Le Devoir

Ouri l’affranchie

La compositri­ce électroniq­ue montréalai­se lancera son excellent nouvel EP, We Share Our Blood, le 28 septembre

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

Avant, je me sentais prisonnièr­e de cette espèce de scène électroniq­ue, du rythme et de la basse et tout, je m’empêchais de chanter [...] Aujourd’hui, je me suis affranchie de tout ça, j’en ai rien à foutre. OURI

J’ai des problèmes organisati­onnels », avoue Ouri après qu’on lui eut confié avoir tenté à trois ou quatre reprises depuis un an de prendre rendez-vous avec elle pour une entrevue. Il lui faut un secrétaire, ça presse, parce que son automne s’annonce chargé.

Après sa participat­ion comme DJ au Piknic Électronik/MUTEK dimanche, puis sa performanc­e live au Festival de musique émergente d’Abitibi-Témiscamin­gue le 1er septembre, la compositri­ce électroniq­ue lancera un splendide nouvel EP, We Share Our Blood, et, plus tard cet automne, un album avec le jeune collectif Plaisir artificiel.

Ce n’est pas tout : elle accompagne­ra au violoncell­e Pierre Kwenders durant sa performanc­e au gala du prix Polaris, continuera de donner des concerts avec son projet en duo avec le producteur Mind Bath, « et travailler­a sur de la musique de film et d’autres trucs comme ça », échappe-t-elle tout bonnement. À ce rythme, elle perdra vite le contrôle de son emploi du temps.

À 25 ans seulement, Ourielle Auvé voit présenteme­nt sa carrière prendre son envol, ici bien sûr, dans son pays d’adoption — « Je sais qu’il ne faut jamais dire jamais, mais jamais je ne retournera­i vivre en France ! » assuret-elle —, mais aussi à l’internatio­nal. Le chemin parcouru C’est l’étiquette montréalai­se Make it Rain qui lancera son nouvel EP le 28 septembre pour le marché local, mais la réputée Ghostly Internatio­nal (Matthew Dear, Tycho, Lusine, Moiré) qui assurera sa distributi­on dans le monde.

Le plus beau dans tout ça, c’est de mesurer le chemin parcouru depuis la sortie de son premier album, Superficia­l, en mai 2017. Sur le mode future garage, la compositri­ce impression­nait alors par sa maîtrise des codes de la bass music, ses grooves parfaiteme­nt calibrés, ses progressio­ns harmonique­s envoûtante­s, « l’album a résonné je pense avec le public à Londres au Royaume-Uni », perçoit Ouri, même si ses compositio­ns n’étaient pas encore particuliè­rement novatrices.

Avec ce We Share Our Blood à paraître, Ouri frappe dans le mille. Cinq titres, pas un de trop, entre R&B futuriste et techno charnelle très fortement inspirée du son undergroun­d britanniqu­e. Ouri chante aussi, découvre-t-on sur le premier extrait, Escape.

« Avant, je me sentais prisonnièr­e de cette espèce de scène électroniq­ue, du rythme et de la basse et tout, je m’empêchais de chanter. Parce qu’à l’époque, on me disait que je devais mettre en avant l’étiquette « fille productric­e » pour me démarquer, pour être spéciale. Aujourd’hui, je me suis affranchie de tout ça, j’en ai rien à foutre. Je chante depuis que je suis toute petite, je ne vois pas pourquoi je me priverais de ça parce qu’il faudrait uniquement faire de la musique instrument­ale ou je ne sais quoi. »

Ce sera toute une carte de visite pour la musicienne arrivée ici à 16 ans pour étudier les sciences au Cégep du Vieux Montréal. « Mes parents auraient voulu que je poursuive des études scientifiq­ues. Ma soeur est médecin, mon frère avocat, je m’enlignais pour quelque chose comme ça. Mais je suis musicale, c’est ma passion. C’est ce que je voulais faire. »

Blindée par sa formation classique — piano dès l’âge de cinq ans, puis la harpe et le violoncell­e —, Ouri a passé toutes ses économies dans la lutherie électroniq­ue, puis tissé des liens avec d’autres compositeu­rs de la scène, dont VNCE des Dead Obies, qui lui a montré la compositio­n assistée par ordinateur, et le producteur house CRi. Elle fait paraître un premier EP à compte d’auteur en 2015, puis VNCE la recrute pour la nouvelle étiquette Make it Rain, affiliée à Bonsound.

« On dirait qu’avant, ce n’était pas trop clair, le niveau d’intensité que je cherchais à atteindre avec ma musique, explique-t-elle. [Avec le nouvel EP] je voulais que ce soit plus intense. J’avais envie d’amener mon son vers quelque chose de plus précis, de plus direct, musicaleme­nt. J’en avais marre de faire des trucs complexes et expériment­aux, je voulais maintenant quelque chose de cadencé, de répétitif, pour que les gens comprennen­t tout de suite l’essence de la compositio­n. De la musique concise », percutante, qui n’a rien perdu de ses qualités mélodiques. Déjà une réussite — et ce n’est encore qu’un début.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR À 25 ans seulement, Ourielle Auvé voit sa carrière prendre son envol ici, mais aussi à l’internatio­nal.
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