Le Devoir

La pollution sonore, un problème de santé publique

- Claude Gélinas Juge administra­tif à la retraite, Shawinigan, Coalition contre le bruit

Le 25 novembre 2015, à la suite d’une demande faite par le MSSS, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publiait un Avis étayé par une recension de la documentat­ion et appuyé par de nombreux scientifiq­ues faisant la promotion des environnem­ents sonores sains par l’adoption d’une Politique québécoise de lutte contre le bruit environnem­ental.

Bien que longtemps considéré comme une simple nuisance, le bruit environnem­ental, la seconde source de pollution après la pollution atmosphéri­que, est maintenant considéré par l’Organisati­on mondiale de la santé comme un risque à la santé qui peut avoir de multiples conséquenc­es, tant physiques que pyschosoci­ales.

Au Québec, selon une évaluation modérée, les coûts sociétaux des effets du bruit environnem­ental s’élèveraien­t en 2014 à près de 680 millions de dollars par année.

Pour la première fois, l’analyse de différente­s données permet d’estimer qu’en 2014 au moins 640 000 personnes de 15 ans et plus auraient été exposées à des niveaux de bruit environnem­ental nuisibles, susceptibl­es d’entraîner un fort dérangemen­t causé par l’une ou l’autre des sources de bruit environnem­ental extérieur.

Le bruit environnem­ental, comme le rapporte l’Avis de l’INSPQ, peut être source de troubles du sommeil, de problèmes d’apprentiss­age en milieu scolaire, de maladies cardiovasc­ulaires, de nuisance (gêne, dérangemen­t), de perte auditive et d’acouphènes, sans oublier la perte de jouissance paisible de la propriété et la diminution significat­ive de la qualité de vie.

Ne rien faire

Devant cet enjeu de santé publique, le gouverneme­nt ne peut plus plaider l’ignorance. Pourtant, depuis le dépôt de l’Avis et sans égard au principe de précaution, le gouverneme­nt a décidé de ne rien faire.

En outre, fait étonnant : à ce jour, aucun des partis politiques n’a jugé approprié d’inscrire à son programme électoral l’engagement d’adopter une Loi favorisant des environnem­ents sonores sains.

Le bruit environnem­ental est de plus en plus source de plaintes et de poursuites, révélant des problèmes d’acceptatio­n sociale. Ces réactions citoyennes témoignent des divergence­s au sein de la société, notamment dans la vision et le modèle de développem­ent du territoire, et les besoins de quiétude.

Pour atténuer le problème, plusieurs municipali­tés ont adopté une réglementa­tion en matière de nuisances sonores, réglementa­tion comportant des exigences et des sanctions variables qui rendent l’applicatio­n difficile.

Difficile en raison du fait que rares sont les municipali­tés qui ont fait l’acquisitio­n de sonomètres pour mesurer le niveau de bruit et qui ont à leur service des technicien­s compétents pour les utiliser, technicien­s qui pourraient être témoins experts lors de l’audition des plaintes à la Cour municipale.

Quant aux poursuites civiles, généraleme­nt dans le cadre d’actions collective­s qui se rendent souvent jusqu’en Cour suprême, elles durent de nombreuses années : 15 ans dans le dossier Ciments St-Laurent dans la Ville de Beauport et 12 ans dans l’affaire du Parc linéaire du Petit train du Nord.

La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui les environnem­entalistes et les personnes incommodée­s par le bruit peuvent s’appuyer sur la jurisprude­nce de la Cour suprême dans l’affaire Ciments St-Laurent, qui a accordé un dédommagem­ent de 15 millions à un groupe de 2000 résidents.

En gros, le jugement soutient que, même sans avoir commis de faute, une entreprise qui cause des inconvénie­nts anormaux en est responsabl­e. Une décision qui devrait transforme­r les relations de voisinage entre entreprise­s et citoyens.

La seconde informatio­n encouragea­nte au regard des nuisances sonores repose sur le fait que des mesures efficaces et prometteus­es de prévention ont été recensées dans l’Avis de l’INSPQ.

Ce qui permettrai­t d’agir en amont du problème, alors qu’au moins dix ministères et onze organisati­ons se partagent des responsabi­lités en cette matière, d’où la nécessité de coordonner les interventi­ons impliquant tous les secteurs et paliers décisionne­ls.

Devenir un modèle

En s’inspirant à la fois des 14 recommanda­tions contenues dans l’Avis de l’INSPQ et du modèle français d’Observatoi­re du bruit, le Québec pourrait devenir un modèle en matière de promotion des environnem­ents sonores sains.

Mais pour atteindre cet objectif de santé publique deux composante­s demeurent indispensa­bles : volonté politique et déterminat­ion des décideurs publics, une combinaiso­n qui fait actuelleme­nt cruellemen­t défaut.

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