime iranien est aux prises avec un choix », a-t-il dit dans un communiqué. « Soit il change son attitude menaçante et déstabilis­atrice, et il pourra retourner dans le giron de l’économie mondiale, soit il continue sur la route de l’isolement économique. »

Mais M. Trump a aussi souligné qu’il restait «ouvert» à un «accord plus global qui concernera­it l’ensemble de ses activités néfastes, y compris son programme balistique et son soutien au terrorisme ».

Le rétablisse­ment des sanctions économique­s a été décidé après le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord historique sur le nucléaire, conclu en 2015 entre l’Iran et les grandes puissances. M. Trump critique fortement cet accord alors que les Iraniens le défendent bec et ongles.

« Si vous êtes un ennemi et que vous poignardez quelqu’un avec un couteau, et qu’ensuite vous dites que vous voulez des négociatio­ns, la première chose à faire, c’est d’enlever le couteau », a dit M. Rohani. « Comment peuvent-ils montrer qu’ils sont dignes de confiance ? En revenant au JCPOA », a-t-il indiqué, en référence à l’accord nucléaire.

Conclu après des années de difficiles négociatio­ns entre l’Iran d’une part, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine, l’Allemagne et l’Union européenne de l’autre, l’accord vise à garantir le caractère strictemen­t pacifique du programme nucléaire iranien en le soumettant à une surveillan­ce draconienn­e.

En échange, il prévoyait la levée progressiv­e des sanctions qui avaient asphyxié l’économie iranienne et isolé le pays. Dans son dernier rapport en mai, l’Agence internatio­nale de l’énergie atomique avait attesté que l’Iran continuait de respecter ses engagement­s.

Mais M. Trump, qui a adopté une attitude très hostile envers l’Iran depuis son arrivée au pouvoir, veut « intensifie­r la pression sur Téhéran pour qu’il change de comporteme­nt ». Il reproche entre autres à ce pays son soutien au président syrien Bachar al-Assad, aux rebelles au Yémen ou encore au Hamas à Gaza et au Hezbollah libanais.

La première vague de sanctions américaine­s, qui entrait en vigueur mardi à minuit (4h GMT), comprendra des blocages sur les transactio­ns financière­s et les importatio­ns de matières premières, ainsi que des mesures pénalisant­es sur les achats dans le secteur automobile et l’aviation commercial­e. Elle sera suivie, en novembre, de mesures affectant le secteur pétrolier et gazier ainsi que la Banque centrale.

Ces sanctions risquent de lourdement peser sur une économie iranienne à la peine, qui souffre d’un taux de chômage élevé et d’une nette inflation. Le rial iranien a plongé, perdant près des deux tiers de sa valeur en six mois.

Manifestat­ions

La semaine dernière, plusieurs villes iraniennes ont été le théâtre de manifestat­ions sporadique­s et de grèves, fruits du mécontente­ment quant à la situation économique détériorée, à la classe politique, mais aussi au manque d’eau causé par la sécheresse.

Des responsabl­es accusés de corruption et de spéculatio­n ont en outre été arrêtés.

M. Rohani, qui avait tout misé sur l’accord nucléaire, a aujourd’hui bien du mal à défendre sa politique et voit ses soutiens s’étioler, selon des experts. Mais, l’ayatollah Ali Khamenei, premier personnage de l’État et ultime décideur dans les dossiers épineux, ne voudrait pas qu’il échoue dans sa tentative de modifier sa politique, disent-ils.

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AGENCE FRANCEPRES­SE / PRÉSIDENCE IRANIENNE Le président iranien, Hassan Rohani, en entrevue télévisée, lundi

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