Le Devoir

Dre Jeanne Saint-Amour : un nom à inscrire dans notre mémoire collective

- Anne-Marie Messier Directrice générale du Centre de santé des femmes de Montréal

Jeanne Saint-Amour est décédée le 9 août dernier. Pionnière dont le nom est certes moins connu que celui de Henry Morgentale­r, elle était une médecin engagée et dévouée à la cause des droits des femmes. Ses actions en faveur de l’accès à l’avortement l’inscrivent dans la lutte des femmes du Québec pour l’obtention de ce droit fondamenta­l.

Rappelons qu’en 1980, des avortement­s avaient déjà lieu dans certains hôpitaux, bien qu’avec de nombreuses embûches pour les femmes. Le ministre de la Santé de l’époque, Denis Lazure, du Parti québécois, résistait à autoriser les CLSC à développer des cliniques, et ce, même si la RAMQ payait les médecins qui pratiquaie­nt dans leurs cabinets. Au même moment, le Centre de santé des femmes de Montréal, un organisme communauta­ire autonome et féministe qui s’appelait alors le Centre de santé des femmes du quartier Plateau-Mont-Royal, cherchait sans succès à offrir le service. C’est cette année-là que la Dre SaintAmour, alors au CLSC du Marigot, proposera de créer une clinique conjointe :

« […] le ministère de la Santé n’initiera pas lui-même la libéralisa­tion de l’avortement, mais qu’il serait tout à fait satisfait de voir cette tâche accomplie par d’autres “comme” à son insu ; à moyen terme, il en tire le crédit et à court terme, protège ses arrières. Ne demandons donc pas de permission, mettons-le devant le fait accompli… »

En mars 1981, après des mois de travail avaient enfin lieu au Centre de santé des femmes de Montréal les premiers avortement­s par la Dre Saint-Amour. Suivra peu après en décembre 1981 une clinique au Centre de santé des femmes de l’Outaouais, aussi un organisme communauta­ire, auquel elle restera fidèle tout au long de sa carrière.

En 1983, elle n’hésitera pas à aller témoigner en faveur du Dr Morgentale­r lors de la requête à la Cour suprême de l’Ontario pour faire casser un jugement à son endroit.

Pendant 35 ans, des milliers de femmes lui ont été reconnaiss­antes du service rendu. Ses collègues médecins, infirmière­s et gestionnai­res parlent d’elle comme d’une femme intègre à la personnali­té très affirmée dont l’honnêteté profession­nelle était admirable.

Elle fait partie de cette cohorte de femmes et d’hommes qui ont contribué à faire du Québec un lieu à l’avant-garde mondiale des droits reproducti­fs des femmes. Nous lui en sommes reconnaiss­antes et nous ne l’oublierons pas.

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