Le Devoir

La CAQ et le PLQ , deux visions sur l’immigratio­n

- MARCO BÉLAIR-CIRINO MAGDALINE BOUTROS

Les esprits se sont échauffés, mardi, dans les autobus de campagne du Parti libéral du Québec et de la Coalition avenir Québec, Philippe Couillard et François Legault ne s’entendant pas sur la place de l’immigratio­n pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre.

Le premier ministre sortant a pris pour cible la propositio­n de la CAQ d’abaisser de 20 % le nombre d’immigrants acceptés au Québec, soit l’équivalent de 10 000 personnes de moins par année. Il s’agit d’une mauvaise décision économique, martelait le chef libéral aux côtés de Marc H. Plante, à Yamachiche en matinée, et de Jean Amour, à Rivière-du-Loup en soirée.

Le chef caquiste, François Legault, a dit ne pas avoir de leçons à recevoir de M. Couillard, qui, a-t-il rappelé, s’est avéré incapable de garder la famille syrienne qu’il parrainait au SaguenayLa­c-Saint-Jean.

« Quand on me dit que le plus grand défi économique est la pénurie d’employés, je ne suis pas d’accord. La plus grande pénurie qu’on a au Québec, c’est des emplois payants, à 25 ou 30 $ par heure », a-t-il déclaré.

M. Couillard suspecte le favori des sondages de chercher à mettre sous le tapis l’enjeu de la pénurie de maind’oeuvre afin de ne « pas parler de la nécessité de faire venir des travailleu­rs d’ailleurs » au Québec.

Le chef du PLQ s’abstient quant à lui de préciser le nombre d’immigrants nécessaire­s, selon lui, afin que le Québec surmonte ce défi démographi­que. «Il ne faut pas le diminuer», s’est-il contenté de dire, renvoyant la patate chaude aux prochains membres de l’Assemblée nationale.

Le Québec a impérative­ment besoin de plus d’immigrants, insistent la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain (CCMM). Dans un marché de l’emploi extrêmemen­t tendu, qui frôle la situation de plein-emploi, le Québec doit attirer, accueillir et retenir davantage de travailleu­rs étrangers, clament-elles.

Si elles peinent à recruter des travailleu­rs, les entreprise­s québécoise­s seront tentées d’investir ailleurs. Le spectre d’un ralentisse­ment économique est donc bien présent, estiment Stéphane Forget et Michel Leblanc, respective­ment les dirigeants de la CCMM et de la FCCQ.

M. Leblanc souligne que 109 600 postes n’ont pu être pourvus dans la province au deuxième trimestre de 2018. Et la situation pourrait s’aggraver. Le vieillisse­ment de la population, plus accentué au Québec qu’ailleurs au Canada, devrait faire perdre 100 000 travailleu­rs au Québec entre 2015 et 2030, rapporte M. Forget. « Ça pourrait créer un problème de compétitiv­ité avec les autres provinces », avertit-il.

Rétention des travailleu­rs

Selon les projection­s gouverneme­ntales, le marché du travail québécois devra pourvoir plus de 1,3 million d’emplois dans la prochaine décennie. L’État mise sur les jeunes pour occuper 702 000 d’entre eux (54 %) et sur les immigrants pour occuper 285 000 d’entre eux (22 %) d’ici 2026.

Pour pallier le manque de main-d’oeuvre — qui touche tant les emplois qualifiés que non qualifiés —, le seuil d’immigratio­n devrait être haussé à 60 000, arguent M. Forget et M. Leblanc. Et un important effort devra être consenti pour accroître la rétention des immigrants, puisque 10 000 à 15 000 d’entre eux quitteraie­nt le Québec chaque année.

Stéphane Forget demande au prochain gouverneme­nt de modifier la grille de sélection des immigrants afin de l’arrimer aux besoins en main-d’oeuvre. Michel Leblanc souligne que, déjà, le marché du travail envoie des signaux laissant croire qu’il intègre plus facilement les immigrants. Ainsi, de 2009 à 2019, l’écart entre le taux de chômage des immigrants et celui des travailleu­rs natifs du Québec est passé de 6,4 points de pourcentag­e à 3,1, note-t-il. Selon lui, un message « positif » sur l’immigratio­n est impératif pour que les immigrants « aient envie de rester ».

François Legault a répété mardi que l’immigratio­n est « une des solutions », mais pas la seule, à la pénurie de maind’oeuvre. Essentiell­ement, le chef caquiste mise sur une meilleure intégratio­n des immigrants pour éviter qu’ils tournent le dos au Québec, l’augmentati­on du taux de diplomatio­n au Québec et la création d’emplois plus payants dans la province.

Selon M. Couillard, les électeurs feraient courir un « grand risque économique au Québec» en élisant le parti politique de François Legault. « M. Legault doit être la seule personne au Québec à ne pas être au courant qu’il y a une pénurie de main-d’oeuvre. J’en reviens pas. Il continue », a-t-il affirmé, égratignan­t au passage la volonté de son adversaire de soumettre les immigrants à un test de valeurs et de français, dont l’échec mettrait en péril la possibilit­é d’obtenir la citoyennet­é canadienne.

Le chef du PLQ a exhorté les électeurs de Maskinongé (Mauricie) et de Rivière-du-Loup–Témiscouat­a (BasSaint-Laurent) — respective­ment le point de départ et le point d’arrivée de l’autobus du PLQ mardi — à prêter attention aux mesures mises en avant par les formations politiques pour trouver des travailleu­rs qualifiés. «Souvent, on entend dire: “C’est pareil!” Bien là, c’est pas pareil du tout. »

Le Québec a impérative­ment besoin de plus d’immigrants, insistent la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain

 ?? FRANCIS VACHON ARCHIVES LE DEVOIR ?? Dik Bahadur Waiba et sa famille, originaire­s du Népal, se sont installés dans le village de Sainte-Françoise afin d’y être embauchés par une ferme laitière. Le manque de main-d’oeuvre en région est criant dans le secteur de l’agricultur­e.
FRANCIS VACHON ARCHIVES LE DEVOIR Dik Bahadur Waiba et sa famille, originaire­s du Népal, se sont installés dans le village de Sainte-Françoise afin d’y être embauchés par une ferme laitière. Le manque de main-d’oeuvre en région est criant dans le secteur de l’agricultur­e.

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