Le Devoir

L’humour de Michelle Blanc passe mal

La candidate péquiste, qui invitait à « voter blanc », a été la cible de critiques

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ LE DEVOIR

Michelle Blanc se présente comme une spécialist­e des médias sociaux et donne des ateliers sur comment y « rédiger de façon stratégiqu­e ». Ce qui n’a pas empêché la candidate péquiste dans Mercier de soulever un petit tollé dimanche avec la publicatio­n d’un message qui se voulait humoristiq­ue, mais qui a choqué.

« Les gens qui veulent voter “blanc”, retenez que mon prénom, c’est Michelle», a écrit Mme Blanc sur son compte Twitter. Le message n’est pas passé comme une lettre à la poste : après moult critiques (et de nombreuses autres tentatives de faire des jeux de mots avec « blanc »), la candidate a supprimé le trait d’esprit électoral.

Plusieurs y ont vu en effet une allusion raciste — notamment parce que la candidate de Québec solidaire dans cette circonscri­ption, Ruba Ghazal, est une Québécoise d’origine palestinie­nne.

Mme Blanc n’en revenait toujours pas lundi. « On est dans une époque de novlangue, et il semble que voter blanc veut maintenant dire voter caucasien », a-t-elle indiqué en entretien au Devoir. « Ça fait des milliers d’années que voter blanc veut dire annuler son vote ou s’abstenir. [Le député solidaire] Amir Khadir a suggéré aux Français de voter blanc plutôt que Macron l’an dernier [en point de presse à l’Assemblée nationale]. Sauf que, voilà, cette semaine, la gauche radicale trouve que ça veut dire être raciste. »

Jeu de mot

Michelle Blanc explique qu’elle voulait «faire un jeu de mots», et soutient que « bien des gens ont trouvé ça extrêmemen­t brillant ». Elle situe son message dans la lignée de la nouvelle campagne de publicité du Parti québécois, dont le ton se veut humoristiq­ue. « Le parti a suggéré aux gens de faire des blagues sur le PQ. Ça inclut les candidats », dit-elle.

La candidate — qui avait aussi utilisé Twitter pour annoncer son intention de se lancer en politique ce printemps, puis pour dévoiler le nom de la formation qu’elle représente­rait et enfin pour dire dans quelle circonscri­ption elle tenterait sa chance — estime qu’il serait « ridicule » qu’elle ne puisse pas « dire “Votez Blanc”. C’est mon nom ! Est-ce qu’on va empêcher Manon Massé [députée de Québec solidaire] de dire “Votez Massé” parce que ça sous-entendrait que c’est une référence aux massothéra­peutes ? »

« Je n’ai pas eu conscience que mon nom était devenu tabou, poursuit-elle. Ça va mal si tu ne peux pas mettre ton nom sur une pancarte en politique. »

Au Parti québécois, on indique trouver « décevant de constater que plu- sieurs aient perçu une référence ethnique » dans le message de Michelle Blanc. «Il semble que certains ne connaissen­t pas l’expression “vote blanc”, qui signifie “annuler son vote”», constate-t-on.

Paradoxe

« C’est un message qui se situe sur le terrain glissant de l’humour, observe pour sa part Olivier Turbide, professeur au Départemen­t de communicat­ion sociale et publique de l’UQAM. Ce ne sont pas tous les politicien­s qui peuvent manier ça. D’autant qu’on sait tous que, sur les réseaux sociaux, les adversaire­s nous surveillen­t de près. »

Le jeu de mots tenté par Michelle Blanc « suppose que les gens ont cette culture politique du vote en blanc, mais on est dans une zone grise : ça peut être interprété dans une dimension plus raciste », souligne-t-il.

Plus largement, Olivier Turbide trouve le cas révélateur d’un paradoxe. « On voudrait des politicien­s sans langue de bois, mais on surveille la moindre faute. »

Quant à Michelle Blanc, elle dit avoir appris de l’épisode qu’elle soumettra dorénavant à son équipe tout message «qui pourrait être interprété» d’une manière inattendue.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Michelle Blanc se présente pour le Parti québécois dans la circonscri­ption de Mercier.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Michelle Blanc se présente pour le Parti québécois dans la circonscri­ption de Mercier.

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