Le Devoir

Trump s’acharne contre son secrétaire à la Justice

Jeff Sessions est désormais perçu comme l’un des derniers remparts de l’État de droit face aux volontés du président

- ÉLODIE CUZIN

Donald Trump a lancé une nouvelle tirade méprisante vendredi contre son secrétaire à la Justice au lendemain d’une passe d’armes très publique entre les deux hommes, l’ancien ultraloyal­iste Jeff Sessions symbolisan­t désormais, dans un curieux revirement, l’ultime rempart protégeant l’enquête russe.

« Allez Jeff, tu peux le faire » : l’appelant à plusieurs reprises par son prénom dans une salve de tweets publiée aux aurores, le président américain lui a reproché de ne pas engager de poursuites contre Hillary Clinton et certains de ses alliés démocrates.

Il a cité une partie du communiqué envoyé la veille par M. Sessions, interprété comme une vive réponse aux attaques récurrente­s de Donald Trump à son encontre. L’homme d’affaires lui en veut aussi de s’être récusé de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur les soupçons de collusion entre la campagne Trump et Moscou.

«“Le départemen­t de la Justice ne sera pas indûment influencé par des considérat­ions politiques.” Jeff, c’est SUPER, c’est ce que tout le monde veut, donc jette un oeil sur toute la corruption “de l’autre côté” », a tonné Donald Trump.

Clinton, encore

Il cite ensuite des exemples, visant notamment ses opposants politiques, comme « la Fondation Clinton », « la surveillan­ce illégale de la campagne Trump », selon lui, ou « la collusion russe par les démocrates ».

Dans un troisième message publié sur son réseau social de prédilecti­on, M. Trump a réagi à la peine de prison dont a écopé une jeune Américaine pour avoir divulgué un rapport ultrasecre­t sur les piratages russes lors de la présidenti­elle 2016. L’occasion d’attaquer, à nouveau, celui qui fut son premier soutien au Sénat.

Cette peine, c’est « “vraiment rien” comparativ­ement à ce qu’Hillary Clinton a fait ! Tellement injuste, Jeff », a-t-il écrit.

En se récusant, Jeff Sessions a perdu le pouvoir de mettre un terme aux investigat­ions de Robert Mueller, que Donald Trump qualifie de « chasse aux sorcières ». C’est son numéro deux — et autre républicai­n convaincu —, Rod Rosenstein, qui supervise désormais l’enquête.

Face aux attaques de Trump — qui l’a nommé à ce poste — et d’élus républicai­ns du Congrès, ce dernier s’est montré prêt à défendre ardemment « l’État de droit » face « aux menaces ».

Mais les attaques incessante­s de Donald Trump contre Jeff Sessions commencent à entamer le soutien de ses anciens collègues au Congrès.

« À ceux qui pensent que la seule façon de protéger Mueller, c’est de garder Jeff Sessions au poste de secrétaire à la Justice pour toujours : je n’y crois pas», a déclaré jeudi Lindsey Graham, sénateur républicai­n proche de Donald Trump. «Le président a droit à un secrétaire à la Justice en qui il a confiance ».

« Jeff est quelqu’un de bien […], mais je pense vraiment qu’il est parfois un peu timide et qu’un peu plus d’agressivit­é serait important chez le prochain secrétaire à la Justice », a renchéri vendredi un élu républicai­n de la Chambre des représenta­nts, Mark Walker, sur la chaîne Fox News.

D’autres sénateurs républicai­ns se sont pourtant indignés à l’idée d’un départ forcé de Jeff Sessions.

« Graves conséquenc­es »

« Ce serait une très, très, très mauvaise idée de limoger le secrétaire à la Justice parce qu’il ne se conduit pas en politicien. Ce n’est pas son travail. Son travail, c’est d’être fidèle à la Constituti­on et à l’État de droit», a martelé dans l’hémicycle jeudi le sénateur conservate­ur Ben Sasse.

Le numéro deux des républicai­ns au Sénat, John Cornyn, a fermement renchéri: «Cela serait mauvais pour le président et mauvais pour le départemen­t de la Justice s’il était poussé dehors dans ces circonstan­ces. »

Ironiqueme­nt, les démocrates se retrouvent à défendre aussi Jeff Sessions, un membre de l’aile ultraconse­rvatrice du Parti républicai­n. Mais il incarne aussi désormais à leurs yeux la forteresse protégeant les enquêteurs de Robert Mueller.

« Si le président agit brusquemen­t en tentant de se débarrasse­r de Rod Rosenstein ou du ministre Sessions, ou bien entendu du procureur spécial Mueller, cela aura de graves conséquenc­es pour la position du président » face au Congrès, a asséné le sénateur démocrate Chris Coons.

Ce serait une très, très, très mauvaise idée de limoger le secrétaire à la Justice parce qu’il ne se conduit pas en politicien. Ce n’est pas son travail.

BEN SASSE

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Jeff Sessions

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