Un carrefour plus qu’une tour d’ivoire
Longtemps à la traîne parmi les pays industrialisés, le Québec était loin d’être un modèle en ce qui concerne son système d’éducation. Du primaire aux cycles supérieurs, un grand vent de changement a heureusement soufflé pendant les années 1960, et la naissance de l’Université du Québec (UQ) a participé à cette transformation profonde.
Cinquante ans plus tard, l’une des motivations premières des fondateurs de l’UQ demeure le mot d’ordre des artisans d’aujourd’hui: l’accessibilité. Une ambition qui amène son lot de défis, dont celui de recruter les étudiants de première génération, ceux et celles pour qui la fréquentation de l’université ne faisait pas partie des traditions familiales.
Établir des constituantes partout au Québec, favoriser la conciliation études-travail-famille, miser sur les nouvelles technologies, autant de moyens qui ont permis à des milliers de Québécois de briser le plafond de verre universitaire. C’est d’ailleurs la préoccupation numéro un de Magda Fusaro. Celle qui fut vice-rectrice aux Systèmes d’information de l’UQAM avant d’être nommée rectrice de l’établissement en janvier dernier croit qu’il faut favoriser la diplomation « dans les meilleures conditions possibles», refusant la tentation du «recrutement intensif» sans l’accompagnement adéquat jusqu’à l’obtention du diplôme.
« Nous n’avons pas fait le plein d’étudiants québécois, déplore Magda Fusaro. En 2011, 51% des étudiants de l’UQAM étaient de première génération; en 2017, c’était autour de 46 %. » On peut faire mieux, surtout dans un contexte où «40% de la clientèle [de l’UQAM] est à temps partiel», ce qui constitue un défi pour la persévérance scolaire. «Il faut absolument aider les étudiants avec des profils atypiques, ou avec des réalités socioéconomiques difficiles, particulièrement les étudiants-parents, qui me touchent beaucoup. Ce n’est pas pour rien que nous avons trois garderies à l’UQAM et qu’on s’apprête à en ouvrir une quatrième. »
Une distance rapprochée
Depuis 50 ans, le profil intellectuel des étudiants a aussi beaucoup changé, et l’heure est véritablement aux technopédagogies, même si, selon la rectrice, «la technologie, ce n’est jamais une fin en soi ». La salle de classe devient pourtant, peu à peu, un élément parmi d’autres dans la poursuite de l’apprentissage.
Longtemps la seule et unique référence en matière d’enseignement à distance, la TELUQ a vu, elle aussi, le paysage technologique se transformer à grande vitesse depuis sa fondation en 1972. Pour Caroline Brassard, directrice de l’enseignement et de la recherche depuis 2016, mais active à la TELUQ comme professeure en éducation dès 2009, sa grande priorité est la même que celle de Magda Fusaro, soit l’accessibilité. C’est bien sûr dans l’ADN de la TELUQ, «destinée à couvrir un territoire encore plus vaste que ceux des autres constituantes de l’UQ», établissement qui a dû évoluer au même rythme que les technologies, «de la cassette audio à la télévision en passant par le microordinateur personnel des années 1990», rappelle avec humour Caroline Brassard.
Si l’époque 2.0 amène avec elle sa nouvelle quincaillerie et ses nouveaux défis, tout comme à l’UQAM, certains enjeux persistent au fil des décennies, dont celui du rapport des Québécois quant aux études universitaires. Si plusieurs étudiants choisissent quelques cours pour se perfectionner tandis que d’autres, déjà inscrits à un autre établissement, veulent accélérer la cadence pour l’obtention plus rapide de leur diplôme, la majorité ne s’investit pas totalement dans une formation à distance. À l’heure actuelle, «80% de nos étudiants sont à temps partiel et 60% sont de première génération», constate Caroline Brassard.
Dans ce contexte, l’accompagnement et l’encadrement demeurent cruciaux pour la réussite scolaire. Alors que s’ouvrent des chantiers de réflexion pour la TELUQ sur des thèmes comme la « ludification », soit l’analyse des mécanismes ludiques des jeux vidéo «que l’on pourrait intégrer à nos cours pour augmenter la motivation des étudiants», la fondation probable d’un «eCampus» sourit à Caroline Brassard. «Regrouper l’ensemble des formations à distance des universités québécoises, ça nous intéresse depuis des années, et le Québec n’a pas une longueur d’avance dans ce domaine, affirme-telle. Je sens beaucoup d’enthousiasme chez tous les partenaires de ce projet.» Et sûrement aussi un peu de fébrilité devant l’issue des prochaines élections québécoises…
« Il faut absolument aider les étudiants avec des profils atypiques, ou avec des réalités socioéconomiques difficiles, particulièrement les étudiantsparents, qui me touchent beaucoup »