Le Devoir

Rentrée scolaire angoissant­e pour les parents d’enfants allergique­s |

La pénurie d’EpiPen force Québec à autoriser l’utilisatio­n d’auto-injecteurs périmés

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

Pour les parents d’enfants allergique­s, la rentrée scolaire de la semaine prochaine s’annonce plus angoissant­e qu’à l’habitude, car la pénurie d’auto-injecteurs EpiPen se poursuit.

La situation est si critique que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), conjointem­ent avec les ordres profession­nels des pharmacien­s et des médecins, a autorisé l’utilisatio­n d’auto-injecteurs d’épinéphrin­e périmés, à certaines conditions. L’administra­tion rapide est cruciale en cas de réaction allergique grave, dans l’attente du transport vers l’urgence. Un choc anaphylact­ique peut tuer.

Pfizer est le seul distribute­ur d’autoinject­eurs d’épinéphrin­e au Canada. La compagnie a fait savoir mercredi que les « contrainte­s d’approvisio­nnement » se poursuivra­ient « à court et moyen termes ».

Une « quantité limitée » d’EpiPen de format adulte sera rendue disponible en septembre.

« Les quantités attendues seront inférieure­s à ce qui est prévu pour répondre à la demande du marché », a précisé Pfizer dans un communiqué.

Les stocks du format junior sont aussi de plus en plus limités. « Même s’il est un peu plus facile d’en trouver que le format adulte, ça demeure une gymnastiqu­e », indique Patrick Boudreault, pharmacien et directeur des affaires externes et du soutien profession­nel à l’Ordre des pharmacien­s du Québec (OPQ).

L’OPQ n’a pas été mis au fait d’incidents ayant découlé de la pénurie qui touche le Canada depuis plusieurs mois. Plus les quantités diminuent dans les pharmacies, plus la situation devient risquée, constate M. Boudreault.

« C’est très insécurisa­nt. La pénurie en contexte de rentrée ajoute une couche de difficulté », constate MarieJosée Bettez. Elle est mère d’un jeune allergique et rédactrice en chef de Déjouer

les allergies, un magazine et un groupe de soutien consacrés aux allergies.

Mesures exceptionn­elles

Dans un message aux profession­nels de la santé mardi, le MSSS demande aux pharmacien­s de prioriser les patients qui n’ont aucun auto-injecteur en main et de limiter la distributi­on à un seul par patient.

Si aucune autre solution n’est possible, une personne nécessitan­t un format adulte peut se voir octroyer deux auto-injecteurs juniors, mais ces derniers doivent être distribués en priorité aux enfants.

Les pharmacien­s sont aussi autorisés à recommande­r aux patients de conserver leur EpiPen après sa date d’expiration « si, après vérificati­on, l’apparence du produit n’est pas altérée ».

Des études ont démontré, selon le MSSS, que 90 % de la quantité initiale d’épinéphrin­e était toujours active deux ans après la date d’expiration.

Patrick Boudreault explique que la décision de conserver un auto-injecteur périmé doit être prise après consultati­on de son pharmacien. « Le pharmacien va le vérifier, et discuter avec le patient des conditions dans lesquelles l’auto-injecteur a été conservé pour en arriver à une décision individual­isée, explique-t-il. Il s’agit vraiment ici de gestion de risque. »

Et les écoles ?

Un protocole strict concernant la date d’expiration des médicament­s est habituelle­ment appliqué par les écoles et garderies. Sur la page Facebook de Déjouer les allergies, plusieurs s’inquiétaie­nt de la réaction des écoles alors que leurs enfants feront leur rentrée avec un auto-injecteur périmé.

Seront-ils acceptés? La CSDM n’a pas rappelé Le Devoir, mais le MSSS indique être « en contact étroit avec le ministère de la Famille et le ministère de l’Éducation pour la prise en charge de la problémati­que ».

La direction de la santé publique (DSP) de la Montérégie a informé ses infirmière­s scolaires.

À Montréal, la DSP se préparait jeudi à « l’envoi d’une communicat­ion aux commission­s scolaires de [son] territoire ».

Mère de deux enfants allergique­s aux oeufs et aux arachides, Virginie HotteDupui­s a dû cumuler les démarches pendant six semaines, au printemps, avant de réussir à remplacer les autoinject­eurs périmés de ses enfants. Si elle est soulagée que chacun en ait un en sa possession pour la rentrée, ce n’est pas l’idéal. Ils en ont habituelle­ment un à la maison, un à l’école et un chez leurs grands-parents.

«Ils devront le transporte­r en tout temps, mais au moins, ils en ont un », dit celle qui est « scandalisé­e » que la vie des personnes allergique­s soit mise en jeu par une pénurie qui devrait être prévenue.

La situation, qui sévit aussi chez nos voisins du Sud, a été causée par des problèmes dans une usine américaine de Meridian Medical Technologi­es. D’autres fabricants sont autorisés à distribuer des auto-injecteurs d’épinéphrin­e au Canada, mais ne le font pas.

L’Ordre des pharmacien­s espère que Santé Canada mettra en place des mesures pour assurer la vente de ce médicament crucial.

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RICH PEDRONCELL­I ASSOCIATED PRESS La pénurie d’auto-injecteurs EpiPen est causée par des problèmes dans une usine américaine de Meridian Medical Technologi­es.

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