Le Devoir

« Citoyens 1 — Système 0 »

Les populistes font adopter une loi controvers­ée sur le travail

- CATHERINE MARCIANO

Les populistes italiens, au pouvoir depuis deux mois, ont fait adopter mardi, sous le feu des critiques, leur première loi majeure qui ambitionne de réformer le marché du travail et de frapper les entreprise­s abusant de la flexibilit­é.

Dans la foulée de la Chambre des députés la semaine dernière, le Sénat a avalisé mardi le «décret-loi dignité», par 155 voix pour, 125 voix contre et 1 abstention, donnant le feu vert définitif à un texte limitant le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) et pénalisant licencieme­nts et délocalisa­tions.

Ce cheval de bataille de Luigi Di Maio, ministre du Travail et chef de file du Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystèm­e), est sous le feu des critiques du patronat italien, ainsi que du Parti démocrate (PD, centre gauche).

«Citoyens 1 — Système 0», a tweeté mardi Luigi Di Maio, triomphant. Et les sénateurs de sa formation ont qualifié de « révolution culturelle » ce coup porté au « fléau social qui s’appelle la précarité ».

« Le ministre du Travail est depuis aujourd’hui le ministre du Chômage», a commenté, pour sa part, l’ex-chef du gouverneme­nt, Matteo Renzi, l’homme fort du PD, sur les réseaux sociaux. « Grâce aux géniales intuitions du ministre Di Maio, nous allons perdre 80 000 postes de travail », a-t-il dit, en reprenant un chiffre des services du gouverneme­nt qui a fait polémique en juillet.

Selon le patronat, les nouvelles me-

Selon le patronat, les nouvelles mesures vont décourager les investisse­ments et limiter la croissance

sures vont décourager les investisse­ments et limiter la croissance. Quant au tour de vis sur les CDD, il « risque d’avoir un impact négatif » sur le chômage.

L’Italie est aux prises avec un chômage endémique, avec un taux de 10,9 % en juin, qui monte à 32,6% pour les 1524 ans, très au-dessus de la moyenne de la zone euro (16,8 % en mai).

Concrèteme­nt, il ne sera plus possible de dépasser les deux ans en CDD, contre trois auparavant.

Seules les personnes faisant le ménage ou s’occupant de personnes âgées sont exclues du dispositif.

Au-delà de 12 mois, les employeurs devront justifier la prolongati­on, par exemple pour un pic non prévu d’activité, une mesure source de recours en justice, prédit le patronat.

En outre, les entreprise­s ne pourront pas totaliser plus de 30% d’emplois temporaire­s.

Les indemnités pour licencieme­nts abusifs sont également augmentées, tandis que les entreprise­s procédant à des embauches bénéficien­t d’une prime.

Toute entreprise ayant reçu une aide de l’État sera en outre tenue de la rembourser si elle délocalise son activité dans les cinq ans qui suivent. Si cette délocalisa­tion a lieu en dehors de l’UE, l’entreprise devra rembourser de deux à quatre fois le montant de l’aide.

La loi comprend aussi une interdicti­on de la publicité des jeux de hasard, une dispositio­n qui inquiète les milieux sportifs compte tenu du gros marché des paris sportifs.

Les sénateurs du PD se sont bruyamment opposés mardi à cette révision législativ­e qui balaie le «Jobs Act», grande réforme du marché du travail de M. Renzi.

En vigueur depuis mars 2015, le « Jobs Act » avait introduit un contrat de travail à durée indétermin­ée à « protection croissante», qui permettait aux employeurs un licencieme­nt plus facile pendant au moins trois ans, mais dont l’impact réel a fait débat.

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