Le Devoir

Des formations et des recherches ancrées dans leur milieu

- ETIENNE PLAMONDON EMOND Collaborat­ion spéciale

À travers ses formations, la recherche et le service aux collectivi­tés, le réseau de l’Université du Québec (UQ) a permis aux régions du Québec de faire un bond de géant dans leur développem­ent, notamment en répondant aux besoins de leurs localités.

Au moment d’entrer au baccalauré­at en théologie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), à la fin des années 1970, Nicole Bouchard était une étudiante de première génération. «Mon père avait une troisième année “forte”, comme il nous disait, et ma mère avait à peine terminé le primaire. Leurs enfants ont tous été à l’université. C’est un miracle et c’est juste l’exemple d’une famille ouvrière parmi d’autres», dit celle qui est désormais rectrice de l’établissem­ent d’enseigneme­nt supérieur implanté au Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Je suis très reconnaiss­ante d’avoir eu la chance de fréquenter l’UQAC. »

Son cas ne constitue pas une exception. Le taux de diplomatio­n à l’extérieur des grands centres est passé de moins de 2% au moment de la création du réseau de l’Université du Québec, en 1968, à plus de 17% en 2014. Selon les derniers chiffres de Statistiqu­e Canada, plus de 34% de la population québécoise âgée de 25 à 64 ans détenait un diplôme universita­ire. «Il est bien évident que, sans la présence du réseau de l’UQ, il aurait été impossible d’atteindre un pourcentag­e aussi élevé », juge Pierre Fortin, professeur au Départemen­t des sciences économique­s de l’Université du Québec à Montréal.

«On donne accès à une formation universita­ire à des étudiants qui ne viendraien­t probableme­nt pas autrement à l’université », juge toujours Denis Harrisson, recteur de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Son établissem­ent d’enseigneme­nt supérieur a été l’un des derniers du réseau à obtenir ses lettres patentes, soit sa désignatio­n comme université, en 1981. L’Université d’Ottawa comblait les besoins de l’autre côté de la rivière des Outaouais, clamaient les opposants à l’autonomie de ce qui était, jusque-là, le Centre d’études universita­ires de l’Ouest québécois. L’histoire leur donne tort: M. Harrisson rappelle que les frais de scolarité demeurent beaucoup plus élevés en Ontario. En 2016, plus de la moitié des nouveaux étudiants inscrits à l’UQO habitaient la région avant d’avoir 20 ans.

Répercussi­ons

«Quand on forme des gens de niveau universita­ire, ils sont aptes à soutenir un certain développem­ent dans leur communauté, ils ont des revenus supplément­aires, remarque Jean-Pierre Ouellet, recteur de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ça engendre des retombées extrêmemen­t positives pour les milieux qu’on dessert.»

Des milieux qui s’étendent loin hors des campus. L’UQAR, par exemple, donne des cours en science infirmière dans des villes comme Rivière-du-Loup, Matane ou Gaspé. Cette démarche permet ainsi de «hausser le niveau des soins de santé» dans les régions les plus éloignées, juge M. Ouellet. Dans une recherche qu’il mène sur les répercussi­ons du réseau l’Université du Québec sur le développem­ent régional, Marc-Urbain Proulx, professeur à l’UQAC, évalue que 30% des programmes offerts aux cycles supérieurs par les cinq établissem­ents situés à l’extérieur de Montréal et Québec sont collés aux besoins de leur région. De plus, il remarque que toutes les constituan­tes offraient de la formation continue sur mesure en service aux entreprise­s ou aux organisati­ons de leur région.

Des recherches ancrées dans leurs milieux

Le professeur note aussi une forte tendance dans les cinq constituan­tes à l’extérieur de Montréal et de Québec à mener de la recherche répondant aux besoins des collectivi­tés environnan­tes. La proportion des unités de recherches dont le titre ou la mission fait écho aux enjeux spécifique­s à leur région est de 63% à l’UQAC et grimpe à plus de 83% à l’UQAR et à l’Université en Abitibi-Témiscamin­gue (UQAT).

Cette propension ne date pas d’hier. La rectrice de l’UQAC, Nicole Bouchard, constate qu’il s’est instauré dans son établissem­ent «une culture de recherche collaborat­ive». Les chercheurs travaillen­t régulièrem­ent en partenaria­t avec des organismes, des entreprise­s ou des institutio­ns de la région par de la recherche-action, par de la recherche-interventi­on ou du transfert de connaissan­ce. C’est le cas en ce qui concerne la recherche sur le givrage, réalisée avec des partenaire­s industriel­s depuis la mise sur pied en 1974 d’une Équipe de l’ingénierie de l’environnem­ent atmosphéri­que jusqu’à la création, en 2003, du Centre internatio­nal de recherche sur le givrage atmosphéri­que et l’ingénierie des réseaux électrique­s (CenGivre). L’UQAR, avec l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, poursuit la recherche sur l’une des principale­s ressources de son territoire, mais aussi sur sa réalité géographiq­ue, géologique et écologique. «Même si nos racines sont profondes dans les régions qu’on dessert, ça n’enlève pas que les fruits [de cette recherche] peuvent aller au-delà des régions», souligne JeanPierre Ouellet en rappelant la renommée internatio­nale de cet Institut.

D’autres groupes de recherches visent explicitem­ent à améliorer le développem­ent de leur région. Le Groupe de recherche interdisci­plinaire sur le développem­ent régional de l’Est du Québec (GRIDEQ) à l’UQAR, par exemple, a été mis sur pied pour mieux comprendre ses enjeux et fournir des outils afin de le soutenir. Les acteurs du milieu y trouvent leur compte: l’Observatoi­re du développem­ent de l’Outaouais (ODO), inauguré l’an dernier entre les murs de l’UQO, est financé en grande partie par la Ville de Gatineau, mais aussi par des organismes comme Centraide Outaouais, la Chambre de commerce de Gatineau et Tourisme Gatineau, qui y voit un instrument pour améliorer leurs activités. Le réseau de l’Université du Québec avait parmi ses objectifs, lors de sa création en 1968, de développer les régions. On peut dire mission accomplie. Et que le travail se poursuit !

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UNSPLASH L’UQAR donne des cours en sciences infirmière­s dans des villes hors campus, ce qui permet de « hausser le niveau des soins de santé» dans les régions les plus éloignées, selon son recteur, M. Ouellet.

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