Des doutes sérieux sur le mégaprojet Arianne Phosphate
Le gouvernement Couillard a approuvé et soutenu financièrement l’imposant projet minier d’Arianne Phosphate, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Or, les experts du ministère de l’Environnement du Québec ont émis de sérieuses réserves à son égard, a constaté Le Devoir. Non seulement sa rentabilité serait très incertaine, mais le terminal maritime qui devra être construit pourrait engendrer des impacts environnementaux significatifs.
L’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE) évalue présentement le « terminal maritime » qui devrait être construit sur le Saguenay pour exporter le minerai d’apatite qui serait extrait de la future mine du Lac-à-Paul, à raison de trois millions de tonnes par année.
Dans le cadre de cette évaluation fédérale, l’ACEE a publié en juillet un « rapport provisoire » en vue de la « consultation publique » tenue en plein été et qui se termine le lundi 13 août. En plus de son volumineux rapport, l’Agence a mis en ligne plusieurs documents déposés par différents intervenants, dont une « analyse » de 337 pages produite par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) du Québec.
En annexe de ce document du MDDELCC, on trouve une analyse économique datée du 21 mars 2018 et qui remet sérieusement en doute la viabilité de ce projet. Le document est signé par Dick McCollough, économiste senior à la direction générale de l’évaluation environnementale et stratégique du ministère de l’Environnement du Québec.
« Malgré le ton optimiste des gestionnaires d’Arianne Phosphate et des autorités portuaires constaté dans les communiqués et les documents officiels, la situation financière de Arianne Phosphate semble précaire, sinon insoutenable à court et moyen termes, en raison principalement de l’importance des
Si on ajoute les autres projets en développement, dont le terminal de gaz naturel liquéfié Énergie Saguenay, plus de 635 navires pourraient remonter le Saguenay en 2030, soit une hausse de 180 %.
L’examen fédéral du projet de terminal maritime où serait chargé le minerai d’Arianne phosphate permet de constater que le trafic maritime industriel augmentera de façon significative sur le Saguenay au cours des prochaines années, notamment en raison de la construction du nouveau port. Une situation qui pourrait nuire aux bélugas qui vivent dans le parc marin créé pour les protéger.
Selon l’Administration portuaire du Saguenay (APS), promoteur du projet, le «scénario maximal» d’utilisation du futur terminal équivaudrait à 140 navires par année en 2030. Un scénario qui signifie une augmentation de 60 % du trafic maritime, par rapport à la situation actuelle. Mais si on ajoute les autres projets en développement, dont le terminal de gaz naturel liquéfié Énergie Saguenay, plus de 635 navires pourraient remonter le Saguenay en 2030, soit une hausse de 180 %.
Après avoir évalué l’augmentation du trafic maritime et les mesures prévues par l’APS pour réduire le nombre de navires nécessaires pour le projet d’Arianne Phosphate, « Pêches et Océans Canada est d’avis que l’augmentation anticipée du trafic maritime liée au projet aurait un faible risque d’effet négatif sur la population de béluga de l’estuaire du Saint-Laurent », peut-on lire dans le rapport provisoire de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale.
Le ministère fédéral reconnaît néanmoins que ce «risque» s’ajoute aux autres éléments qui nuisent déjà au rétablissement de l’espèce, dont la pollution sonore dans leur habitat essentiel.
Expert des bélugas depuis plus de 30 ans, Robert Michaud estime que « l’envahissement » de leur environnement acoustique est un enjeu à prendre au sérieux sur le Saguenay, puisque ces cétacés dépendent largement du son pour toutes les phases de leur vie.
D’ailleurs, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont annoncé cette année du financement pour des projets qui doivent notamment permettre de mieux comprendre comment évolue la pollution sonore dans l’habitat essentiel de l’espèce, dont le Saguenay fait partie.