Le Devoir

Les cégeps interpelle­nt les politicien­s

La patron de la Fédération des cégeps veut braquer les projecteur­s de la campagne sur l’enseigneme­nt supérieur, où les défis sont nombreux

- JESSICA NADEAU

Tous les partis parlent d’éducation, mais l’enseigneme­nt supérieur est complèteme­nt évacué du discours public, déplore la Fédération des cégeps, qui exhorte les politicien­s à retrouver une vision plus large de l’éducation qui va au-delà des écoles primaires et secondaire­s.

« C’est une bonne nouvelle que tous les partis parlent d’éducation, maintenant, il faut voir comment ils vont en parler ; vont-ils seulement dire le mot éducation ou le dire en incluant l’enseigneme­nt supérieur?» se questionne Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps, en entrevue éditoriale au Devoir.

« Bien sûr, il y a beaucoup de parents au Québec, et si les politicien­s parlent des écoles primaires et secondaire­s, ils vont rejoindre beaucoup de monde. Je fais attention, je ne veux rien enlever aux écoles primaires et secondaire­s — elles font face à de grands défis et c’est normal que l’on parle d’elles —, mais on dirait que ça prend [toute] la place, comme si [les politicien­s et la population] oublient que l’enseigneme­nt supérieur existe aussi et qu’il y a des défis. »

Et les défis sont nombreux, affirmet-il. «Une des données qui me choquent, c’est le fait qu’il n’y a pas plus d’hommes québécois francophon­es dont les parents n’ont pas fait d’études supérieure­s qui obtiennent un diplôme aujourd’hui qu’il y a 50 ans. Les

femmes ont fait un bond énorme. Les immigrants de première et deuxième génération­s aussi, ce qui fait qu’on a augmenté notre taux de diplomatio­n […] Mais il y a encore un plafond de verre pour certaines catégories d’étudiants : les Autochtone­s, les immigrants de première génération et ceux qui viennent d’un milieu socio-économique faible. »

Bernard Tremblay parle également d’un « défi de réussite » au niveau collégial. Ainsi, selon les dernières données disponible­s au ministère — soit les résultats de la cohorte de 2008 —, le taux de diplomatio­n au cégep n’est que de 63 %. Un résultat bien insuffisan­t, selon lui, surtout dans une économie du savoir.

«Plus de 80% des emplois qui ont été créés l’an dernier requéraien­t une formation collégiale ou supérieure. Les entreprise­s hurlent, on est en pénurie de main-d’oeuvre, on fait le constat qu’on n’a pas assez de finissants qualifiés. Et pourtant, on continue de dire que la persévéran­ce scolaire jusqu’à 16 ans, c’est très important. Et on dit bravo quand les étudiants obtiennent un diplôme de 5e secondaire. Voyons ! Bien sûr, il faut continuer de faire augmenter le nombre de diplômés au secondaire, mais si un étudiant sort du système avec une 5e secondaire, on a échoué comme système d’éducation, on peut-tu se le dire ? »

Stratégie

Il déplore que le plan stratégiqu­e du ministère de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur n’ait aucune cible significat­ive pour les cégeps et les université­s. « On parle plus de loisirs et de sports que d’enseigneme­nt supérieur dans ce document. S’il y a une vision large de l’éducation à Québec, je ne la vois pas quand je lis le plan stratégiqu­e de mon ministère. »

Il estime également que le milieu de l’enseigneme­nt supérieur aurait dû être intégré dans la politique sur la réussite éducative, lancée en grande pompe l’an dernier par le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx. Qu’à cela ne tienne, la Fédération des cégeps et le réseau de l’Université du Québec ont uni leurs voix en mai dernier pour réclamer une stratégie sur l’enseigneme­nt supérieur. « Qu’on le fasse en deux blocs, ça peut être un choix, mais moi, j’estime que notre système d’éducation commence au préscolair­e et finit au postdoctor­at. Essayons de le voir comme un tout et de recréer les liens. »

S’il n’avait qu’une demande à faire au prochain gouverneme­nt? «Celle qui englobe toutes les autres demandes, c’est la stratégie sur l’enseigneme­nt supérieur, répond-il. Il faut qu’on s’arrête, qu’on réunisse tous les acteurs, qu’on se pose la question sur ce qu’on doit faire et qu’on se donne des objectifs. »

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