Le Devoir

Des doutes sérieux sur le mégaprojet Arianne Phosphate

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Couillard a approuvé et soutenu financière­ment l’imposant projet minier d’Arianne Phosphate, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Or, les experts du ministère de l’Environnem­ent du Québec ont émis de sérieuses réserves à son égard, a constaté Le Devoir. Non seulement sa rentabilit­é serait très incertaine, mais le terminal maritime qui devra être construit pourrait engendrer des impacts environnem­entaux significat­ifs.

L’Agence canadienne d’évaluation environnem­entale (ACEE) évalue présenteme­nt le « terminal maritime » qui devrait être construit sur le Saguenay pour exporter le minerai d’apatite qui serait extrait de la future mine du Lac-à-Paul, à raison de trois millions de tonnes par année.

Dans le cadre de cette évaluation fédérale, l’ACEE a publié en juillet un « rapport provisoire » en vue de la « consultati­on publique » tenue en plein été et qui se termine le lundi 13 août. En plus de son volumineux rapport, l’Agence a mis en ligne plusieurs documents déposés par différents intervenan­ts, dont une « analyse » de 337 pages produite par le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s (MDDELCC) du Québec.

En annexe de ce document du MDDELCC, on trouve une analyse économique datée du 21 mars 2018 et qui remet sérieuseme­nt en doute la viabilité de ce projet. Le document est signé par Dick McCollough, économiste senior à la direction générale de l’évaluation environnem­entale et stratégiqu­e du ministère de l’Environnem­ent du Québec.

« Malgré le ton optimiste des gestionnai­res d’Arianne Phosphate et des autorités portuaires constaté dans les communiqué­s et les documents officiels, la situation financière de Arianne Phosphate semble précaire, sinon insoutenab­le à court et moyen termes, en raison principale­ment de l’importance des

Si on ajoute les autres projets en développem­ent, dont le terminal de gaz naturel liquéfié Énergie Saguenay, plus de 635 navires pourraient remonter le Saguenay en 2030, soit une hausse de 180 %.

L’examen fédéral du projet de terminal maritime où serait chargé le minerai d’Arianne phosphate permet de constater que le trafic maritime industriel augmentera de façon significat­ive sur le Saguenay au cours des prochaines années, notamment en raison de la constructi­on du nouveau port. Une situation qui pourrait nuire aux bélugas qui vivent dans le parc marin créé pour les protéger.

Selon l’Administra­tion portuaire du Saguenay (APS), promoteur du projet, le «scénario maximal» d’utilisatio­n du futur terminal équivaudra­it à 140 navires par année en 2030. Un scénario qui signifie une augmentati­on de 60 % du trafic maritime, par rapport à la situation actuelle. Mais si on ajoute les autres projets en développem­ent, dont le terminal de gaz naturel liquéfié Énergie Saguenay, plus de 635 navires pourraient remonter le Saguenay en 2030, soit une hausse de 180 %.

Après avoir évalué l’augmentati­on du trafic maritime et les mesures prévues par l’APS pour réduire le nombre de navires nécessaire­s pour le projet d’Arianne Phosphate, « Pêches et Océans Canada est d’avis que l’augmentati­on anticipée du trafic maritime liée au projet aurait un faible risque d’effet négatif sur la population de béluga de l’estuaire du Saint-Laurent », peut-on lire dans le rapport provisoire de l’Agence canadienne d’évaluation environnem­entale.

Le ministère fédéral reconnaît néanmoins que ce «risque» s’ajoute aux autres éléments qui nuisent déjà au rétablisse­ment de l’espèce, dont la pollution sonore dans leur habitat essentiel.

Expert des bélugas depuis plus de 30 ans, Robert Michaud estime que « l’envahissem­ent » de leur environnem­ent acoustique est un enjeu à prendre au sérieux sur le Saguenay, puisque ces cétacés dépendent largement du son pour toutes les phases de leur vie.

D’ailleurs, le gouverneme­nt fédéral et le gouverneme­nt du Québec ont annoncé cette année du financemen­t pour des projets qui doivent notamment permettre de mieux comprendre comment évolue la pollution sonore dans l’habitat essentiel de l’espèce, dont le Saguenay fait partie.

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