Le Devoir

L’élève maître de ses apprentiss­ages n’est plus réservé à l’école alternativ­e

- MARTINE LETARTE Collaborat­ion spéciale

Les projets où l’élève prend en main son cheminemen­t scolaire pour réussir commencent à faire leur apparition à l’extérieur du réseau des écoles alternativ­es. L’objectif: mieux répondre aux besoins de différents types d’élèves. Voire de tous les élèves.

Cet automne, les parents qui souhaitent inscrire leur enfant en première secondaire au pensionnat du Saint-Nom-de-Marie (PSNM), dans Outremont, peuvent poser leur candidatur­e pour la formule FLEX. Cette initiative offrira le même projet éducatif et les mêmes enrichisse­ments que l’enseigneme­nt ordinaire, mais dans un cadre plus souple où l’élève sera maître de son horaire et de son rythme d’apprentiss­age.

Cet établissem­ent d’enseigneme­nt secondaire privé pour filles vise principale­ment avec ce programme les élèves artistes ou sportives de haut niveau souvent absentes de l’école. Tout comme les élèves douées qui voudraient avancer plus rapidement pour réaliser des projets ou des stages avec des partenaire­s, comme des université­s ou des entreprise­s. Ou encore, les élèves en difficulté qui souhaitera­ient intégrer des périodes d’orthopédag­ogie à leur horaire, ou simplement ralentir le rythme.

« Des enseignant­s ont montré une grande motivation à développer cette formule plus flexible, alors nous avons travaillé ensemble pour élaborer ce projet», explique Jessika Valence, directrice des services pédagogiqu­es au PSNM.

Nouvelles façons d’enseigner, nouveaux locaux

La nouvelle formule entraîne toute une révolution chez les enseignant­s qui ne sont pas syndiqués au PSNM. Ils sont quatre à se lancer dans l’aventure, épaulés par quelques collègues qui viendront donner différents ateliers. Ils seront à la fois des experts disciplina­ires, et pourront enseigner quelques matières, en plus de devenir des tuteurs pour superviser les élèves dans leur planificat­ion de la semaine.

«Il n’y aura pas de formule toute faite, affirme Jessika Valence. Certains élèves auront besoin d’assister à plusieurs ateliers, d’autres voudront davantage apprendre en réalisant des projets. L’important, ce sera que l’élève démontre qu’il a acquis des compétence­s. »

La formule FLEX a aussi nécessité l’aménagemen­t de nouveaux locaux. Le groupe du projet pilote s’installera dans un espace modulable avec tables hautes, bean bags et chaises berçantes, où on peut écrire sur les murs et sur les tables. Les élèves auront aussi accès à un nouveau laboratoir­e de fabricatio­n numérique équipé notamment d’imprimante­s 3D.

Au collège Saint-Bernard (CSB), à Drummondvi­lle, le virage de l’enseigneme­nt personnali­sé a été pris il y a 10 ans avec les élèves en difficulté, à la demande des parents. Pour rebâtir l’estime de soi de ces jeunes, une petite équipe d’enseignant­s partage l’ensemble de la matière et suit les élèves tout au long de leur secondaire en s’adaptant à leur rythme.

«Si un élève a eu de la difficulté en fin d’année avec certaines notions, ou s’il a dû s’absenter, on ne le fera pas reprendre son année, mais l’enseignant reverra cette matière avec lui au début de l’année suivante », explique Dominique Guévin, directeur général du CSB.

Un programme prometteur

Lancé avec à peine 10 élèves, le programme en accueille maintenant 75 et a une liste d’attente.

Avec une légère adaptation, cette formule a commencé à être implantée l’an dernier au premier cycle du secondaire dans les programmes de sports/arts-études.

«Les enseignant­s se rencontren­t pour faire leur plan de match de la semaine, puis les élèves créent leur horaire et le font approuver par leur tuteur », détaille Dominique Guévin.

Si l’élève n’arrive pas à remplir ses engagement­s au bout de la semaine, il devra utiliser sa période d’activité du vendredi pour terminer son travail.

« Lorsqu’on impose une cadence, l’élève se pose en victime, mais lorsqu’il décide de son horaire, on lui apprend à assumer ses choix, explique M. Guévin. Au début, plusieurs élèves se font retirer leurs activités, mais ils s’arrangent pour que ça n’arrive plus. Certains n’ont même jamais de devoirs parce qu’ils font tout le travail en classe. »

Pour offrir un environnem­ent adapté à cette formule d’enseigneme­nt, le CSB a réaménagé une aile de l’école : les pupitres ont été éliminés, les fenêtres servent de tableaux, les enseignant­s sont en mouvement autour des tables de travail collaborat­if et autour des stations debout.

De grands changement­s se sont produits aussi dans le travail des enseignant­s, qui sont syndiqués au CSB. « Il a fallu rouvrir les convention­s collective­s, explique M. Guévin. Leurs périodes réservées à l’encadremen­t se passent maintenant en classe. Les enseignant­s travaillen­t en collaborat­ion. Ils ont plus de matière à s’approprier, mais ils ont beaucoup moins d’élèves, alors ils apprennent à mieux les connaître et ils tissent des liens plus riches. Les études prouvent que la qualité de la relation humaine joue un rôle important dans la réussite des élèves. »

En mai, le CSB gagnait pour cette initiative le prix Innovation projet éducatif – secondaire de la Fédération des établissem­ents d’enseigneme­nt privés (FEEP).

Cette année, le CSB a étendu son système à la moitié des élèves du secondaire. Un projet pilote a même été lancé au primaire et à la maternelle.

«Les enseignant­s sont motivés parce qu’ils voient des gains, explique Dominique Guévin. D’ailleurs, les premiers enseignant­s à se joindre au projet auraient pu retourner au système ordinaire l’année suivante, mais aucun ne l’a fait. »

L’an prochain, toute l’école sera convertie. Le CSB a d’ailleurs procédé à la transforma­tion de sa deuxième aile, qui sera prête dans les prochaines semaines.

Au PSNM, un projet d’agrandisse­ment pour donner plus d’ampleur à la formule FLEX pourrait aussi être réalisé dans les prochaines années.

« En théorie, la nouvelle formule pourrait s’adresser à tous, affirme Jessika Valence. Ce que nous souhaitons, c’est donner le cadre idéal à nos élèves pour qu’ils deviennent des adultes responsabl­es, dotés d’un jugement critique et d’une grande créativité, capables de collaborer avec des gens et avec des outils. Mais jusqu’où ira-t-on avec cette formule ? Je ne peux pas m’avancer. Nous commençons par travailler au succès du projet pilote. »

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COLLÈGE SAINT-BERNARD Si l’élève n’arrive pas à remplir ses engagement­s au bout de la semaine, il devra utiliser sa période d’activité du vendredi pour terminer son travail.

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