Le Devoir

Élever l’éducation au rang de priorité nationale

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

«Avec le retour des surplus budgétaire­s et l’approche des élections, le gouverneme­nt annonce des ré investisse­ments dans l’éducation, mais ils ne suffiront pas pour rattraper le retard accumulé pendant quatre années de compressio­ns», lance Sonia Éthier, présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Dans son budget de mars 2018, le gouverneme­nt s’est engagé à ce que la croissance des dépenses en éducation atteigne 3,5% par année. Pour la seule année 2018-2019, la croissance des dépenses de programmes dans ce secteur sera de 5%. Elle avait atteint 5,4 % en 2017-2018, après des années de vaches maigres.

Pendant une période d’austérité de quatre ans, le gouverneme­nt libéral a effectué des compressio­ns de près d’un milliard de dollars dans les réseaux d’éducation préscolair­e, primaire et secondaire, de près de 430 millions de dollars aux niveaux collégial et universita­ire et de 350 millions de dollars dans les services à la petite enfance, peut-on lire dans le mémoire prébudgéta­ire de la CSQ, remis au ministre des Finances du Québec en février 2017.

«Ces coupe sont compromis l’égalité des chances pour les jeunes au Québec, en se traduisant par un manque de ressources, du préscolair­e jusqu’à la formation profession­nelle et l’éducation des adultes», poursuit la présidente. Elle rappelle que bien des écoles manquent de psychologu­es, d’orthophoni­stes et d’autres profession­nels pour aider les enfants en difficulté, de sorte qu’un certain nombre d’entre eux se retrouvent sur des listes d’attente. Selon la CSQ, il est bien que le gouverneme­nt soutienne qu’il faut agir tôt auprès des enfants et miser sur la prévention, mais il devient difficile d’y arriver lorsque l’on manque de moyens pour les évaluer et intervenir auprès d’eux.

Décentrali­sation budgétaire

Plusieurs décisions financière­s du gouverneme­nt ont compliqué la tâche des écoles au cours des dernières années. Bien sûr, les compressio­ns ont fait mal. La dynamique investisse­ments-compressio­ns-réinvestis­sements cause beaucoup d’incertitud­e à court terme. Les dirigeants des commission­s scolaires et des écoles ne savent pas ce que leur réserveron­t les budgets d’année en année. «Le secteur de l’éducation a besoin de stabilité financière à long terme», affirme Sonia Éthier.

Cependant, d’autres décisions peuvent aussi peser, comme la décentrali­sation budgétaire. Traditionn­ellement, les commission­s scolaires reçoivent des enveloppes budgétaire­s réservées à des objectifs et à des ser vices précis. Elles ont l’obligation de répartir ces sommes entre les écoles de manière à favoriser l’égalité des chances. C’est donc dire qu’elles peuvent octroyer plus d’argent pour un service ou un objectif précis à une école qui en éprouve le besoin. Lorsque l’on décentrali­se les budgets et que l’on envoie l’argent directemen­t dans les écoles, ces dernières doivent se contenter des sommes qui leur sont remises, peu importe leurs besoins. Un enjeu majeur pour la CSQ. Elle craint que certaines écoles dans des milieux défavorisé­s ne perdent au change.

Bonbons politiques

La campagne se veut bien sûr une belle occasion de discuter d’éducation, mais elle permet surtout aux partis de courtiser l’électorat en rivalisant de promesses dont on ne sait pas toujours si l’espérance de vie dépassera le jour du vote.

Cette année ne semble pas faire exception. Encore dernièreme­nt, la Coalition avenir Québec s’engageait à rétablir un tarif unique de 8,05$ par jour dans les garderies. Une promesse identique à celle prise par le Parti québécois en janvier dernier. Celui-ci souhaite en plus réduire de moitié ce tarif pour le deuxième enfant et l’abolir à partir du troisième, voire le rendre gratuit pour certains ménages.

Des promesses intéressan­tes pour les familles, mais dont Sonia Éthier se méfie un peu, les qualifiant de «bonbons politiques». Ce qu’il faut, selon elle, c’est un réinvestis­sement massif à tous les niveaux de l’éducation, sur plusieurs années, afin de donner aux écoles les moyens de remplir leur mission. Elle souhaite aussi que les profession­nels de l’éducation soient réellement consultés et que l’on tienne compte de leur expertise dans les politiques d’éducation.

La Centrale rassemble 11 fédération­s regroupant 240 syndicats affiliés. Elle fera parvenir à ses quelque 200 000 membres (dont 130 000 environ font partie du personnel de l’education en 2015) une analyse du bilan des libéraux en éducation, de même que des engagement­s en éducation et dans les autres services publics présents dans les plateforme­s des partis politiques.

«Le prochain gouverneme­nt devra redorer le blason de l’éducation publique au Québec et en faire une priorité non seulement pendant la campagne, mais aussi après son arrivée au pouvoir», soutient Sonia Éthier.

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UNSPLASH Dans son budget 2018, le gouverneme­nt s’est engagé à ce que la croissance des dépenses en éducation atteigne 3,5 % par année.

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