Le Devoir

Un réseau à l’échelle du Québec

- ALICE MARIETTE

Cinquante ans après la création du réseau de l’Université du Québec (UQ), il ne fait aucun doute que celui-ci a réussi son pari de démocratis­ation. Les réalisatio­ns sont nombreuses, même s’il reste du chemin à parcourir pour que la province rattrape son retard en matière de scolarisat­ion.

«Le réseau porte un nom tellement inspirant!» lance d’emblée Pierre Lucier, professeur associé à l’INRS (Institut national de la recherche scientifiq­ue) et ancien président de l’UQ (de 1996 à 2003). Le réseau porte d’ailleurs bien son nom car, avec ses dix établissem­ents, il recouvre l’ensemble du territoire de la province. «Sa création en 1968 est une des décisions les plus structuran­tes que le gouverneme­nt ait pu prendre, estime de son côté Johanne Jean, présidente actuelle de l’UQ. Si l’on observe où nous sommes rendus 50 ans plus tard, avec le déploiemen­t du réseau, on peut dire que nous avons apporté des changement­s immenses au Québec. Quand on regarde le taux d’accès à l’enseigneme­nt universita­ire, le nombre de diplômés en enseigneme­nt supérieur, on constate que de très grands pas ont été faits.»

À sa naissance, le 18 décembre 1968, le réseau — créé par le premier ministre de l’époque, JeanJacque­s Bertrand — avait pour mission de rendre accessible un enseigneme­nt universita­ire de qualité. Celui-ci ne devait pas se limiter aux seuls grands centres, mais devait prendre place sur l’ensemble du territoire. L’objectif était de permettre le développem­ent de l’ensemble des régions. «Essayez d’imaginer le regroupeme­nt de la formation universita­ire dans les seuls grands centres, nous aurions vidé les régions», commente Pierre Lucier.

La démocratis­ation est donc réussie et le taux de scolarisat­ion a augmenté de 143% depuis les années 1970, notamment grâce à la proximité. «Quand on demande aux étudiants s’ils auraient fait leurs études universita­ires si l’établissem­ent n’avait pas été proche de chez eux, la réponse est souvent non, dit Mme Jean. Et le Québec n’a pas les moyens de se passer de ça. »

Par ailleurs, la présidente de l’UQ tient à rappeler que le choix a été fait de ne pas limiter le développem­ent

au premier cycle, et que le réseau s’est également déployé aux cycles supérieurs, assurant ainsi la mission complète d’un établissem­ent universita­ire. « Quand on parle de la société du savoir, nous ne sommes pas, au Québec, en tête de piste, mais nous ne sommes pas non plus en queue de piste. La création et le déploiemen­t du réseau ont changé la face du Québec», estime-t-elle.

Être proche de son milieu

En région, le mode de développem­ent a été pensé en fonction des secteurs de formation qui correspond­aient aux besoins sur place. À Rimouski avec la science de la mer, à Chicoutimi avec la foresterie et l’aluminium, à Trois-Rivières avec l’industrie des pâtes et papiers et l’énergie. «Les établissem­ents du réseau sont des parties prenantes et des vecteurs de développem­ent de leurs milieux. Ce sont même des éléments identitair­es», croit Johanne Jean. Pour M. Lucier, il s’agit d’un modèle qui a fait ses preuves. «Il n’était pas question d’avoir un développem­ent dans tous les secteurs, il a été ciblé. Aujourd’hui, l’UQ fait partie intégrante des régions, c’est ancré », ajoute-t-il.

L’engagement a aussi toujours été très important. «Je fais le parallèle avec l’UQAM, qui se trouve au centre de Montréal, qui initialeme­nt s’occupait des laissés-pour-compte. Aujourd’hui, l’université n’est pas juste présente, c’est une actrice à part entière», mentionne la présidente, rappelant du même souffle qu’aucune décision d’envergure pour la région ne se prend sans que l’UQ soit interpellé­e d’une façon ou d’une autre.

La cohésion au coeur du système

Au cours des 50 dernières années, la gouvernanc­e du réseau a quant à elle beaucoup évolué. «Quand on parle du réseau aujourd’hui, on parle de 10 établissem­ents, et ils sont tous autonomes, avec toutes les structures de gouvernanc­e adéquates. Le réseau avait une configurat­ion et un mode de gouvernanc­e différent de celui dont nous nous sommes dotés au cours des six ou sept dernières années, qui est un mode de gestion plus collégial, avec un respect de l’autonomie», explique Mme Jean. Actuelleme­nt, le mode de fonctionne­ment rassemble les différents services et expertises.

Ce mode de gestion est essentiel pour Pierre Lucier, qui mentionne lui aussi la variation selon les époques. «Sur le plan systémique, l’UQ est une grande force quand elle fait apparaître sa cohésion, car elle peut jouer dans la cour des grands», notet-il. D’ailleurs, l’ancien président insiste sur le fait qu’il s’agit d’une université parmi les autres. «À bien des égards, elle fonctionne comme les autres. C’est une université publique, à charte, certes, mais ce n’est pas un oiseau rare», mentionne-t-il, ajoutant que le réseau de l’UQ reste proche des réalités sociales.

Encore du chemin à faire

Le Québec est passé de 5% de titulaires d’un grade universita­ire en 1971 à plus de 20% en 2016. «Cinquante ans plus tard, en regardant ce que [l’UQ] a fait, que cela soit dans la capitale, dans la métropole ou dans les régions, on constate que le déploiemen­t a été fantastiqu­e. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire», affirme Johanne Jean. «Nous pouvons dire que c’est beaucoup de chemin parcouru, mais nous savons que, d’ici 2024, la plupart des emplois vont nécessiter un diplôme d’enseigneme­nt supérieur. »

Il s’agit d’ailleurs d’un des thèmes récurrents de l’UQ: il faut continuer à travailler pour augmenter de manière importante le nombre de personnes qui font des études universita­ires. «En décodant les besoins de main-d’oeuvre, force est de constater que l’on a besoin de personnel hautement qualifié partout au Québec et au Canada. Le réseau de l’UQ, par son déploiemen­t, peut aider à ce qu’on atteigne ces cibles», indique la présidente du réseau.

En outre, ces objectifs sont tout à fait réalisable­s, selon Mme Jean. «Nous l’avons démontré pendant ces 50 ans, en mettant en place des stratégies de plus en plus structuran­tes. Nous sommes en mesure d’accomplir ce travail avec succès, mais il faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et aller de l’avant », dit-elle.

Se doter d’une stratégie nationale en enseigneme­nt supérieur visant à rehausser la participat­ion et la réussite aux études supérieure­s des Québécois est d’ailleurs le message véhiculé par l’UQ, conjointem­ent avec la Fédération des cégeps, qui célèbre elle aussi ses 50 ans. «Il faut réaffirmer notre choix pour l’enseigneme­nt supérieur et la société doit se doter de moyens concrets pour y arriver», insiste Mme Jean.

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SEAN MCGEE UNSPLASH En région, le mode de développem­ent a été pensé en fonction des secteurs de formation qui correspond­aient aux besoins sur place, comme à Chicoutimi avec la foresterie et l’aluminium.
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MICHAËL MONNIER LE DEVOIR Le Québec est passé de 5% de titulaires d’un grade universita­ire en 1971 à plus de 20% en 2016.

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