Une dernière avant les rénovations
Le MAC honore Françoise Sullivan et la fougue des manifestes
Il y a 26 ans, le Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) prenait racine au centre-ville. Il ne bougera plus, mais le 26e automne sera son dernier tel qu’on le connaît. En janvier 2019, le MAC fermera pour une durée de 36 mois, le temps de se refaire une identité.
Le musée de 1992 ne disparaîtra pas totalement, la transformation touchant à peine la moitié du bâtiment. Et encore: une partie des travaux se fera dans les zones jusque-là non visibles et non publiques, les réserves du sous-sol.
L’établissement fondé en 1964 aura cependant une nouvelle image. Cet automne sera le dernier du hall en forme de rotonde, un espace souvent perçu comme l’emblème d’une architecture peu aimée. L’aménagement plus vaste et plus lumineux qui le remplacera sera la principale signature du projet élaboré par la firme Saucier + Perrotte.
Pour John Zeppetelli, directeur depuis cinq ans du MAC, il fallait casser l’impression de musée fermé. «Les visiteurs se plaignent qu’ils ne trouvent pas la porte et, quand ils la trouvent, elle est très lourde. Puis ils arrivent dans la rotonde, avec ces colonnes weird…», dit-il, heureux à l’évocation du «pôle vitré» qui verra le jour à l’angle des rues SainteCatherine et Jeanne-Mance.
Lui-même n’a jamais compris cet «espace complexe» qu’est la rotonde. Il se souvient pourtant de moments forts, tels que celui du Cheval de Xavier Veilhan — l’exposition Déjà, en 2011 — ou un des géants de David Altmejd, placé là en 2015. Pour sa dernière saison, le hall restera tel qu’il est depuis juin. L’oeuvre Pulse Spiral, de Rafael Lozano-Hemmer, y fonctionne à merveille, selon John Zeppetelli.
Dans les réserves
«Le projet de transformation est axé sur la conversion des salles d’entreposage en salles d’exposition», résume le directeur du MAC, qui rappelle qu’à peine 1% des 8000 oeuvres sont montrées. Si l’agrandissement du hall supprimera une salle d’exposition du 2e étage, le réaménagement des réserves en fera gagner quatre.
Gestionnaire des collections, Anne-Marie Zeppetelli — la soeur du directeur — travaille d’arrache-pied pour vider les réserves. Près de 75% des oeuvres seront localisées dans un autre quartier, pour lequel le gouvernement du Québec doit donner son accord. En attendant, la collection sera entreposée dans le musée, là où il n’y aura pas de travaux.
Travaillant au MAC depuis 1989, Anne-Marie Zeppetelli a vécu l’arrivée au centre-ville comme un grand moment. Son plus cher souvenir: «arriver dans de belles réserves». «En 1992, c’était magnifique. On avait de l’espace pour manoeuvrer», confie-t-elle.
Son cauchemar? L’inondation de 2012, causée par la rupture d’un tuyau. «C’était bouleversant, presque tout le sous-sol a été touché. Ça nous a pris six mois pour remettre les réserves en état, trois ans pour traiter les oeuvres.»
Manifestes
Pour conclure ce premier quart de siècle au centre-ville, le MAC fera place à une foule de manifestes. Dans l’installation immersive Manifesto, de Julian Rosefeldt, l’actrice Cate Blanchett clame des extraits de 12 textes fondateurs, du Manifeste du parti communiste de Marx et Engels au Dogma de Lars von Trier.
L’inclusion de Refus global, « notre grand manifeste», dit John Zeppetelli, sera double: d’abord par la grande rétrospective d’une de ses signataires, Françoise Sullivan, puis par l’exposition documentaire Partitions, où le recueil de 1948 sera placé aux côtés des textes de Manifesto.
« C’est un beau cycle d’expositions, assez cohérent, promet John Zeppetelli. On aime la déclaration artistique, cette fureur de rhétorique, surtout faite par des jeunes qui ont le courage de se prononcer. »
Le MAC n’est plus si jeune, mais s’il fallait lui trouver un manifeste derrière le dernier programme avant les rénovations, le directeur proclamerait un acte de foi pour… l’immobilisme : « On a l’emplacement le plus incroyable en ville, en plein coeur du Quartier des spectacles», affirme-t-il.
C’était bouleversant, presque tout le sous-sol a été touché [par l’inondation]. Ça nous a pris six mois pour remettre les réserves en état, » trois ans pour traiter les oeuvres.
ANNE-MARIE ZEPPETELLI