Le Devoir

Une refonte pourra-t-elle sortir le Bloc de la crise ?

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Plongé dans une crise politique sans précédent, le Bloc québécois a décidé de se lancer dans une vaste consultati­on pour refonder et réunifier le parti cet automne. Mais réussira-t-il à se remettre sur pied et à réunir les indépendan­tistes en partant ainsi sur de nouvelles bases ? Entrevue avec André Lamoureux, politologu­e et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal. Propos recueillis par Annabelle Caillou.

Le projet de réunificat­ion adopté samedi est-il suffisant pour sortir le Bloc québécois de la crise dans laquelle il est plongé depuis cet hiver ?

Ça laisse de profondes blessures, de telles dissension­s, et ça va être difficile de remonter la pente. La division est toujours bien présente entre le Bloc et les députés qui ont quitté le navire pour former Québec debout.

À mon avis, plutôt que de partir dans des consultati­ons régionales, ça aurait été plus cohérent de s’asseoir et de discuter avec les députés dissidents pour penser une plateforme commune. C’est ça la réunificat­ion.

On a deux partis indépendan­tistes à Ottawa en ce moment et si chacun se présente de son côté aux prochaines élections, ça va juste diviser le vote — qui va être faible, dissipé, marginal pour les deux formations — et diviser aussi les militants qui vont finir par abandonner la cause. La crise a déjà grandement fragilisé le lien de confiance entre le parti et la population.

Que doit faire le parti pour retrouver sa crédibilit­é aux yeux de ses militants et de l’ensemble de la société ?

Les électeurs ont besoin d’un message fort et clair pour appuyer un parti. C’est naïf de croire qu’en se lançant dans une vaste consultati­on et des débats aux contours extrêmemen­t flous, le parti va gagner l’adhésion des Québécois. Le citoyen va se demander « il s’en va où ce parti-là ? »

Il faut se rappeler que le Bloc québécois

a franchi des pas majeurs dans l’histoire en se battant pour des projets importants, qui touchaient le quotidien des Québécois. Et il y a encore de multiples et immenses enjeux à défendre à Ottawa : la question de la légalisati­on du cannabis, l’ALENA, la défense de la gestion de l’offre, l’immense dossier du chantier maritime de Lévis… C’est en se battant pour ce type de dossiers, plutôt qu’en se bornant à faire la promotion de l’indépendan­ce, que le Bloc retrouvera sa crédibilit­é et convaincra les Québécois de gagner ses rangs.

Alors qu’on approche à grands pas des élections fédérales de 2019, est-ce une bonne idée de chercher de nouvelles orientatio­ns pour le parti ?

À un an des élections, on a un parti qui n’a pas de chef et se cherche de nouvelles orientatio­ns : ça m’apparaît fort risqué en fait comme pari et peut-être que c’est simplement trop peu trop tard.

On ne prépare pas une campagne électorale 10 mois d’avance. Le parti veut lancer des consultati­ons régionales et arriver avec un Congrès en janvier pour adopter — ou non — le nouveau projet de refondatio­n. Et c’est seulement après qu’on va chercher un nouveau chef pour mars. C’est oublier l’importance d’un chef de parti dans une telle campagne électorale. Ce n’est pas pour rien qu’on cherche quelqu’un avec du charisme, capable d’attirer les gens, de les séduire. Et tout ça ne se fait pas en quelques mois.

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