Le Devoir

Couillard se défend d’avoir trahi son député

François Ouimet sacrifié sur l’autel du « renouveau »

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

C’est pour ne plus compter en ses rangs le doyen de l’Assemblée nationale et pour mieux attaquer le chef caquiste, François Legault, sur son ancienneté en politique que le Parti libéral du Québec (PLQ) a écarté son vétéran François Ouimet, a avancé ce dernier mercredi.

« Si je ne suis pas sur les rangs pour l’élection, François Legault devient le doyen de l’Assemblée nationale. Alors, on peut imaginer qu’il y a eu de forts jeux de coulisses pour atteindre cet objectif », a laissé tomber le député libéral de la circonscri­ption de Marquette.

Dans un point de presse qu’il a dû interrompr­e à quelques reprises pour ravaler ses larmes, l’élu montréalai­s a déclaré avoir été sacrifié sur l’autel du « renouveau » tant convoité par le PLQ.

«Ça n’a aucun rapport, même de proche », a répliqué le premier ministre, Philippe Couillard. «Ce n’est pas une considérat­ion », a-t-il ajouté, se gardant d’affirmer que François Ouimet avait menti. «Franchemen­t, ce serait tellement cynique de prendre une décision semblable sur cette base-là. Maintenant, est-ce que M. Legault est lui aussi dans la politique depuis longtemps? Eh bien, oui. C’est un élément, mais ce n’est pas un élément majeur », a-t-il attesté.

Place à Enrico Ciccone

François Ouimet a été élu pour la première fois en 1994, à l’instar des libéraux Jean-Marc Fournier et Geoffrey Kelley. Depuis l’annonce du retrait de la vie politique de ces deux derniers —

[Il] m’a regardé dans les yeux, m’a serré la main et m’a réitéré sa confiance de vive voix, en mai dernier, en me disant : “Inquiète-toi pas, je ne te jouerai pas de tour, je vais signer ta lettre de candidatur­e.” Je me suis fié à sa parole.

FRANÇOIS OUIMET

et vu l’incertitud­e planant sur l’avenir politique du libéral devenu indépendan­t Pierre Paradis — il était donc celui, dans les rangs libéraux, à avoir fait son entrée à l’Assemblée nationale il y a le plus longtemps.

Pour le remplacer dans le château fort de Marquette, le PLQ mise sur l’ex-hockeyeur profession­nel Enrico Ciccone, ont confirmé des sources au Devoir. La candidatur­e de celui qui a brièvement porté les couleurs du Canadien de Montréal doit être confirmée jeudi.

Avec Enrico Ciccone, le PLQ se retrouve à rajeunir sa candidatur­e dans Marquette de dix ans. Mais « le renouveau, ce n’est pas juste une question d’âge», a fait valoir Philippe Couillard.

« Le renouveau, ce sont de nouvelles personnes qui n’étaient pas dans l’action politique auparavant », a-t-il lancé en se tournant vers son collègue Carlos Leitão, élu une première fois en 2014, à l’âge de 58 ans.

Couillard est revenu sur son engagement

L’investitur­e libérale dans Marquette, initialeme­nt prévue mercredi, avait été annoncée par le PLQ le 18 juillet. « Vous savez, ma photo a été prise il y a deux ou trois semaines », a rappelé François Ouimet.

En mai, le premier ministre lui a donné l’assurance qu’il serait encore une fois le candidat libéral dans cette circonscri­ption, a-t-il ajouté. « [Il] m’a regardé dans les yeux, m’a serré la main et m’a réitéré sa confiance de vive voix, en mai dernier, en me disant : « Inquiète-toi pas, je ne te jouerai pas de tour, je vais signer ta lettre de candidatur­e. » Je me suis fié à sa parole », a-t-il relaté.

Mercredi matin, lors d’une « conversati­on brève » au téléphone, « j’ai compris que la parole donnée au mois de mai ne tenait plus », a-t-il laissé tomber.

Le premier vice-président de l’Assemblée nationale, qui n’a jamais été à la tête d’un ministère, s’est résigné à tourner la page sur la vie politique.

Les révélation­s entourant sa mise à l’écart ont tout de suite fait réagir la Coalition avenir Québec. « M. Couillard l’a regardé dans les yeux, lui a serré la main et lui a assuré qu’il serait candidat aux prochaines élections. Aujourd’hui, tous les Québécois peuvent s’interroger sur la valeur de la parole de Philippe Couillard », a déclaré le député Simon Jolin-Barrette.

« Comment voulez-vous que les Québécois fassent confiance à Philippe Couillard après [qu’il a] renié sa parole de la sorte [envers] un de ses propres députés ? » a-t-il demandé.

Philippe Couillard s’est défendu d’avoir trahi son député, soulignant les circonstan­ces difficiles entourant la mise à l’écart de son collègue. « Ma parole vaut beaucoup. […] Et d’ailleurs, les gens qui travaillen­t avec moi savent que je suis un homme de parole », a-t-il assuré.

« Je veux réaffirmer mon affection pour François et mon respect pour son travail de député, a-t-il insisté. Ce n’est pas ça qui est en cause ici. C’est la nécessité pour moi, comme chef de parti, de présenter une équipe qui est à la fois expériment­ée et la plus renouvelée possible. »

Selon sa version des faits, « c’est le goulot d’étrangleme­nt des candidatur­es potentiell­es et réelles » qui a contraint son parti à écarter son député vétéran.

« On a beaucoup plus de candidats de très grande qualité que de circonscri­ptions disponible­s », a expliqué le chef libéral, soulignant que la décision prise à l’égard de François Ouimet allait laisser « des cicatrices qu’on porte dans son coeur ».

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