Le Devoir

Bernier claque la porte et créera son propre parti

- MAGDALINE BOUTROS

Vaut-il mieux partir de sa propre initiative plutôt que de se faire conduire à la sortie ? Sans crier gare, Maxime Bernier a annoncé jeudi aprèsmidi qu’il claquait la porte du Parti conservate­ur, tout juste avant une rencontre du caucus au cours duquel les députés auraient pu voter son expulsion.

Du même souffle, le député de Beauce a signifié son intention de fonder son propre parti politique. « Sous son leadership actuel, [le Parti conservate­ur] a pratiqueme­nt abandonné ses principes conservate­urs fondamenta­ux », a-t-il clamé.

Maxime Bernier a pris la parole en point de presse à Ottawa, au moment même où s’ouvrait à Halifax le congrès conservate­ur.

Pour gagner « la bataille des idées », le Beauceron propose de défendre les valeurs conservatr­ices « ouvertemen­t, avec passion et conviction ». Pour ce faire, la gestion de l’offre tout comme les subvention­s aux entreprise­s doivent être abolies, croit-il. « Je n’arrive toujours pas à comprendre comment un parti censé défendre le libre marché appuie un petit cartel qui fait augmenter artificiel­lement le prix du lait, du poulet et des oeufs pour des millions de consommate­urs canadiens », a-t-il dit.

D’autant plus que le maintien de la gestion de l’offre nuit aux discussion­s entourant le renouvelle­ment de l’ALENA, a-t-il fait valoir. «Ils

mettent à risque 20 % de notre économie pour 19 000 producteur­s [agricoles] », a-t-il lancé.

Bouillonna­nt, Maxime Bernier s’en est pris à la décision d’Andrew Scheer d’appuyer les mesures tarifaires de représaill­es adoptées par le gouverneme­nt libéral à l’endroit des États-Unis. Une décision qui nuit aux entreprise­s et aux consommate­urs canadiens, estime-t-il. «On m’a expliqué que les sondages internes montrent que la réponse des libéraux à Trump est populaire », s’est-il indigné.

Poursuivan­t sa tirade, cette fois sur le thème de l’immigratio­n, Maxime Bernier a lancé que le Parti conservate­ur s’évertue à « éviter les questions importante­s mais controvers­ées ».

«Chaque déclaratio­n publique est testée avec des sondages et des groupes de discussion. Le résultat est une série de platitudes qui n’offensent personne, mais qui ne veulent rien dire non plus et qui ne motivent personne », a-t-il tonné.

Députés fidèles

Rapidement, le chef conservate­ur a servi une réplique cinglante au député. En point de presse à Halifax, tout juste après l’annonce de Maxime Bernier, Andrew Scheer a accusé son ancien adversaire de ne pas avoir digéré sa défaite.

« Depuis qu’il a perdu la course à la chefferie, Maxime ne cesse de démontrer qu’il cherche plus à faire valoir son image personnell­e qu’à défendre les principes conservate­urs », a-t-il allégué.

Une idée que l’ancien chef conservate­ur Stephen Harper a fait raisonner quelques minutes plus tard sur Twitter. « Il est évident que Maxime n’a jamais accepté les résultats de la course à la direction et vise seulement à diviser les conservate­urs », a-t-il écrit.

Andrew Scheer a poursuivi en accusant son ex-collègue de contribuer à la réélection de Justin Trudeau en morcelant les forces conservatr­ices.

Les valeurs conservatr­ices sont toujours au coeur du parti, a-t-il avancé. «C’est le Parti conservate­ur du Canada qui mène la bataille contre la taxe sur le carbone, c’est le caucus conservate­ur qui se bat pour une immigratio­n planifiée et ordonnée, qui se bat pour des budgets équilibrés et contre les impôts pour les petites entreprise­s », a-til énuméré.

Tout porte à croire que les députés conservate­urs serreront les rangs derrière leur chef plutôt que d’emboîter le pas à Maxime Bernier.

De plus en plus isolé au sein du caucus conservate­ur, Maxime Bernier a vu ses maigres appuis s’étioler au cours des derniers mois. Aucun des six députés qui l’avaient appuyé lors de la course au leadership ne devrait le suivre.

«On ne s’attend pas à ça et on ne compte pas sur ça », a mentionné au Devoir un proche collaborat­eur du Beauceron.

Celui-ci ajoute que ce n’était pas « le plan » du député de claquer la porte. « Il prévoyait d’être candidat conservate­ur l’an prochain », assure-t-il.

Le « plan », c’était plutôt que Maxime Bernier tente de nouveau sa chance à la prochaine course au leadership conservate­ur.

« Mais il était de plus en plus exaspéré de voir qu’il n’y avait pas de place pour ses idées dans le parti et il a fini par se dire : “Je vais dire ce que j’ai à dire et on verra ce qui arrivera.”»

Des gazouillis enflammés

Dans une salve de gazouillis publiée sur Twitter la semaine dernière, le Beauceron avait dénoncé le « multicultu­ralisme extrême » et le « culte de la diversité ». Une envolée qui lui avait valu d’être publiqueme­nt rabroué par son chef, Andrew Scheer.

La tension entre les deux hommes — qui s’étaient affrontés il y a un an lors de la course au leadership du Parti conservate­ur — avait continué de gagner en intensité dans les derniers jours. Plutôt que de plier l’échine, Maxime Bernier avait poursuivi sa fronde sur les réseaux sociaux en remettant ouvertemen­t en question le leadership de Scheer.

Les deux pugilistes s’étaient parlé il y a une dizaine de jours. Mais loin de les réconcilie­r, cette conversati­on avait plutôt scellé le divorce. Aux dires de Maxime Bernier, c’est à ce moment que lui est venue l’idée de fonder un nouveau parti.

La formation politique, qui n’a toujours pas de nom, devrait voir le jour d’ici la rentrée parlementa­ire du 17 septembre. D’ici là, Maxime Bernier siégera comme député indépendan­t.

Son fidèle allié, Martin Masse, a indiqué au Devoir qu’il avait quitté ses fonctions à l’Institut économique de Montréal pour se consacrer entièremen­t à ce nouveau chapitre politique.

Avec La Presse canadienne

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ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE Maxime Bernier a annoncé avec fracas sa démission du Parti conservate­ur.
 ?? DARREN CALABRESE LA PRESSE CANADIENNE ?? À Halifax, où se tient le congrès conservate­ur, Maxime Bernier pouvait compter sur l’appui d’au moins une personne se présentant comme un «activiste conservate­ur».
DARREN CALABRESE LA PRESSE CANADIENNE À Halifax, où se tient le congrès conservate­ur, Maxime Bernier pouvait compter sur l’appui d’au moins une personne se présentant comme un «activiste conservate­ur».

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