Le Devoir

La souveraine­té omniprésen­te

La question nationale sera au centre de tous les débats, qu’on la nomme explicitem­ent ou pas

- Jean-Martin Aussant

Candidat du Parti québécois dans Pointe-aux-Trembles

Ils sont légion et fort peu originaux ceux qui prétendent que l’élection d’octobre sera la première en 50 ans à se dérouler sans qu’on parle de la question nationale, sous prétexte qu’un référendum n’est pas sur l’écran radar à court terme. Et pourtant, la souveraine­té sera au centre de tous les débats, qu’on la nomme explicitem­ent ou pas.

De quoi parle-t-on depuis un moment dans les bulletins de nouvelles ? De dossiers qui sont très majoritair­ement reliés au manque de capacité du Québec d’agir comme bon lui semble, donc d’un manque de souveraine­té, étant subordonné à un gouverneme­nt situé à l’extérieur de son territoire. Des exemples ?

Quand on suit les variations inexplicab­les du prix de l’essence à la pompe et la frustratio­n des citoyens du Québec à cet égard, on se rappelle que le premier ministre du Québec, un fédéralist­e extrême, a lui-même avoué à l’Assemblée nationale qu’il ne pouvait rien faire pour les Québécois puisque la réglementa­tion dudit prix sur notre territoire est la prérogativ­e d’un autre gouverneme­nt, basé hors Québec.

Quand on mentionne la légalisati­on du cannabis, on décrie le fait que le Québec se fait bousculer par un gouverneme­nt hors Québec qui a décidé unilatéral­ement de légaliser une drogue sur notre territoire, en pelletant, de surcroît, dans notre cour toutes les conséquenc­es néfastes appréhendé­es de cette légalisati­on.

Quand on parle de l’écoeuranti­te aiguë des Québécois envers les paradis fiscaux et l’évasion fiscale à grande échelle, on nous renvoie aux ententes fiscales conclues par un gouverneme­nt hors Québec avec des législatio­ns de complaisan­ce qui nous incluent de

facto. Nous ne sommes pas maîtres de nos ententes internatio­nales, comme État subordonné à un autre qui décide évidemment selon ses intérêts à lui. Même chose quand on s’intéresse à la renégociat­ion de l’ALENA : les pourparler­s se font entre États souverains. Le Québec ne peut donc y dépêcher qu’un lobbyiste pour tenter de se faire entendre s’il a de la chance, bien que les communicat­eurs du gouverneme­nt fédéralist­e actuel l’appellent un « négociateu­r en chef » pour brouiller les perception­s. Ceux-là mêmes qui faisaient référence à la rigueur plutôt qu’à l’austérité. Ou au changement dans la continuité. C’est à croire que le Parti québécois n’a pas inventé les campagnes humoristiq­ues.

Quand, il n’y a pas si longtemps, nous croisions les doigts au Québec en attendant de savoir si un gouverneme­nt hors Québec allait décider de faire passer un pipeline sur notre territoire, touchant d’innombrabl­es cours d’eau, nous subissions encore ici la réalité d’un peuple subordonné à un autre. C’était directemen­t relié au manque de souveraine­té du Québec sur son propre territoire et à son incapacité de gérer complèteme­nt lui-même sa politique environnem­entale.

Quand on parle d’immigratio­n, on illustre le fait que le Québec ne contrôle pas ses frontières ni les accords qui les régissent. C’est un gouverneme­nt hors Québec qui détient ce pouvoir sur notre territoire, ce qui constitue une anomalie évidente pour toute nation qui se respecte.

Quoi qu’en disent les commentate­urs à l’approche de la campagne automnale, chaque dossier qui fera les manchettes sera une illustrati­on supplément­aire de la nécessité de faire la souveraine­té pour pouvoir agir selon nos intérêts et nos façons de voir les choses comme Québécois. Sommes-nous meilleurs que nos voisins ? De toute évidence sur un plan : décider nous-mêmes de ce qui sied au Québec, comme nos voisins le font chez eux. La normalité, quoi.

Pour ma part, je suis venu en politique initialeme­nt pour travailler à la souveraine­té du Québec, et j’y suis revenu pour les mêmes raisons. J’en parlerai à chaque occasion avant, pendant et après la campagne. Les Québécois ne mentionnen­t peut-être pas nommément la souveraine­té comme étant leur priorité dans les sondages, mais il n’en demeure pas moins que toutes les solutions à leurs enjeux prioritair­es sont reliées à la capacité du Québec d’agir selon ses objectifs. Déléguer les solutions à un gouverneme­nt hors Québec nous coûte cher et nous ralentit dans tout ce que nous faisons.

Certains s’engagent en politique active pour convaincre leurs concitoyen­s qu’il est préférable de demeurer sous la tutelle d’un autre peuple. Je n’ai jamais vraiment compris cette approche. Au contraire, j’ai confiance en notre intelligen­ce collective et en notre capacité à gérer notre propre destin, comme le font près de 200 pays dans le monde, pourtant moins équipés que le Québec, sans jamais regretter un instant d’être souverains. Comme toujours depuis 50 ans, c’est donc sur ce choix que portera directemen­t ou indirectem­ent la prochaine élection. Jusqu’à ce qu’on règle définitive­ment la question.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR « Déléguer les solutions à un gouverneme­nt hors Québec nous coûte cher et nous ralentit dans tout ce que nous faisons », écrit Jean-Martin Aussant.

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