Le Devoir

De belles jeunes racines

- JEAN-PHILIPPE TASTET COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Les mots «cuisine du terroir» qui suivent «restaurant» exercent toujours un grand pouvoir d’attraction, surtout en cette magnifique saison. C’est le cas de ce nouveau venu portant le joli nom de Radicelle, une racine secondaire, installé boulevard Saint-Laurent juste au sud du boulevard Saint-Joseph.

Joseph et Laurent sont des saints bien connus pour leur manque de patience et leur goût du changement. Ainsi, au cours des 20 dernières années, une ribambelle de restaurant­s se sont succédé à cette adresse, certains ordinaires, d’autres très bons, comme Cuisine et dépendance du chef Jean-Paul Giroux et de Danielle Matte, disparu prématurém­ent. Espérons que les deux saints auront développé le goût de la bonne cuisine et voudront se rattraper en bénissant de leurs voeux ce Radicelle à peine né.

Autre source d’intérêt, la maison vient d’être reprise en mains par le chef Samuel Sauvé-Lamothe, dont on a pu apprécier le travail méticuleux à diverses adresses montréalai­ses, le Laurie Raphaël étant le dernier en date. Brillant diplômé de l’ITHQ, ce chef a toujours mis l’accent sur ces produits du terroir tant vantés. J’étais donc très curieux de voir ce qu’il faisait de ce nouvel environnem­ent où il dirige seul les opérations.

Radicelle compte une soixantain­e de places à l’intérieur et une vingtaine sur une petite terrasse à l’arrière; décor élégant sans trop de fioritures et ambiance générale plutôt agréable. En passant devant la cuisine, on aperçoit quelques bocaux de marinades maison, détail rassurant. Derrière le passe-plat, on aperçoit aussi le chef et un cuisinier qui s’affairent conscienci­eusement, autre point tranquilli­sant.

Les divers choix aux menus sont un peu alambiqués, mais vous finirez sans doute comme nous par comprendre que vous pouvez piocher dans pratiqueme­nt chaque section pour composer votre propre menu. Simon au service a fait preuve ce soir-là d’une grande souplesse pour nous aider; ainsi que pour passer entre les tables dans une série d’impression­nants limbos.

Les intitulés des plats indiquent que le chef priorise ces produits de la terre qui devraient être au menu de tous les restaurant­s en ce moment, producteur­s et marchés proposant une abondance de fruits et légumes de saison. Le chef donne également la priorité au local, et bien peu d’éléments de ses assiettes viennent de loin ; la pieuvre peut-être ou le chimichurr­i, mais vraiment très peu, et ça donne une impression de calme et de respect pour l’environnem­ent.

En entrée, posés en mosaïque, quelques bouchées de doré mariné, une sorte de vinaigrett­e d’argouses, de petits tronçons de quenouille, deux ou trois brins de salicorne composent un tableau ravissant. Artistique et délicieux, tout en fraîcheur reposante en cette soirée post-canicule.

Un plat principal composé de couteaux de mer, deux beaux morceaux d’un porc vieilli, venu de Saint-Patrice-de-Beaurivage où il semble avoir coulé des jours paisibles jusqu’à une journée fatidique, quelques radis à peine saisis et d’autres passés à la mandoline et des morceaux de fraises qui viennent donner une autre dimension à l’assiette.

En dessert, une compositio­n sans gluten de fraises, bavarois chocolat

blanc, touche presque trop légère de rose sauvage et quelques pistaches.

Une soirée parfaite en quelque sorte, ponctuée en alternance de soupirs de contenteme­nt de Mme Tremblay savourant ses pleurotes, sur lit de crème d’épinards de mer et lichen ou son pavé de morue, fleurs de courgettes sur fond safrané et de Marie dégustant une assiettée d’houmous d’aubergine, lait cajou, relevé très subtilemen­t de ras-el-hanout sauvage. Monsieur Dionne et moi-même avons bien ébauché quelques froncement­s de sourcils au vu de sa portion un peu chiche d’onglet, mais rien qui puisse obscurcir la soirée.

Radicelle

★★★★ $$$ 1/2 4902, boulevard Saint-Laurent Montréal 514 564-7477 Pour l’instant, ouvert en soirée du mardi au samedi. La maison prévoit servir également à midi les jours ouvrables sous peu; à suivre. Le menu saisonnier propose quatre entrées de 14$ à 18$, quatre plats principaux de 21$ à 27$ et trois desserts à 12$, 13$ et 14$. Choix à la carte ou trois services pour 45$. Également disponible­s, un petit menu bistro avec quatre options entre 15$ et 24$ ainsi qu’une table d’hôte de deux services pour 31$.

De la jolie carte des vins montée par Simon Desrosiers, l’expert mondial M. Aubry dit : « Un seul vin états-unien au programme, mais du bon, pas de quoi crier au boycottage! Sinon, cette jolie carte part sur toutes les pistes en traçant les bons sillons, à prix corrects. Il faudra quand même poser les bonnes questions au sommelier en ce qui a trait aux vins orange.»

Les intitulés des plats indiquent que le chef priorise ces produits de la terre qui devraient être au menu de tous les restaurant­s en ce moment, producteur­s et marchés proposant une abondance de fruits et légumes de saison

 ?? PHOTOS MARIEFRANC­E COALLIER LE DEVOIR ?? Radicelle compte une soixantain­e de places et une vingtaine sur la terrasse à l’arrière ; décor élégant et ambiance générale plutôt agréable.
PHOTOS MARIEFRANC­E COALLIER LE DEVOIR Radicelle compte une soixantain­e de places et une vingtaine sur la terrasse à l’arrière ; décor élégant et ambiance générale plutôt agréable.
 ??  ?? Pleurotes sur lit de crème d’épinards de mer et lichen
Pleurotes sur lit de crème d’épinards de mer et lichen
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Doré mariné, quenouille et quelques brins de salicorne
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