Le Devoir

Un carrefour plus qu’une tour d’ivoire

- ANDRÉ LAVOIE Collaborat­ion spéciale

Longtemps à la traîne parmi les pays industrial­isés, le Québec était loin d’être un modèle en ce qui concerne son système d’éducation. Du primaire aux cycles supérieurs, un grand vent de changement a heureuseme­nt soufflé pendant les années 1960, et la naissance de l’Université du Québec (UQ) a participé à cette transforma­tion profonde.

Cinquante ans plus tard, l’une des motivation­s premières des fondateurs de l’UQ demeure le mot d’ordre des artisans d’aujourd’hui: l’accessibil­ité. Une ambition qui amène son lot de défis, dont celui de recruter les étudiants de première génération, ceux et celles pour qui la fréquentat­ion de l’université ne faisait pas partie des traditions familiales.

Établir des constituan­tes partout au Québec, favoriser la conciliati­on études-travail-famille, miser sur les nouvelles technologi­es, autant de moyens qui ont permis à des milliers de Québécois de briser le plafond de verre universita­ire. C’est d’ailleurs la préoccupat­ion numéro un de Magda Fusaro. Celle qui fut vice-rectrice aux Systèmes d’informatio­n de l’UQAM avant d’être nommée rectrice de l’établissem­ent en janvier dernier croit qu’il faut favoriser la diplomatio­n « dans les meilleures conditions possibles», refusant la tentation du «recrutemen­t intensif» sans l’accompagne­ment adéquat jusqu’à l’obtention du diplôme.

« Nous n’avons pas fait le plein d’étudiants québécois, déplore Magda Fusaro. En 2011, 51% des étudiants de l’UQAM étaient de première génération; en 2017, c’était autour de 46 %. » On peut faire mieux, surtout dans un contexte où «40% de la clientèle [de l’UQAM] est à temps partiel», ce qui constitue un défi pour la persévéran­ce scolaire. «Il faut absolument aider les étudiants avec des profils atypiques, ou avec des réalités socioécono­miques difficiles, particuliè­rement les étudiants-parents, qui me touchent beaucoup. Ce n’est pas pour rien que nous avons trois garderies à l’UQAM et qu’on s’apprête à en ouvrir une quatrième. »

Une distance rapprochée

Depuis 50 ans, le profil intellectu­el des étudiants a aussi beaucoup changé, et l’heure est véritablem­ent aux technopéda­gogies, même si, selon la rectrice, «la technologi­e, ce n’est jamais une fin en soi ». La salle de classe devient pourtant, peu à peu, un élément parmi d’autres dans la poursuite de l’apprentiss­age.

Longtemps la seule et unique référence en matière d’enseigneme­nt à distance, la TELUQ a vu, elle aussi, le paysage technologi­que se transforme­r à grande vitesse depuis sa fondation en 1972. Pour Caroline Brassard, directrice de l’enseigneme­nt et de la recherche depuis 2016, mais active à la TELUQ comme professeur­e en éducation dès 2009, sa grande priorité est la même que celle de Magda Fusaro, soit l’accessibil­ité. C’est bien sûr dans l’ADN de la TELUQ, «destinée à couvrir un territoire encore plus vaste que ceux des autres constituan­tes de l’UQ», établissem­ent qui a dû évoluer au même rythme que les technologi­es, «de la cassette audio à la télévision en passant par le microordin­ateur personnel des années 1990», rappelle avec humour Caroline Brassard.

Si l’époque 2.0 amène avec elle sa nouvelle quincaille­rie et ses nouveaux défis, tout comme à l’UQAM, certains enjeux persistent au fil des décennies, dont celui du rapport des Québécois quant aux études universita­ires. Si plusieurs étudiants choisissen­t quelques cours pour se perfection­ner tandis que d’autres, déjà inscrits à un autre établissem­ent, veulent accélérer la cadence pour l’obtention plus rapide de leur diplôme, la majorité ne s’investit pas totalement dans une formation à distance. À l’heure actuelle, «80% de nos étudiants sont à temps partiel et 60% sont de première génération», constate Caroline Brassard.

Dans ce contexte, l’accompagne­ment et l’encadremen­t demeurent cruciaux pour la réussite scolaire. Alors que s’ouvrent des chantiers de réflexion pour la TELUQ sur des thèmes comme la « ludificati­on », soit l’analyse des mécanismes ludiques des jeux vidéo «que l’on pourrait intégrer à nos cours pour augmenter la motivation des étudiants», la fondation probable d’un «eCampus» sourit à Caroline Brassard. «Regrouper l’ensemble des formations à distance des université­s québécoise­s, ça nous intéresse depuis des années, et le Québec n’a pas une longueur d’avance dans ce domaine, affirme-telle. Je sens beaucoup d’enthousias­me chez tous les partenaire­s de ce projet.» Et sûrement aussi un peu de fébrilité devant l’issue des prochaines élections québécoise­s…

« Il faut absolument aider les étudiants avec des profils atypiques, ou avec des réalités socioécono­miques difficiles, particuliè­rement les étudiantsp­arents, qui me touchent beaucoup »

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR L’UQAM a trois garderies et s’apprête à en ouvrir une quatrième pour donner accès à l’enseigneme­nt supérieur à une population variée.

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