Le Devoir

Le plan de relance de Maduro ne convainc pas

La crise politique qui sévit au Venezuela affecte jusqu’à ses voisins et provoque des tensions interrégio­nales

- ESTEBAN ROJAS AGENCE FRANCE-PRESSE À CARACAS

Les nouveaux billets vénézuélie­ns, avec cinq zéros en moins, ont commencé à circuler lundi, première étape d’un plan de relance du président Nicolás Maduro, qui tente de faire face à une profonde crise économique poussant des millions de personnes à fuir le pays.

Lundi, jour férié décrété par le chef de l’État, les rues de la capitale étaient désertes, la plupart des commerces et des administra­tions fermés et les transports en commun à l’arrêt, a constaté l’AFP. Ces derniers jours, les Vénézuélie­ns ont été pris d’une frénésie d’achat et ont formé de longues files d’attente devant les stations-service dans l’attente de ce changement.

Devant certains distribute­urs de billets, les Vénézuélie­ns découvraie­nt la nouvelle monnaie, appelée «bolivar souverain ».

« On est tous dans la même situation. On attend de voir ce qui va se passer », a déclaré à l’AFP Maria Sanchez, commerçant­e de 39 ans, qui venait d’effectuer un retrait.

Le dirigeant socialiste assure que les nouveaux billets, dont la plus grosse coupure sera de 500 bolivars (50 millions de bolivars actuels, soit environ 7 $US au marché noir, la référence de facto), seront le point de départ d’un « grand changement ».

Les critiques fusent

Mais les analystes et économiste­s ne jugent pas viable, voire « surréalist­e », le programme du gouverneme­nt, qui prévoit aussi une hausse du salaire minimum de plus de 3300% (celui-ci étant multiplié par 34), l’assoupliss­ement du rigide contrôle des changes ainsi qu’un nouveau système pour le prix de l’essence.

Ces nouvelles mesures « ne vont faire qu’empirer la vie de tous les Vénézuélie­ns », a écrit sur Twitter le vice-président américain, Mike Pence, qui a demandé au gouverneme­nt de Maduro, qu’il qualifie de « tyrannie », de laisser entrer l’aider internatio­nale.

Une conférence de presse du syndicat patronal Fedecamara­s était prévue à la mi-journée, lundi.

Mais déjà trois des principaux partis d’opposition ont appelé à une grève de 24 heures mardi contre « des mesures désordonné­es et irrationne­lles, contradict­oires et non viables, qui ne feront qu’accroître le chaos et la crise économique que subit le Venezuela ».

« C’est un premier pas », a affirmé dimanche l’ex-syndicalis­te Andrés Velasquez, dont la formation Causa R participe au mouvement. L’objectif, at-il assuré, est d’articuler « les protestati­ons sociales », alors que des manifestat­ions isolées contre les pénuries ou la faillite des services publics se multiplien­t.

«C’est un truc de dingue», estime Henkel Garcia, directeur du cabinet Econometri­ca, alors qu’une hyperinfla­tion attendue à 1 000 000% fin 2018 sévit au Venezuela.

Chute des revenus

Dans ce pays autrefois très riche, qui détient les plus grandes réserves pétrolière­s de la planète, le panorama économique s’est considérab­lement assombri. La production d’or noir, qui apporte 96 % des revenus de l’État, a été divisée par deux en 10 ans, passant de 3,2 millions de barils par jour en 2008 à 1,4 en juillet.

Le déficit s’élève à 20 % du PIB et la dette externe à 150 milliards de dollars, alors que les réserves ne sont que de 9 milliards.

« Si vous maintenez le déficit et l’émission désordonné­e d’argent [pour tenter d’y faire face], la crise va continuer de s’approfondi­r», a déclaré à l’AFP l’économiste Jean Paul Leidenz.

Les nouveaux billets arrivent 20 mois à peine après l’introducti­on progressiv­e par le gouverneme­nt de coupures de plus en plus grosses, de 500, 20 000 puis 100 000 bolivars.

Dix ans auparavant, en 2008, l’État vénézuélie­n avait déjà éliminé trois zéros en lançant le « bolivar fort ». Cette fois-ci, il s’agit du «bolivar souverain ».

Tensions migratoire­s

Ce lancement coïncide avec de graves tensions migratoire­s dans la région : les Nations unies estiment que 2,3 millions de Vénézuélie­ns ont fui leur pays à cause de la crise.

Le Brésil va envoyer des troupes à sa frontière avec le Venezuela après que des habitants de la ville limitrophe de Pacaraima ont brûlé les camps de fortune de migrants vénézuélie­ns.

À l’origine des tensions: le vol et l’agression samedi d’un commerçant de Pacaraima attribués à des Vénézuélie­ns.

En Équateur, des migrants vénézuélie­ns sont bloqués à la frontière, où on leur demande désormais un passeport, que la plupart n’ont pas, au lieu d’une simple carte d’identité.

Le secrétaire général de l’Organisati­on des États américains, Luis Almagro, a demandé sur Twitter aux pays de la région de « maintenir les portes ouvertes au peuple du Venezuela, victime de la pire crise humanitair­e que le continent ait connue ».

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FEDERICO PARRA AGENCE FRANCE-PRESSE Le gouverneme­nt Maduro a créé de nouveaux billets, le «bolivar souverain», pour réduire l’hyperinfla­tion.

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