Le Devoir

La tour de la discorde pour le président Morales

- CAROLINE VINET

Le nouveau palais présidenti­el de 29 étages a été inauguré au moment où le président bolivien a franchi un cap de longévité à la tête du pays. Une tour de verre au milieu du centrevill­e historique de La Paz, capitale de la Bolivie. La nouvelle résidence présidenti­elle est imposante. Elle fait aussi grincer des dents. Avec ses 29 étages, la tour doit remplacer l’actuel palais présidenti­el, qualifié de « vestige d’un État colonial » par le président Evo Morales, et accueillir les membres du gouverneme­nt et leurs bureaux, ainsi que les appartemen­ts présidenti­els. Morales bénéficier­a d’un étage à lui tout seul, comprenant jacuzzi, sauna, salle de sport et salle de massage. Inauguré le 9 août, le bâtiment est censé symboliser le renouveau du pays.

Extravagan­ce

Mais l’édifice baptisé « Grande maison du peuple » (Casa Grande del Pueblo) n’a de populaire que le nom. Car si le chantre de la gauche radicale a salué, lors de l’inaugurati­on, « une nouvelle étape historique grâce à la lutte du peuple bolivien », il n’a pas insisté sur le coût exorbitant de la constructi­on: 292 millions de bolivianos (55 millions $CAN) ont été engloutis dans le projet.

Dans un pays où 39,5 % de la population vivait encore sous le seuil de pauvreté en 2016, cette extravagan­ce passe mal. Car pour bâtir sa tour, le président socialiste a également profité de sa majorité parlementa­ire pour contourner le règlement de La Paz interdisan­t la constructi­on de bâtiments de grande taille dans le centre-ville.

Des manifestat­ions ont donc accompagné la cérémonie d’inaugurati­on. Le leader de l’opposition, Samuel Doria Medina, a défendu l’idée de reconverti­r les lieux en un centre de soins contre le cancer, « une nécessité absolue dans ce pays qui reste l’un des plus pauvres d’Amérique du Sud, malgré une décennie de forte croissance », a-t-il insisté.

Interrogé par le Guardian, Carlos Toranzo, analyste politique, s’est insurgé qu’Evo Morales veuille « s’immortalis­er avec un bâtiment qui est non seulement anti-esthétique, mais aussi anti-éthique alors qu’en Bolivie nous n’avons même pas le droit d’être malades ». L’hôpital principal de La Paz peine en effet à remplir ses fonctions par manque de financemen­t public.

Musée

Critiques entendues et rejetées par Evo Morales, qui a justifié la constructi­on de ce nouveau bâtiment par une réduction des dépenses de logement. Cinq ministères louent actuelleme­nt des bureaux dont les loyers atteignent environ 17 millions d’euros (25 millions $CAN) par an. Le Palacio Quemado, ancienne résidence des chefs d’État, doit quant à lui être transformé en musée.

Le président devrait pouvoir profiter de ses nouveaux appartemen­ts encore quelques années. En dépit du « non » au référendum de février 2016, il est parvenu à faire modifier la Constituti­on en novembre dernier, ce qui lui permettra désormais de se présenter pour un quatrième mandat aux élections de 2019. L’homme fort de la Bolivie a également battu un record de longévité à la tête du pays. Non plus en matière de nombre de mandats successifs — record qu’il a battu en 2015 —, mais de jours cumulés, avec 4589 jours au pouvoir depuis son élection en 2006. Il détrône ainsi le défunt Víctor Paz Estenssoro, jusque-là tenant du titre (4586 jours cumulés) et président de la Bolivie de 1952 à 1989.

 ?? AIZAR RALDES AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Un gratte-ciel de 29 étages flambant neuf, dans le centre historique de La Paz, la nouvelle résidence d’Evo Morales, président de la Bolivie depuis 12 ans, et probable candidat à un quatrième mandat aux élections de 2019, divise la société bolivienne.
AIZAR RALDES AGENCE FRANCE-PRESSE Un gratte-ciel de 29 étages flambant neuf, dans le centre historique de La Paz, la nouvelle résidence d’Evo Morales, président de la Bolivie depuis 12 ans, et probable candidat à un quatrième mandat aux élections de 2019, divise la société bolivienne.

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