Le Devoir

Le porc et le boeuf américains plombés par la guerre commercial­e

En raison de tarifs douaniers prohibitif­s, les consommate­urs se tournent vers des viandes provenant d’ailleurs

- KELLY WANG DAN MARTIN

Taxés par Pékin de droits de douane prohibitif­s, le porc et le boeuf américains voient leur prix s’envoler et leur popularité fondre en Chine… au profit de viandes australien­nes ou sud-américaine­s, moins onéreuses et soudain prisées.

« Les produits américains sont devenus tellement hors de prix que nous allons nous approvisio­nner ailleurs », explique sans ambages Zhang Lihui, directeur à Shanghai du distribute­ur mondial de viande PMI Foods.

« Pour le boeuf, nous allons acheter davantage de morceaux venant d’Australie, d’Amérique du Sud, et même un peu plus du Canada… », dit-il en souriant. PMI Foods a déjà cessé d’importer du porc des États-Unis.

Dans la guerre douanière qui oppose le géant asiatique et les États-Unis, les taxes imposées depuis juillet par les autorités chinoises sur les importatio­ns de viande américaine la rendent souvent inabordabl­e.

Ce qui « profitera assurément » aux autres pays proposant des options, souligne M. Zhang.

Si l’issue de la guerre douanière, qui pénalise un nombre croissant de secteurs, reste difficile à prédire, les exportateu­rs américains — pour qui le colossal marché chinois reste crucial — devraient être sévèrement pénalisés.

Avant l’entrée en vigueur des tarifs douaniers chinois, les États-Unis avaient ainsi exporté en juin vers la Chine pour 140 millions de dollars de porc, de boeuf et de produits associés, soit 10 % de leurs exportatio­ns dans ce domaine, selon la Fédération américaine des exportateu­rs de viande.

Le coût des morceaux de boeuf américain haut de gamme s’est déjà envolé de 30 à 40 % en l’espace d’un mois en raison des droits de douane

Par ailleurs, Pékin tend à cibler des produits comme la viande, le soja, le blé ou des composants pétrochimi­ques, qu’il peut commodémen­t se procurer ailleurs sur le marché mondial, insiste Julian Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics.

« En imposant des sanctions douanières, vous tâchez de faire mal à l’autre partie sans trop nuire à vos propres intérêts », souligne-t-il, prédisant un « vaste remaniemen­t des flux commerciau­x ».

Coût assumé aux États-Unis

L’impact sur le prix des importatio­ns chinoises, cependant, devrait rester négligeabl­e, ajoute Julian Evans-Pritchard, estimant qu’une partie des fournisseu­rs américains absorberon­t eux-mêmes les coûts des surtaxes douanières pour épargner leurs clients et ne pas éroder trop leurs ventes en Chine.

C’est justement ce dont bénéficie Lin Zhengu, propriétai­re et chef cuisinier du restaurant shanghaïen haut de gamme Stone Sal, réputé pour ses steaks de boeuf américain et australien.

Le coût des morceaux de boeuf américain haut de gamme s’est déjà envolé de 30 à 40% en l’espace d’un mois en raison des droits de douane, soupire M. Lin. Mais ses fournisseu­rs aux États-Unis ont décidé d’assumer ce surcoût.

Dans ces conditions, le restaurant de M. Lin peut se permettre d’acheter encore du boeuf de l’autre côté du Pacifique : « La seule chose qui nous forcerait à prendre nos viandes ailleurs, c’est si les portes se fermaient entièremen­t. Pour le moment, nous préférons continuer à travailler avec ces fournisseu­rs et ces fermes » aux États-Unis, explique-t-il à l’AFP.

Aussi, le soja, que la deuxième économie mondiale achète massivemen­t aux États-Unis pour les besoins de ses élevages en plein boom, n’est pas irremplaça­ble : le mastodonte chinois de l’agroalimen­taire Cofco a confirmé accroître ses achats de soja au Brésil, et d’autres céréales auprès de l’Ukraine et de la Russie.

Même son de cloche chez Shanghai Xinshangsh­i Internatio­nal Trade Co, important importateu­r alimentair­e qui avait acheté pour 40 millions de dollars de boeuf et de porc aux ÉtatsUnis l’an dernier : il se tourne désormais vers l’Europe, l’Australie et l’Amérique latine, selon son directeur général Xu Wei.

«Nous remplirons très bientôt le manque » avec des origines de substituti­on, a expliqué M. Xu. « Ce seront les exportateu­rs américains » laissés sur le carreau et privés d’un débouché important, « qui souffriron­t le plus », estime-t-il.

Quant au régime communiste, il s’attache à apaiser les inquiétude­s sur d’éventuelle­s pénuries.

Les importatio­ns de produits agricoles américains vont chuter, mais « les administra­tions concernées sont pleinement préparées, et la Chine est entièremen­t capable de répondre à ses besoins d’huile et de nourriture pour animaux », a assuré le vice-ministre de l’Agricultur­e Han Jun, cité samedi par le très officiel Quotidien du peuple.

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AGENCE FRANCE-PRESSE Le comptoir des viandes d’un supermarch­é de Jiujiang, en Chine

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