Le Devoir

Quand l’appât d’une voiture neuve devient une « pompe à fric »

Faut-il s’équiper d’une auto neuve ou d’occasion ? Acheter ou louer ? Et quel budget annuel faut-il calculer pour l’ensemble des frais reliés à l’utilisatio­n de son véhicule ?

- FLORENCE SARA G. FERRARIS

Savez-vous combien vous coûte réellement votre voiture chaque année ? Non ? À en croire un sondage mené par l’Associatio­n canadienne des automobili­stes, vous n’êtes assurément pas le seul, plus des deux tiers des Canadiens ayant admis ignorer ce qu’ils dépensent vraiment pour posséder et utiliser un véhicule.

Bon an, mal an, posséder un véhicule de promenade — tous types confondus — coûte en moyenne plus de 10 000 $ à son propriétai­re.

Essence, frais d’immatricul­ation et d’assurance, changement­s de pneus, entretien annuel et autres imprévus viennent s’ajouter aux paiements de base, faisant rapidement grimper la facture. À un point tel que, pour la plupart des ménages, la voiture représente la deuxième dépense mensuelle en importance, tout de suite après le loyer.

Rares sont pourtant les automobili­stes qui arrivent à bien estimer le budget qu’ils allouent chaque année à la possession et à l’utilisatio­n d’un véhicule.

Ainsi, selon un sondage mené par l’Associatio­n canadienne des automobili­stes (CAA) et rendu public au début de l’été, près de 70 % des Canadiens ne savent pas combien d’argent ils consacrent annuelleme­nt à ce poste budgétaire. Et sur ce nombre, environ un cinquième sous-estime de 1000 $ ou plus la somme consacrée à leur voiture.

« Les gens ne sont pas vraiment conscients de tous les frais associés à ce moyen de transport, soutient le porteparol­e de CAA-Québec Pierre-Olivier Fortin. Est-ce qu’ils devraient l’être plus ? Sans doute. Surtout qu’il s’agit d’une décision financière lourde. Ça ne devrait pas être pris à la légère ou fait sur un coup de tête. Trop souvent, les consommate­urs ont de la difficulté à résister aux chants des sirènes. Les publicités sont alléchante­s, mais elles reflètent bien peu la réalité. »

Par exemple, expose-t-il, une annonce qui affiche une voiture à seulement 250 $ par mois ne tient pas compte des pleins d’essence, des assurances, des changement­s d’huile et des frais de stationnem­ent, pour ne nommer que ceux-là. « Ce montant présenté comme une aubaine, ce n’est que le paiement de base ! Et c’est bien normal, on ne demandera pas aux concession­naires d’inclure ces frais, mais ce sont des choses qui devraient être calculées quand on décide d’acheter une voiture parce qu’on peut rapidement se ramasser avec une facture deux ou trois fois plus élevée. »

Budgéter la perte

Et c’est sans compter la dépréciati­on, une donnée qui est bien souvent négligée par les consommate­urs. C’est pourtant principale­ment là que le bât blesse, ce facteur pouvant, à lui seul, faire pratiqueme­nt doubler le coût de possession d’un véhicule.

Loin de se limiter au marché automobile, la dépréciati­on est, de manière simple, ce qui explique la différence entre le prix d’achat d’un bien neuf et son prix de revente. Invisible, parce qu’absente des factures, elle est généraleme­nt ignorée des consommate­urs. Il s’agit toutefois du coût annuel le plus important d’un véhicule.

« C’est très difficile pour les gens de comprendre les effets de la dépréciati­on sur leurs paiements courants, souligne Pierre-Olivier Fortin de CAA-Québec. C’est un phénomène abstrait, qui demande un effort de projection dans le temps. Ce qui est certain, c’est que plus on change souvent de voiture, plus on perd au change, parce que le gros de la dépréciati­on se joue dans les premières années. »

De fait, toujours selon CAA, un véhicule perd, en moyenne, 30 % de sa valeur au cours de la première année de possession. Après cinq ans, on parle d’une baisse de 60 à 70 %.

