Et maintenant, la campagne
Dans un lever de rideau officieux, les quatre chefs répondent aux questions des 18-35 ans
Voilà, c’est parti — ou presque : les quatre chefs des principaux partis politiques québécois ont croisé (plutôt gentiment) le fer pour la première fois vendredi soir, signant le coup d’envoi officieux de la campagne électorale 2018.
Et si l’on en croit la réaction de la foule rassemblée à l’Université Concordia, l’idée de la Coalition avenir Québec de refuser la citoyenneté aux immigrants qui échoueraient à un test de français suscitera bien des débats durant la campagne. François Legault a été hué en présentant cette promesse, et ses trois adversaires l’ont souligné à grands traits après la soirée.
M. Legault a fait valoir que « si on est sérieux [avec la protection du] français, il faut exiger que tous les nouveaux arrivants parlent français » après trois ans.
Les quatre chefs — M. Legault, Philippe Couillard, Manon Massé et Jean-François Lisée — étaient assemblés sur une même scène dans le cadre de l’École d’été de l’Institut du Nouveau Monde (INM). Ils ont répondu à une vingtaine de questions soumises par des jeunes et touchant un large éventail de sujets.
C’est sans conteste la promesse — réitérée sur scène par les trois partis d’opposition — de réformer le mode de scrutin qui a la plus fait chauffer le baromètre des applaudissements.
« Dans la situation dans laquelle on est, chaque vote ne compte pas, a lancé Manon Massé. Il n’y a que les votes des gagnants qui comptent […]. Faites de la pression sur nous » pour que la réforme se fasse, a-t-elle demandé.
M. Lisée et M. Legault sont venus lui serrer la main pour renouveler un pacte déjà scellé en mai dernier.
Autrement, la formule retenue pour la soirée empêchait les affrontements directs : ce n’était pas un débat (il y en aura quelques-uns durant la campagne, qui prend son envol officiel jeudi), mais une discussion. Ou plus largement : l’occasion pour les quatre politiciens d’entendre parler des préoccupations des Québécois de 18-34 ans… et d’offrir quelques réponses.
La formule ? Vingt-cinq questions avaient été soumises par des jeunes, retenues par l’INM et présentées au chef pour qu’ils se préparent. Mais chaque chef n’a eu à répondre qu’à cinq questions, tirées au sort au fil de la soirée animée par le directeur du Devoir, Brian Myles. C’est donc dire que personne ne répondait à la même question.
Le hasard a souvent fait en sorte de diriger les bonnes questions vers le bon chef : François Legault qui hérite de celle sur l’aide aux jeunes entrepreneurs (un de ses sujets préférés) ; Philippe Couillard qui doit défendre la gestion du système de santé et parler de la fatigue des infirmières ; Manon Massé qui parle d’évasion fiscale ou de bonheur collectif ; le chef péquiste, Jean-François Lisée, qui se fait demander s’il entend « donner le monopole électrique à des entreprises de minage étrangères chinoises »… « Jamais ! » a-t-il posé d’emblée.
Le spectre des sujets abordés était passablement large : plusieurs touchaient l’économie (avenir du Fonds des générations, financement des Forums jeunesse, intégration des immigrants au marché du travail, inclusion économique des jeunes, évasion fiscale), d’autres concernaient l’éducation (les écoles vétustes, la santé mentale des étudiants (Philippe Couillard a renouvelé sa promesse de mettre en place une politique nationale en ce sens), la démocratie, la question nationale, le français…
Les chefs ont adopté un ton convivial, échangé quelques blagues (Jean-François Lisée qui a sommé François Legault de bien l’écouter avant de faire un plaidoyer contre les baisses d’impôt) : une formule décontractée avant de prendre la route d’une campagne qui s’annonce ouverte.
« On a des visions différentes pour faire avancer le Québec, mais on n’est pas des ennemis », a rappelé M. Legault en conclusion. Les quatre chefs ont lancé le même message en fin de soirée : celui de l’importance de l’implication des jeunes dans la vie politique. « La démocratie, c’est fragile », a rappelé M. Couillard.
Les 18-35 ans représentent 27,7 % de la population en âge de voter. Ils sont toutefois moins nombreux que leurs aînés à exercer leur droit de vote : avec de grandes variations d’une région à l’autre, le taux de participation des jeunes aux élections de 2014 a été d’à peine 50 % (le taux général de participation a été de 71,4 %).
« Historiquement, les jeunes de 18 à 34 ans ont toujours moins voté, mais depuis une trentaine d’années, l’écart se creuse de plus en plus », notait le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) en avril dernier.
À cela, la directrice générale de l’INM, Julie Caron-Malenfant, avait une réflexion proposée en début d’événement. « Ce n’est pas seulement que les jeunes s’intéressent à la politique, il faut que la politique s’intéresse aux jeunes. »