Le Devoir

Le premier ministre Couillard a tort sur la réforme du mode de scrutin

- Mouvement démocratie nouvelle*

Récemment, à l’issue d’une rencontre publique organisée par l’Institut du Nouveau Monde (INM) et Le Devoir avec les trois autres chefs politiques qui venaient de réitérer leur engagement commun d’instaurer un mode de scrutin proportion­nel mixte pour l’élection de 2022, le chef du Parti libéral du Québec (PLQ) et premier ministre, Philippe Couillard, a déclaré aux journalist­es qu’il était contre le changement proposé, car celui-ci affaiblira­it les régions politiquem­ent !

Or, outre le fait que la propositio­n du Parti québécois (PQ ), de la Coalition avenir Québec (CAQ ), de Québec solidaire (QS) et du Parti vert du Québec (PVQ ) est, pour l’essentiel, la même que celle que le gouverneme­nt libéral (dont faisait partie Philippe Couillard) avait présentée à l’Assemblée nationale en décembre 2004, il faut savoir que la réforme mise en avant aujourd’hui est un scrutin proportion­nel mixte avec listes régionales. La conséquenc­e est que les régions ne perdraient pas de députés, car il y en aurait toujours environ 125 à l’Assemblée nationale du Québec et elles verraient leur poids politique augmenter plutôt que diminuer.

Les trois principaux principes à la base de l’accord signé par tous les partis sauf les libéraux sont : le « respect du poids politique des régions », le « maintien d’un lien significat­if entre les électeurs/trices et les élus/es » et la correction de la principale lacune du vieux système britanniqu­e, soit de ne pas permettre de « refléter le vote populaire » et de faire en sorte que le vote d’une majorité de la population ne compte pas vraiment pour la formation du gouverneme­nt. À ce sujet, les résultats de l’élection générale de 2014 établissen­t l’iniquité et l’inadéquati­on de la représenta­tion parlementa­ire par rapport aux suffrages exprimés. Dans trois régions administra­tives, le vote d’une majorité de l’électorat n’a donné aucun député ! Dans sept autres régions, une minorité de votes a produit une surreprése­ntation d’un seul parti.

Avec le type de scrutin proposé, non seulement tous les députés auraient un ancrage territoria­l, mais en plus, chaque région verrait son poids politique augmenter du fait que la représenta­tion parlementa­ire serait dorénavant plurielle et variée. Cette situation se solderait par des coalitions trans-partisanes chaque fois que l’intérêt de la région serait en cause ou menacé. Les lignes de parti ne pourraient plus empêcher aussi facilement les députés d’être d’abord solidaires de leur région.

Donc, opposer une représenta­tion parlementa­ire plus juste et plus conforme aux choix électoraux à une défense forte des intérêts des régions est une tactique inacceptab­le, car elle ne tient pas la route quand on y regarde de près. Il est temps que le débat sur la réforme du mode de scrutin se fasse essentiell­ement sur la base d’une analyse rigoureuse des faits, notamment en regard du fonctionne­ment réel des systèmes électoraux proportion­nels qui existent ailleurs dans le monde depuis plus d’un siècle. À ce propos, si le chef du PLQ est prêt à faire l’exercice, nous serions ravis de lui consacrer le temps nécessaire pour qu’il réitère l’appui qu’il donnait quand il était ministre de la Santé dans le gouverneme­nt de son prédécesse­ur.

* Signataire­s : Hélène Daneault, ex-députée de la Coalition avenir Québec (CAQ); Françoise David, ex-députée de Québec solidaire (QS); Christiane Pelchat, ex-députée du Parti libéral du Québec (PLQ); Jean-Pierre Charbonnea­u, ex-député et ministre du Parti québécois (PQ); Alain Marois, président du Mouvement Démocratie nouvelle; Marie-Claude Bertrand et Jean-Sébastien Dufresne

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? La réforme mise en avant est un scrutin proportion­nel mixte avec listes régionales.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR La réforme mise en avant est un scrutin proportion­nel mixte avec listes régionales.

Newspapers in French

Newspapers from Canada