Shorter et McLorin Salvant pour épicer l’automne jazz
Le légendaire saxophoniste présente un ambitieux projet
Wayne Shorter célèbre, samedi, son 85e anniversaire de naissance, et il le fait de la plus éclatante des manières: en lançant un album triple multidisciplinaire qui tient de l’événement et marque un premier boum dans l’automne jazz qui débute.
Le légendaire saxophoniste — membre du deuxième grand quintette de Miles Davis, fondateur de Weather Report — a ainsi fait paraître vendredi Emanon (no name, écrit à l’envers), premier enregistrement de sa part depuis 2013. Trois disques de compositions originales où le quartet de Shorter (un des groupes les plus célébrés depuis une quinzaine d’années) est accompagné des 34 musiciens du Orpheus Chamber Orchestra… et d’un roman graphique coécrit par Shorter et Monica Sly, et illustré par Randy DuBurke.
Intrigant ? Absolument, d’autant que ce projet s’accompagne une fois de plus chez Shorter d’une démarche singulière qui fait du jazz un véhicule de réflexion intergalactique — ou presque. «Après avoir lu et écouté Emanon, vous allez peut-être commencer à prendre conscience des réalités parallèles qui scintillent quelque part autour du quotidien», promet la contrebassiste et chanteuse Esperanza Spalding dans l’introduction du roman graphique.
Ce coup d’envoi placé, que prévoir en matière de jazz d’ici Noël? S’il devient de plus en plus difficile d’avoir un portrait de situation complet à l’avance — parce que le jazz n’est pas au premier rang des préoccupations marketing des étiquettes majeures, disons —, on note quand même quelques points de repère tout aussi scintillants que le monde parallèle de Wayne Shorter. Voyons voir:
Amour et nature
L’exceptionnelle chanteuse américaine Cécile McLorin Salvant — aux racines haïtiennes et françaises — revient avec The Window (28 septembre), album décliné en duo avec le pianiste Sullivan Fortner. On en parle comme d’un « cycle méditatif de chansons sur la nature et l’amour». Les deux derniers disques de McLorin Salvant — qui a dynamité le dernier Festival international de jazz de Montréal en ouverture — ont remporté le Grammy du meilleur album de jazz vocal, en 2015 et en 2017. Elle est, pour résumer, la quintessence du chant jazz.
Diana Krall / Tony Bennett
Alerte aux ventes, si ça se peut encore en 2018 : quand deux superstars populaires comme Diana Krall et Tony Bennett unissent leurs forces pour un album, on
peut présumer une réponse passablement électrique du public. Qui plus est quand le répertoire concerne deux autres favoris historiques, George et Ira Gershwin en l’occurrence. Love Is Here to Stay doit paraître le 14 septembre, avec le trio de l’excellent pianiste Bill Charlap en accompagnement.
Donald Trump
Le mot clé étonne? C’est que l’élection du controversé président américain a inspiré au moins deux disques (plus ou moins jazz) à paraître dans les prochaines semaines. D’abord, celui de la chanteuse Madeleine Peyroux (Anthem, prévu le 31 août et dont la chanson-titre est une reprise de Leonard Cohen), produit et coécrit avec Larry Klein. On comprend que Peyroux restera dans le registre folk qu’on lui connaît. Même chose pour Gabriel Kahane, qui fait son entrée sur l’étiquette Nonesuch avec Book of Travelers (paru le 24 août). Les chansons ont été composées lors de voyages en train effectués aux lendemains de l’élection de Trump.
Scène locale
Rayon Québec, quatre parutions s’ajouteront au catalogue de la maison de disques montréalaise Effendi : d’abord, le pianiste Rafael Zaldivar (Cuban Revival, en octobre), puis le Jazzlab Orchestra (Quintessence, en novembre), le pianiste Yves Léveillé (titre et date à déterminer) et le Gentiane MG Trio (Révélation jazz Radio-Canada pour l’année en cours). Le saxophoniste Samuel Blais fera aussi paraître Équilibrium.
Sur scène
On note parmi les concerts prévus cet automne le projet de la pianiste Marianne Trudel et de la chanteuse Karen Young autour des chansons de Joni Mitchell (à Québec et à Montréal à la mi-octobre); le Festi Jazz de Rimouski du 29 août au 2 septembre, avec notamment le superbassiste Stanley Clarke ; l’Off jazz, présenté à Montréal du 4 au 13 octobre (la programmation sera dévoilée sous peu) ; le Festival de jazz de Québec du 10 au 20 octobre; et puis tout ce qui se passe tous les soirs au Upstairs, au Dièse Onze et au Café Résonance.
En diagonale
Quoi d’autre? Le contrebassiste Christian McBride (figure incontournable du jazz actuel, directeur artistique du Newport Jazz Festival, animateur à NPR…) présente à la fin octobre un nouvel album en quartet; la brillante chanteuse Kandace Springs, aussi jazz que R&B, présentera le 7 septembre Indigo, son deuxième disque chez Blue Note. Deux semaines plus tard, on aura Facing Dragons, du pianiste Christian Sands. Et on jettera une oreille attentive à un gigaprojet paru la semaine dernière: Work présente en six albums numériques l’intégrale des compositions de Thelonious Monk arrangées pour guitare solo par Miles Okazaki. C’est, il va sans dire, consistant.