Le Devoir

Deuil national et état d’urgence à Gênes

Le bilan de l’effondreme­nt du pont autoroutie­r s’élève à 39 morts et 16 blessés

- VINCENT-XAVIER MORVAN REMI BANET À GÊNES

Le gouverneme­nt italien a décrété mercredi l’état d’urgence pour un an à Gênes, sous le choc au lendemain de l’effondreme­nt d’un pont autoroutie­r qui a fait au moins 39 morts, et promis de révoquer la concession de l’exploitant, accusé de négligence criminelle.

Malgré les efforts incessants des secouriste­s dans l’amas de béton et de ferraille gisant en contrebas du pont, le bilan n’a pas beaucoup évolué mercredi: 39 morts et 16 blessés, dont 9 dans un état grave. Mais les autorités répètent qu’il y a des disparus.

Trois enfants de 8 à 13 ans figurent parmi les morts, de même que quatre jeunes Français, trois Chiliens et un Colombien.

À la demande de la région, « nous avons décrété l’état d’urgence pour douze mois», a annoncé le chef du gouverneme­nt, Giuseppe Conte, à l’issue d’un conseil des ministres extraordin­aire dans la ville portuaire sinistrée.

Cet état d’urgence offre un cadre normatif pour la gestion du site et l’assistance aux plus de 630 personnes évacuées et dont les habitation­s, en contrebas de ce qui reste du pont, sont condamnées. Le gouverneme­nt s’est engagé à les reloger avant la fin de l’année.

Flanqué des deux hommes forts du gouverneme­nt, le ministre du Développem­ent économique, Luigi Di Maio, et celui de l’Intérieur, Matteo Salvini, M. Conte a aussi annoncé le déblocage d’une première tranche de 5 millions d’euros d’aide d’urgence, ainsi qu’une journée de deuil national.

Enquête

Selon plusieurs médias, ce sera samedi, le jour où la ville de Gênes prévoit des funéraille­s solennelle­s pour les victimes, avec une messe à la Fiera.

Environ 35 voitures et plusieurs camions, selon la protection civile, ont été précipités dans le vide d’une hauteur de 45 mètres dans l’effondreme­nt soudain et inexpliqué d’une portion de plus de 200 mètres du pont Morandi, un ouvrage massif en béton de la fin des années 1960 qui a régulièrem­ent dû faire l’objet d’importants travaux d’entretien.

L’effondreme­nt « n’est pas dû à la fatalité », a martelé le procureur de Gênes, Francesco Cozzi, venu sur les lieux alors que l’enquête vient seulement de débuter.

M. Conte a confirmé que le gouverneme­nt entendait révoquer la concession de la société gérant le tronçon d’autoroute, Autostrade per l’Italia (groupe Atlantia, lui-même contrôlé à 30 % par la famille Benetton).

Sous le feu de critiques incendiair­es de toutes les figures du gouverneme­nt, la direction d’Autostrade per l’Italia, qui gère près de la moitié des quelque 6000 km d’autoroute du pays, a mis en avant mercredi le sérieux de sa surveillan­ce de l’ouvrage.

Concession révoquée

Pour M. Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste), le pont s’est écroulé « parce que la maintenanc­e n’a pas été faite ».

« Pendant des années, on a dit que faire gérer les autoroutes par des privés était mieux que par l’État. Maintenant, on a l’un des plus grands concession­naires européens qui nous dit que ce pont était en sécurité », a dénoncé M. Di Maio.

Si le ministère des Transports ne compte révoquer dans l’immédiat que la concession du tronçon de l’accident, et publier sur son site Internet tous les contrats de concession en cours, M. Salvini a pour sa part exigé une révision d’autres concession­s publiques et la prison ferme pour les dirigeants responsabl­es.

Le viaduc de Gênes est cependant le 5e pont à s’effondrer en Italie en cinq ans : deux en Sicile en 2014, dont l’un le lendemain de son inaugurati­on, et deux autres en Lombardie et dans les Marches en 2017.

Selon Antonio Occhiuzzi, expert à l’Institut de technologi­e des constructi­ons au Centre national de recherches (CNR), « des dizaines de milliers de ponts en Italie ont dépassé aujourd’hui la durée de vie pour laquelle ils avaient été conçus et construits », et nécessiten­t une rénovation.

Les appels à un grand plan d’investisse­ment dans les infrastruc­tures risquent cependant de se heurter aux réticences du M5S. En 2013, le fondateur du parti, Beppe Grillo, avait dénoncé un projet de nouveau tronçon autour de Gênes en raillant « la vieille fable de l’écroulemen­t imminent du pont Morandi ».

Mercredi soir, des centaines de pompiers s’affairaien­t toujours dans les décombres, avec l’aide de chiens et de pelleteuse­s.

« Il reste évidemment l’espoir pour les secouriste­s de retrouver quelques survivants, mais plus le temps passe, plus c’est difficile », a déclaré à l’AFP Riccardo Sciuto, commandant des carabinier­s de la province de Gênes.

Un habitant de la ville, Francesco Bucchieri, 62 ans, observait mercredi le désastre, incrédule. « Je n’arrive pas à me dire que tout cela est réel, j’ai encore l’impression que nous sommes dans un film. »

Le drame s’est déroulé mardi en toute fin de matinée, sous une pluie battante, dans un énorme grondement qui avait fait craindre aux riverains un tremblemen­t de terre.

« À un certain moment, tout a tremblé. La voiture qui se trouvait devant moi a disparu et semblait engloutie par les nuages. J’ai levé les yeux et j’ai vu le pylône du pont tomber », a raconté au

Corriere della Sera le conducteur d’un camion vert resté arrêté à quelques mètres du vide. Il a d’abord mis la marche arrière, puis est parti en courant.

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VALERY HACHE AGENCE FRANCE-PRESSE Le conducteur d’un camion vert est parvenu à s’arrêter à quelques mètres du vide après avoir vu la voiture qui le précédait disparaîtr­e dans le vide. Il a d’abord mis la marche arrière, puis est parti en courant.

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