« C’est le marché qui est fait comme ça, expose Éric Brassard, FCPA, FCA, Pl. Fin, associé chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés inc. Et, malheureus­ement, on ne peut pas faire grand-chose pour y échapper. Si vous achetez neuf, vous allez devoir assumer les coûts de la dépréciati­on. Et plus votre voiture vaut cher, plus cette perte de valeur est importante. »

L’appât du neuf

C’est pour cette raison, notamment, qu’Éric Brassard invite plusieurs de ses clients à se tourner vers le marché des voitures d’occasion. « Les gens pensent, à tort, qu’une voiture neuve leur coûtera moins cher, mais c’est justement parce qu’ils ne prennent pas en compte cette perte de valeur, explique celui à qui l’on doit le livre Finance au volant. Après, c’est certain qu’il y a quelques citrons qui vous amèneront régulièrem­ent chez le garagiste, mais en règle générale, une voiture bien entretenue coûte bien moins cher à son propriétai­re. »

Et il suffit bien souvent d’opter pour une voiture de quatre ou cinq ans pour faire de réelles économies.

«Personnell­ement, j’ai acheté une 2013 l’an dernier, elle m’a coûté la moitié de ce qu’elle valait à l’origine, illustre le comptable agréé. Mais je n’accorde pas d’importance à la nouveauté, ce n’est pas le cas de tout le monde. Ce que je déplore, par contre, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui sont comme moi, mais qui à cause du mythe de la fiabilité, paient pour du neuf alors qu’ils n’en ont pas besoin. »

Et, contrairem­ent à ce qu’on pourrait penser, la location n’est pas une solution, insiste Éric Brassard. « Encore une fois, c’est l’attrait de la nouveauté et cette impression que les choses seront plus simples qui poussent les gens à opter pour des voitures neuves louées », affirme-t-il.

« Mais dans les faits, la location n’est qu’un mode de financemen­t et, à moins que vous comptiez acheter votre voiture de location à la fin de votre bail, la seule chose que votre location vous fera faire, c’est payer la note de dépréciati­on du véhicule sans jamais avoir l’avantage de la revendre. »

Chose certaine, qu’on opte pour une voiture neuve ou d’occasion, il faut garder en tête qu’il s’agit toujours d’une dépense de taille, soutient le comptable agréé. « Avec l’ensemble des frais rattachés, c’est assez difficile de s’en sortir en bas de 10 000 $ par année », avance Éric Brassard.

Côté pratique

« Après, il faut évaluer nos envies et nos besoins. Il y a des gens qui aiment tout simplement le fait d’avoir une voiture, c’est correct aussi. Il y en a d’autres pour qui les options de transport alternatif, comme l’autopartag­e par exemple, ne sont pas adaptées. C’est le cas, entre autres, de ceux qui habitent dans des régions plus éloignées », souligne Éric Brassard.

« La voiture demeure le choix de prédilecti­on de la majorité, renchérit Pierre-Olivier Fortin, de CAA-Québec. Ça veut quand même dire qu’elle répond à un besoin. Pensez aux jeunes familles ou à ceux qui vivent à l’extérieur des quartiers centraux de Montréal et de Québec. On ne peut donc pas dire que la voiture est économique, mais il s’avère que, dans certains cas, elle est extrêmemen­t pratique ! »

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 ?? RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR ?? Pour la plupart des ménages, l’automobile représente le deuxième poste budgétaire en importance, immédiatem­ent après le loyer ou l’hypothèque. Acquérir un véhicule peut devenir lourd, financière­ment, et cette décision ne devrait pas être prise sur un coup de tête.
RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR Pour la plupart des ménages, l’automobile représente le deuxième poste budgétaire en importance, immédiatem­ent après le loyer ou l’hypothèque. Acquérir un véhicule peut devenir lourd, financière­ment, et cette décision ne devrait pas être prise sur un coup de tête.
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JUN YAM ASSOCIATED PRESS En règle générale, une voiture d’occasion, bien entretenue, coûtera bien moins cher à son propriétai­re qu’un véhicule neuf.

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