Le Devoir

Les étudiants internatio­naux à la rescousse des cégeps

- MARCO FORTIER

Confrontés au vieillisse­ment de la population, qui provoque une baisse de fréquentat­ion, les cégeps se tournent vers les étudiants étrangers pour assurer leur survie. Les 48 collèges publics du Québec prévoient d’accueillir un nombre record de 4431 étudiants internatio­naux cet automne. Et la grande séduction ne fait que commencer.

La baisse du nombre d’étudiants collégiaux, prévue par les démographe­s depuis au moins quatre ans, est devenue réalité. Le nombre d’inscriptio­ns dans les cégeps est en baisse de 1,4 % par rapport à l’an dernier. Les données préliminai­res compilées par la Fédération des cégeps indiquent que 172 814 étudiants se sont inscrits au collégial.

Le choc démographi­que fait tellement mal aux cégeps, surtout en région, qu’ils doivent aller chercher des étudiants dans plus d’une centaine de pays pour assurer leur pérennité. « Sans nos étudiants internatio­naux, il y aurait vraiment un problème de vitalité », dit Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps.

Dans l’est du Québec, les étudiants étrangers peuvent faire la différence entre avoir certains programmes d’études et ne pas en avoir, estime-t-il. Par exemple, plus d’un étudiant sur cinq (21 %) du Cégep de Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean, a été recruté dans un autre pays ; 203 des 951 étudiants viennent de l’étranger.

« On savait depuis 1998 qu’on ne serait pas en mesure de soutenir le renouvelle­ment de la main-d’oeuvre dans la région, à cause du vieillisse­ment de la population. On s’est dit : “Go! On s’ouvre à l’internatio­nal !” », explique Gilles Lapointe, directeur du Cégep de Saint-Félicien.

Grande séduction

Les quatre cégeps du Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) se sont alliés pour mener une grande séduction auprès des étudiants étrangers. Les efforts portent leurs fruits: grâce aux étudiants internatio­naux, le Cégep de Saint-Félicien peut relancer cet automne un programme technique qui était abandonné depuis neuf ans, faute d’inscriptio­ns.

L’arrivée de sept étudiants français a permis de relancer la technique de transforma­tion de produits forestiers, explique Gilles Lapointe. En ajoutant les quatre jeunes de la région qui étaient intéressés par le programme, le nombre d’inscriptio­ns était suffisant pour justifier la mise en place d’une cohorte.

Avec l’entreprise Produits forestiers Résolu, qui peine à recruter des employés qualifiés, des représenta­nts du cégep sont allés visiter des lycées français dans l’espoir de convaincre des élèves de traverser l’Atlantique. Les très bonnes chances d’obtenir un emploi — et la qualité de la formation — sont des arguments de poids à l’internatio­nal, fait valoir Gilles Lapointe.

D’autres programmes, comme la technique en tourisme, survivent grâce

On savait depuis 1998 qu’on ne serait pas en mesure de soutenir le renouvelle­ment de la maind’oeuvre dans la région, à cause du vieillisse­ment de la population GILLES LAPOINTE

aux étudiants étrangers (qui représente­nt 53 des 76 inscriptio­ns cette année). Le Cégep de Saint-Félicien a même ouvert une filiale à Chibougama­u grâce aux étudiants français : leur amour des grands espaces a permis de créer un programme d’étude des milieux naturels, option faune nordique.

Les cégeps de Matane, de Baie-Comeau ou de Sept-Îles, par exemple, ont tous misé avec succès sur les étudiants internatio­naux pour s’adapter à la baisse démographi­que.

Droits de scolarité

« On aide à repeupler les régions et à trouver une solution à la rareté de la main-d’oeuvre. C’est un apport économique très précieux », dit Bernard Tremblay, de la Fédération des cégeps.

Il estime que les établissem­ents d’enseigneme­nt, les entreprise­s et les gouverneme­nts doivent redoubler d’efforts pour attirer des étudiants internatio­naux. Les cégeps demandent aux partis en campagne électorale de s’engager à signer d’autres ententes, comme celle avec la France, pour annuler les frais d’inscriptio­n pouvant atteindre 18 000 $ imposés aux étudiants étrangers.

Les étudiants belges qui viennent à l’université au Québec ont désormais les mêmes avantages financiers que les Français, mais ils continuent de payer une fortune pour étudier dans les cégeps, déplore Bernard Tremblay. Il faut aussi élargir les avantages financiers consentis aux étudiants africains, qui sont nombreux à être attirés par des études en français au Québec, font valoir les cégeps.

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