Le Devoir

La Maison des aînés, l’utopie caquiste

- Carol Patch-Neveu

J’admire Marguerite Blais. Quand elle parle du sort des aînés en perte d’autonomie, de leur solitude, de la maltraitan­ce, du maintien à domicile, de la dévalorisa­tion du rôle des préposés aux résidents et des responsabi­lités des aidants, elle s’exprime avec coeur en toute connaissan­ce de cause.

Elle explique fièrement en entrevue le concept des futures Maisons des aînés. Oui, la population est vieillissa­nte, il faut prévoir intelligem­ment, et, selon la CAQ, que soient remplacés les CHSLD, effacer ce «mot» ou plutôt ce sigle à connotatio­n péjorative, en s’inspirant de ce qui se fait déjà de mieux ailleurs.

Les Maisons des aînés, est-ce une offre de l’État à confier surtout au privé ? Un beau mirage pour baby-boomers que les réseaux de résidences privées courtisent déjà à fond. Est-ce le début de la fin du réseau d’établissem­ents publics ?

Avant la réalisatio­n de la vision futuriste de la CAQ, dont le slogan est MAINTENANT, existent les besoins criants de nos parents que nous accompagno­ns au cours d’un processus d’évaluation aussi ardu que démoralisa­nt, que nous visitons dans des établissem­ents plus ou moins bien adaptés à leur état ou des unités prothétiqu­es non idéales, découlant d’un choix qui n’en est pas vraiment un, il s’agit plutôt d’une déstabilis­ante option par défaut. Devons-nous, nous leurs enfants, comprendre qu’ils sont une génération sacrifiée condamnée somme toute à la désuétude des CHSLD ?

Des questions sans réponse

Puisqu’il y a une vie avant le CHSLD, comment un hypothétiq­ue gouverneme­nt de la CAQ ferait-il pour corriger les lacunes du soutien au maintien à domicile MAINTENANT ? Pour améliorer le suivi en première ligne par une équipe multidisci­plinaire non pas seulement au sein d’un GMF ou CLSC mais aussi à domicile ? Pour que soit reconnue l’importance capitale de centres de jour voués à la stimulatio­n et à la socialisat­ion des aînés, afin d’assurer leur multiplica­tion ou leur rétablisse­ment s’ils ont été abolis pour cause d’austérité ? Pour que ces centres oeuvrent en lien avec de vraies cliniques de mémoire partout au Québec ?

Quelles solutions miracles envisage la CAQ afin de diminuer le délai d’attente des aînés « parqués » provisoire­ment, mais en fait trop longtemps, dans des unités d’hébergemen­t en centre hospitalie­r, en proie à une détresse psychologi­que parce qu’ils n’ont pas droit à un vrai milieu de vie malgré le statut de CHSLD conféré à ce lieu de transition ? Les aidants peuvent-ils espérer être moins accablés quand vient le temps de la relocalisa­tion d’un proche soit en ressource intermédia­ire soit dans un CHSLD, pourquoi avoir à subir un délai expéditif afin de procéder? Une loi serait-elle promulguée pour encadrer le recours aux antipsycho­tiques dans les établissem­ents de soins de longue durée ? Et songeraito­n, comme en France, à déclarer peu efficaces et à dérembours­er les médicament­s anti-Alzheimer (Aricept, Reminyl, Exelon, Ebixa) ?

Si les Maisons des aînés constituen­t la solution d’avenir, quelle serait la mission des ressources intermédia­ires MAINTENANT? Quelles améliorati­ons la CAQ apporterai­t-elle illico au réseau actuel ? Resserrer et uniformise­r les normes quant à l’embauche du personnel soignant? Imposer la présence obligatoir­e d’une infirmière 24 heures sur 24 ? Exiger des aires communes vraiment conviviale­s, des repas variés de qualité et des programmes d’activités sous la seule responsabi­lité d’éducateurs spécialisé­s ou technicien­s en loisirs ?

Des Maisons des aînés nec plus ultra, ça fait rêver, mais une triste réalité nous rattrape, nous, les baby-boomers, en partageant le cauchemar imposé MAINTENANT à nos parents qui ne peuvent pas aspirer à être traités dignement. Pourtant ils le méritent tout autant que nous, mais ils ne sont pas les électeurs à séduire…

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