Les CHSLD toujours en manque de personnel
Pénurie de personnel, vacances d’été et absences pour maladie mettent une lourde pression sur le système de santé un peu partout au Québec.
Le CHSLD Sainte-Dorothée a de nouveau été à court de personnel en fin de semaine, à un tel point que des résidents se sont retrouvés sans surveillance la nuit et que des bains ont été reportés, selon le syndicat, des allégations mises en doute par la direction.
Pendant ce temps à Québec, des préposés aux bénéficiaires d’un centre d’hébergement auraient été enfermés à la fin d’un quart de travail pour forcer l’un d’entre eux à rester, selon la CSN, ce que la direction dément catégoriquement.
Médicaments distribués en retard, repas retardés, couches non changées sont d’autres exemples de situations rapportées par les travailleurs.
Bains reportés à Laval
Jean-François Houle, du Syndicat des travailleurs et des travailleuses du CISSS de Laval-CSN, a compté 15 préposés manquants samedi dernier au CHSLD Sainte-Dorothée, dont 9 de soir. À un des étages, des résidents ont été laissés sans préposé une partie de la nuit, selon M. Houle, alors que l’infirmière auxiliaire devait couvrir deux étages et qu’il y avait une infirmière pour tout l’établissement.
À 9 h 20 samedi matin, quand il s’y est rendu, des résidents n’avaient pas encore reçu leur déjeuner. Selon un employé, certains ne se sont pas levés avant 11h.
Dans un communiqué interne envoyé le 24 août, les gestionnaires du CHSLD indiquent les mesures à prendre lorsque le personnel manque. Parmi celles-ci figurent la recommandation d’« annuler le deuxième bain» et celle d’ «évaluer la possibilité de ne pas donner le bain hebdomadaire». Le nom du résident doit être noté pour remettre son bain « à une journée de la semaine suivante ».
Un employé a confirmé au Devoir qu’aucun bain n’avait été donné dans certaines unités faute de personnel dans les derniers jours, et que quelqu’un avait été trouvé pour les donner lundi.
Selon le CISSS de Laval, un «erratum » a été envoyé concernant ces directives. « Le bain hebdomadaire doit toujours être offert et donné aux résidents selon l’horaire prévu et les résidents
Médicaments distribués en retard, repas retardés, couches non changées sont des exemples de situations rapportées par les travailleurs dans des centres hospitaliers de soins de longue durée
qui demandent un deuxième bain doivent le recevoir dans les meilleurs délais», indique Pierre-Yves Séguin, du service des communications. « Malgré le manque de disponibilité du personnel, le professionnalisme et la collaboration des employés permettent d’offrir aux résidents les soins et les services dont ils ont besoin », ajoute-t-il.
Selon un employé du CHSLD SainteDorothée qui a demandé l’anonymat, il devient parfois impossible lors de certains quarts de travail de changer les couches souillées avant la nuit.
Début juin, employés et familles avaient dénoncé dans les médias le manque de personnel. Le Protecteur du citoyen a ensuite fait enquête, mais a conclu qu’il n’y avait pas de lacune.
Après la publication du rapport, Gaétan Barrette avait déclaré à TVA que la médiatisation de ce CHSLD relevait de « tactiques syndicales » et que les « éléments » rapportés étaient « tout à fait faux ».
« Intimidation » à Québec
À Québec, le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale (CSN) affirme avoir comptabilisé des « centaines » de cas d’abus de pouvoir et d’intimidation, une situation qui l’a amené à déposer la semaine dernière un grief « général ». Les premiers cas datent de juin 2017.
C’est à la résidence Saint-Brigid’s Home que le cas le plus préoccupant serait survenu, le 22 mai dernier. « Il y avait 5 préposés aux bénéficiaires qui terminaient leur quart de travail à 15 h et les gens de soir rentraient à la même heure. Il y avait une personne manquante de soir. Les gestionnaires ont barré les portes», a raconté le président du syndicat, Richard Boissinot. « Ils ont pris au piège cinq préposés aux bénéficiaires. Ils leur ont dit “Choisissez lequel d’entre vous va rester ce soir, sinon personne ne sort.” Ça a duré 1520 minutes et il y a finalement une personne qui a décidé de rester. »
En entrevue lundi, la direction du CIUSSS de la Capitale-Nationale a nié en bloc. « Il n’y a pas eu de porte barrée, il n’y a pas eu de gens séquestrés », a déclaré Céline Allard, directrice du Programme soutien à l’autonomie des personnes âgées.
Au Jeffrey-Hale, un cadre aurait menacé des employés d’avoir recours à la police pour forcer l’un d’entre eux à demeurer à la fin de son quart de travail.
«Actuellement, il y a tellement un bel esprit d’entraide et de collaboration en CHSLD », affirme pourtant Céline Allard. « Il y a une pénurie de personnel et y a des gestionnaires d’autres établissements qui viennent travailler le soir et la fin de semaine. »
Les syndicats de la santé sont, pour la plupart, au coeur de négociations locales qui achoppent et qui s’accompagnent de différents moyens de pression un peu partout au Québec.
Richard Boissinot affirme que, dans la capitale nationale aussi, des bains sont reportés.
Québec et Laval sont des exemples de ce qui se passe un peu partout, selon la présidente de la Fédération de la santé de la CSQ, qui parle d’un été « infernal». Elle a eu connaissance de quarts de travail pendant lesquels une seule infirmière auxiliaire devait couvrir deux étages, ou d’infirmières seules avec 95 patients. « Tu n’as clairement pas le temps de passer tous les médicaments et de donner les soins », estime-t-elle.
Les chefs réagissent
Questionné sur les allégations concernant le CIUSSS de Québec, le premier ministre sortant, Philippe Couillard, a rétorqué que des budgets en santé allaient être consacrés au personnel du réseau si son parti était réélu. « Quant à cette situation spécifique [...] il doit y avoir des vérifications qui vont se poursuivre avec le ministère de la Santé et les établissements. »
Sur le même sujet, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, s’était quant à lui montré sarcastique. « Je ne sais pas si c’est encore Gaétan Barrette le ministre de la Santé, mais il nous avait dit que ça n’existait plus ces problèmes-là, de forcer des employés à faire du temps supplémentaire. » Avec la collaboration de Marco Bélair-Cirino, Guillaume Bourgault-Côté et Marie-Michèle Sioui