Le Devoir

L’extrême droite descend dans la rue

Une manifestat­ion est survenue après une « chasse aux étrangers », dimanche

- ODD ANDERSEN AVEC YANNICK PASQUET AGENCE FRANCE-PRESSE À CHEMNITZ, EN SAXE À BERLIN

Des personnes ont été blessées par des engins pyrotechni­ques et des projectile­s lors d’un rassemblem­ent sous haute tension de milliers de sympathisa­nts d’extrême droite lundi soir à Chemnitz, au lendemain d’une «chasse collective » aux immigrants, dénoncée avec véhémence par Angela Merkel.

La police de cette ville de l’ex-RDA n’a fourni aucune précision sur la gravité des blessures ni sur le nombre exact de blessés dans ce défilé, qui a réuni plus de 2000 protestata­ires d’extrême droite et environ un millier de contre-manifestan­ts proches de l’extrême gauche, selon l’agence allemande dpa.

Les forces de l’ordre ont fait état de « plus de 100 personnes qui se sont dissimulé le visage », de certaines faisant le salut hitlérien, et d’autres arrachant des pierres.

Mais elles ont assuré sur Twitter que « la majorité des participan­ts » à ce dé- filé, sous forte escorte policière, avançaient « dans le calme ».

Dans cette cité de Saxe, région où l’extrême droite et les néonazis sont fortement implantés, les protestata­ires se sont retrouvés devant un immense buste de Karl Marx — Chemnitz fut rebaptisée Karl-Marx-Stadt durant la période communiste — après de violents incidents dimanche.

Les policiers, déployés en masse avec notamment des canons à eau, ont maintenu à distance un cortège de l’extrême gauche qui tentait de s’approcher du rassemblem­ent d’extrême droite.

« Défendre l’Europe »

« Merkel doit partir », scandaient certains manifestan­ts, arborant des drapeaux allemands, du parti d’extrême droite AfD, et des pancartes telles que : « Arrêter le flot de demandeurs d’asile » ou « Défendre l’Europe ! ».

Mot d’ordre de ce rassemblem­ent organisé par le mouvement Pegida : exiger que le gouverneme­nt allemand garantisse « la sécurité de ses citoyens » après le meurtre d’un Allemand de 35 ans vraisembla­blement commis par deux

De tels attroupeme­nts illégaux et chasses collective­s visant des gens d’apparence ou d’origine différente, ou encore les tentatives de semer la haine dans les rues, n’ont pas leur place dans notre pays STEFFEN SEIBERT

jeunes étrangers, un Syrien et un Irakien.

Quelque 800 personnes, dont une cinquantai­ne prête à en découdre avec la police, s’étaient rassemblée­s dimanche à la suite d’appels en ce sens sur les réseaux sociaux, selon Sonja Penzel, qui dirige la police de la ville. Ces sympathisa­nts d’extrême droite avaient « attaqué à coups de jets de bouteilles et de pierres » des policiers, selon la même source. Ils avaient lancé dans les rues des «chasses collective­s» contre des étrangers que la chancelièr­e a dénoncées promptemen­t et avec véhémence.

Ces événements « n’ont pas leur place dans notre État de droit », a affirmé son porte-parole, Steffen Seibert.

« Il est important pour le gouverneme­nt, pour tous les élus démocrates et, je pense, pour une large majorité de la population de dire clairement que de tels attroupeme­nts illégaux et chasses collective­s visant des gens d’apparence ou d’origine différente, ou encore les tentatives de semer la haine dans les rues, n’ont pas leur place dans notre pays ».

Les deux suspects du meurtre, âgés de 22 et 23 ans, sont soupçonnés d’avoir « sans justificat­ion, à plusieurs reprises, porté des coups de couteau» à la victime à la suite d’une « altercatio­n verbale », selon le parquet.

Selon plusieurs témoignage­s et des vidéos sur les réseaux sociaux, les manifestan­ts qui se sont ensuite réunis dimanche pour dénoncer ce crime s’en sont pris physiqueme­nt à des étrangers en les pourchassa­nt.

Selon la police, trois plaintes impliquant quatre personnes ont déjà été déposées. Une adolescent­e de 15 ans et son compagnon afghan de 18 ans ont été légèrement blessés.

Peu après, un Syrien de 18 ans a été frappé. Un Bulgare de 30 ans a aussi été menacé un peu plus tard alors que plusieurs vidéos tournées durant les incidents sont en cours d’évaluation.

Contexte politique tendu

Cette affaire a ravivé les tensions autour de la question migratoire en Allemagne, quasi permanente­s depuis trois ans et l’arrivée de plus d’un million de demandeurs d’asile. En Saxe, qui ne compte que 4,4 % d’étrangers, la communauté turque a dénoncé « des tentatives de pogroms ».

L’organisati­on Pegida, née dans cette région, affirme, mais sans fournir la moindre preuve jusqu’ici, que la victime a été mortelleme­nt poignardée « en voulant protéger sa femme ».

Cette affaire survient dans un contexte politique tendu pour la chancelièr­e Angela Merkel, qui se voit régulièrem­ent accusée par ses détracteur­s et le président américain, Donald Trump, d’avoir contribué à la hausse de la criminalit­é en ouvrant les portes du pays aux migrants.

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ODD ANDERSEN AGENCE FRANCE-PRESSE Plus de 2000 manifestan­ts se sont rassemblés lundi soir dans la ville de Chemnitz pour s’opposer à l’immigratio­n et à Angela Merkel.

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