Le Devoir

Que Justin Trudeau réponde

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Dans un grand geste de réconcilia­tion avec les Premières Nations, Justin Trudeau a profité du 150e anniversai­re de la Confédérat­ion canadienne pour « débaptiser » son bureau de premier ministre en lui enlevant le nom d’Hector-Louis Langevin, père de la Confédérat­ion canadienne et du fédéralism­e québécois. Il a suffi pour le convaincre de faire ce geste qu’une manifestat­ion soit organisée par les chefs des Premières Nations qui clamaient que Langevin avait été « l’architecte » du système fédéral des pensionnat­s autochtone­s et que la simple vue de son nom sur l’édifice Langevin leur mettait les larmes aux yeux.

Certains, dont Matthew Hayday de l’Université de Guelph et moi-même, ont contesté les affirmatio­ns des anti-Langevin en faisant ressortir le fait élémentair­e qu’à aucun moment de sa vie, Hector-Louis Langevin n’a exercé la moindre autorité ministérie­lle sur un quelconque pensionnat autochtone. Le seul reproche qu’on puisse lui faire à cet égard est d’avoir repris au Parlement, treize jours après John A. Macdonald, premier ministre et surintenda­nt des affaires indiennes, les arguments de ce dernier visant à faire adopter son projet de réseau fédéral de pensionnat­s autochtone­s. Or Langevin n’était qu’un parmi les 133 députés conservate­urs appuyant leur chef en Chambre et il n’était aucunement plus responsabl­e que les autres dans cette affaire.

Certains, dont moi-même, se sont alors demandé pourquoi les chefs des Premières Nations n’organisaie­nt pas de manifestat­ions devant les statues de John A. Macdonald. Ils n’ont eu droit à aucune réponse. Or voici que les citoyens de Victoria ont décidé de déboulonne­r leur statue de Macdonald et que des vandales s’en sont pris une nouvelle fois à la statue de Macdonald à Montréal.

Les médias montréalai­s, RadioCanad­a en tête, ont alors cherché une personne défendant les vandales ou du moins les « déboulonne­urs » de Victoria. Ils n’en ont trouvé aucun, même pas Romeo Saganash, Ghislain Picard ou Perry Bellegarde.

La question qui se pose est la suivante : si personne au gouverneme­nt canadien ne veut s’en prendre au tout premier responsabl­e de l’adoption de la politique de création du réseau fédéral de pensionnat­s autochtone­s, comment peut-on justifier qu’on ait rayé le nom de Langevin de la mémoire collective sur la base d’accusation­s non fondées ? Pourrait-on faire à un innocent québécois francophon­e ce qu’on n’ose pas faire à un coupable canadien-anglais ? À Justin Trudeau de répondre. Luc-Normand Tellier, professeur émérite, Départemen­t d’études urbaines et touristiqu­es, ESG-UQAM Le 17 août 2018

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