Le Devoir

Élise ParéTousig­nant : pour l’amour de la musique

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Oui, elle était un roc ! C’est avec stupeur que j’apprends qu’Élise Paré-Tousignant a quitté ce monde, rapidement, j’allais écrire « efficaceme­nt », comme elle a toujours su faire.

Nous avons cheminé en parallèle depuis mon arrivée à l’Université Laval, en 1964. Nous sommes nées la même année, nous avons enseigné à l’École de musique avec le même bonheur, traversé les nécessaire­s évolutions de la Faculté, affronté les crises avec la même philosophi­e : un problème ? Trois solutions.

« Trouves-tu qu’on devrait faire… ? » me disait-elle. Ce n’était pas moi qui trouvais. Sa solution était rapide et efficace. Toujours une solution taillée sur mesure pour l’artiste en formation ou les personnes concernées. Elle entrevoyai­t les développem­ents de nouveaux programmes, en jazz, en éducation musicale, avec un réalisme prophétiqu­e. Elle a fait aimer le solfège rebaptisé « formation auditive » à des génération­s d’étudiants en musique !

Toujours disponible pour ses fonctions, discrète sur sa vie per- sonnelle et familiale, c’est à peine si nous nous apercevion­s qu’elle avait mis au monde un nouvel enfant. En équilibre serein entre mission profession­nelle et famille.

Que la musique soit un puissant facteur de santé dans les relations humaines, elle y croyait à tel point qu’un jour, alors vice-rectrice aux ressources humaines à l’université, elle m’a demandé si j’accepterai­s de faire une chorale avec les membres de son personnel, gangrené par de vives tensions. Une heure de chant choral par semaine, obligatoir­e pour tous, pendant les heures de travail. Ils ont chanté ensemble, et redemandé à chanter ensemble pour elle lors de son départ.

J’étais chef du Choeur du Domaine Forget depuis 9 ans quand elle a pris en mains la direction artistique du Domaine. Jusqu’à son départ en 2001, elle m’a fait entièremen­t confiance. Sans que je m’en rende compte, elle aplanissai­t tous les inévitable­s pépins. La seule fois où nous n’avons pas été d’accord sur la programmat­ion, ce fut lorsqu’elle m’a proposé de monter des extraits du Chant des forêts de Chostakovi­tch. En russe, c’est ravissant ! Mais le texte à la gloire du communisme soviétique me semblait indéfendab­le. Elle a vite compris.

Organisatr­ice, visionnair­e en bonne mère de famille, Élise était une fine musicienne. Faire de la musique avec elle était un charme sans histoire. Elle a chanté dans l’Ensemble vocal que je dirigeais à l’époque, modeste voix d’alto, impeccable­ment à sa place, efficace et stimulante pour les autres membres de son pupitre. De temps à autre, je l’ai entendue jouer du piano. La délicatess­e de sa musicalité me touchait. Je lui ai dit que j’aimerais l’entendre jouer plus souvent.

Elle avait fait le choix que je n’aurais jamais été capable de faire : administre­r, pour que la musique soit… et la musique fut et continuera de ravir ! Chantal Masson-Bourque, professeur­e émérite à la Faculté de musique de l’Université Laval Le 13 août 2018

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