À la défense de l’école publique
Au Québec, un peu plus d’un élève du secondaire sur cinq fréquente une école privée. Or, le financement de ces établissements provient en majeure partie (plus de 70%) de l’État. En guise de comparaison, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick ne financent pas leur réseau privé. Cela fragilise le réseau scolaire public québécois, selon Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). La FAE, qui représente près de 34 000 enseignantes et enseignants avec ses huit syndicats affiliés, compte bien en faire un enjeu électoral important.
«Les écoles privées sélectionnent leurs élèves à l’entrée, contrairement aux écoles publiques, rappelle Sylvain Mallette. Elles n’assument pas la même mission que les écoles publiques, mais siphonnent une part significative du financement de l’État, privant le réseau public de ressources importantes.»
Pour l’instant, seul Québec solidaire s’est engagé à éliminer graduellement le financement public du réseau privé. Le Parti québécois propose de lier une partie du financement à l’accueil d’élèves en difficulté, alors que libéraux et caquistes favorisent le statu quo.
Qui dit quoi sur l’éducation ?
La FAE met en ligne pour la durée de la campagne électorale un outil pour comparer les positions des partis en éducation, destiné à l’ensemble des Québécois. « L’idée n’est pas de dire aux gens pour quelle formation politique voter, mais simplement de rappeler les enjeux en éducation et les positions des partis à leur égard», précise le président. Il ajoute que la fédération ne donnera pas non plus de consigne de vote à ses membres.
La FAE compilera les engagements inscrits sur les plateformes électorales ou annoncés publiquement par les partis. Elle notera aussi le mutisme de certaines formations sur des enjeux liés à l’éducation, puisqu’en politique, le silence parle parfois plus fort que les mots.
Le Parti libéral du Québec se trouve bien sûr dans une situation différente de ses rivaux. Au pouvoir presque sans interruption depuis 2003, il a un long bilan à défendre. La FAE ne se privera pas de rappeler les coupes budgétaires en éducation des années d’austérité ni de dénoncer les lacunes qu’elle perçoit dans la Politique sur la réussite éducative dévoilée en juin 2017 ou le manque de valorisation de l’éducation et du rôle des enseignants.
Améliorer les conditions
«Nous souhaitons une meilleure reconnaissance de l’expertise des enseignantes et enseignants et une amélioration de leurs conditions d’emploi, notamment sur le plan salarial et au niveau des ressources mises à leur disposition», explique Sylvain Mallette.
Il soutient que le gouvernement a manqué à sa promesse de reconnaître l’expertise du corps enseignant et déplore l’absence de mesures concrètes à ce sujet dans la Politique de la réussite éducative. Selon lui, l’approche actuelle infantilise les enseignants en leur prescrivant comment faire leur métier, souvent sans égard au milieu et à la composition des classes dans lesquels ils doivent travailler. Il souhaite moins d’interventions directes du ministère, des commissions scolaires, des directions d’écoles et des conseillers pédagogiques. «Cela ne signifie pas de laisser les enseignantes et enseignants faire tout ce qu’ils veulent à leur gré, précise-t-il. Il y a un programme de formation et des outils; au-delà de cela, laissons une marge de manoeuvre au corps enseignant. »
Au Québec, environ un enseignant au primaire et au secondaire sur cinq quitte l’enseignement dans les cinq premières années de sa carrière. Les conditions d’emploi seraient largement en cause, selon la FAE. Les directions d’école et les commissions scolaires composeraient aussi régulièrement des classes compliquées, dans lesquelles beaucoup d’élèves éprouvent des difficultés de diverses natures, sans fournir de ressources suffisantes aux enseignants.
Sylvain Mallette déplore aussi que les enseignants québécois soient les moins bien payés au Canada. Selon Statistique Canada, au Québec, en 2014-2015, le salaire d’entrée était de 42 407 $, contre 49 774$ au Nouveau-Brunswick et 51 263$ en Ontario. Après dix ans, l’enseignant québécois touchait 61 684$, contre respectivement 74 053$ et 94 612$ pour ses collègues néo-brunswickois et ontariens. Il faut 15 ans au Québec pour atteindre le plus haut échelon salarial, contre 11 au Nouveau-Brunswick et 10 en Ontario.
La FAE réussira-t-elle son pari de propulser l’éducation sous les feux de la rampe de la campagne électorale? «Cinquante ans après l’adoption du Rapport Parent, il faut encore expliquer l’importance de l’école publique au Québec, avance Sylvain Mallette. Ce sujet doit être à l’ordre du jour des Québécois et les partis doivent se prononcer clairement sur lui pendant la campagne. »