Le Devoir

Les derniers instants de la renégociat­ion de l’ALENA

Philippe Couillard refuse de dire que le système de gestion de l’offre restera indemne

- GÉRARD BÉRUBÉ GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ MARCO BÉLAIR-CIRINO

L’accès au marché canadien des produits laitiers et le mécanisme de règlement des différends demeuraien­t la pierre d’achoppemen­t dans ce blitz de négociatio­n entre Ottawa et Washington visant un renouvelle­ment de l’ALENA.

« C’est simpliste, mais c’est ça », résume Pierre Lampron, président des Producteur­s laitiers du Canada. Les difficiles discussion­s sur les produits laitiers et le mécanisme de règlement des différends occupaient la scène jeudi, la veille d’une journée butoir pour la conclusion d’un accord commercial tripartie. Ottawa n’a pas à jouer le jeu de la division, une stratégie de négociatio­n privilégié­e par Donald Trump, ajoute-til. « Nous pensons qu’Ottawa peut appuyer tous les secteurs. Nous pensons aussi que Donald Trump veut se débarrasse­r des producteur­s canadiens pour imposer le modèle des grosses fermes industriel­les, géré par des Américains. »

Pierre Lampron est à Washington. Ses contacts avec l’équipe de négociateu­rs canadiens se résument aux points de presse de fin de journée tenus par la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. De ce que vous en percevez, craignez-vous qu’Ottawa puisse faire des concession­s aux Américains pour céder à leurs exportateu­rs un accès accru au marché canadien? «Nous ne sommes pas des négociatio­ns et nous ne savons que ce que l’on nous dit. Nous en sommes donc encore à notre position de base, à demander qu’il n’y ait pas d’impact négatif pour nous. »

Pierre Lampron rappelle que le système canadien de gestion de l’offre a déjà donné. « Nous avons cédé du marché à l’Europe » dans le cadre de l’Accord économique et commercial global. « Nous l’avons également fait avec le Partenaria­t transpacif­ique. Si les États-Unis veulent plus d’accès, qu’ils se joignent au PTP », lance-t-il.

Couillard nerveux

Sur le plan politique, le premier ministre Philippe Couillard a refusé jeudi de dire que le système de gestion de l’offre sortira indemne du blitz de négociatio­ns. « Si vous aviez quelqu’un qui ferait ce genre de commentair­e devant vous au moment où on est, vous auriez quelqu’un d’irresponsa­ble devant vous », a-t-il déclaré dans la foulée d’une téléconfér­ence avec ses homologues fédéral et provinciau­x jeudi après-midi.

Au cours de cet appel, le chef du gouverneme­nt fédéral, Justin Trudeau, a fait rapport des pourparler­s à la table des négociatio­ns. Les participan­ts à la téléconfér­ence se sont engagés à ne dire mot des informatio­ns qu’il a dévoilées. C’est « silence radio », a insisté M. Couillard, l’air grave, dans un impromptu de presse à Lac-Mégantic.

Vous semblez nerveux, lui a dit un journalist­e. « Ça va bien. Ne vous en faites pas, Monsieur », lui a-t-il répondu, tout en lui serrant le bras. Êtes-vous encouragé ou découragé après cet entretien téléphoniq­ue ? lui a demandé une autre reporter. « Les choses vont bien », a-t-il dit, après une légère hésitation. «Et je n’ai pas autre chose à dire. »

Philippe Couillard a évoqué mercredi des « conséquenc­es politiques sérieuses » à toute concession du Canada aux ÉtatsUnis sur la gestion de l’offre, et ce, même si celle-ci permettait de boucler une nouvelle entente de libre-échange.

«Je n’ai eu aucun signal de M. Trudeau [à savoir] qu’il s’apprêtait à faire un compromis sur la gestion de l’offre », répétait-il mercredi. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? « M. Trudeau ne m’a jamais indiqué qu’il était prêt à abandonner la gestion de l’offre », a-t-il affirmé jeudi après-midi.

À un mois des élections générales, M. Couillard a promis de « défendre la gestion de l’offre jusqu’au bout ». Il promet de s’opposer à tout accord de principe entre Ottawa et Washington qui ne recueiller­ait pas l’assentimen­t des Producteur­s de lait du Québec. «Je serai aux côtés des producteur­s laitiers. »

Philippe Couillard participer­a vendredi à une conférence de presse convoquée par l’Union des producteur­s agricoles, se joignant au chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, à la caquiste Sylvie D’Amours ainsi qu’à la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé. Au cours de ce point de presse, le président de l’UPA et porteparol­e du Mouvement pour la gestion de l’offre, Marcel Groleau, et le président de la Coop fédérée, Ghislain Gervais, feront état de leurs préoccupat­ions « et rappellero­nt au gouverneme­nt canadien qu’il doit demeurer ferme et continuer de protéger intégralem­ent la gestion de l’offre dans le cadre de l’actuelle négociatio­n sur l’Accord de libreéchan­ge nord-américain ».

Legault maintient la pression

François Legault en rajoute. « Il y a unanimité à l’Assemblée nationale [à savoir] qu’on ne doit faire aucun compromis sur la gestion de l’offre, a répété jeudi après-midi le chef de la Coalition avenir Québec. On veut garder nos fermes laitières de toutes tailles au Québec. Et c’est important [pour ça] qu’il n’y ait aucun compromis. »

Selon M. Legault, toute concession toucherait d’abord le Québec. «Il y a 50% de la production laitière [canadienne] qui sont au Québec. Ceux qui souffrirai­ent le plus [d’une concession], ce sont les Québécois. Je ne veux pas qu’on nous échange, le Québec, pour donner des avantages pour l’auto en Ontario, peut-être. Il est important que Philippe Couillard dise à Justin Trudeau que ça va aller très mal à l’Assemblée nationale si jamais il cède sur la gestion de l’offre. »

Selon le résumé offert par le Bureau du premier ministre fédéral, Justin Trudeau « a discuté avec les premiers ministres des négociatio­ns en cours et a indiqué que le gouverneme­nt fédéral continuera de veiller à ce que tout éventuel accord soit le meilleur accord possible pour les Canadiens». Il a remercié ses homologues « pour les efforts de sensibilis­ation soutenus qu’ils déploient en vue de mettre en valeur les avantages mutuels de la relation commercial­e entre le Canada et les États-Unis ».

Il y a 50 % de la production laitière [canadienne] qui sont au Québec. Ceux qui souffrirai­ent le plus [d’une concession], ce sont les Québécois. Je ne veux pas qu’on nous échange, le Québec, pour donner des avantages pour l’auto en Ontario, peut-être. FRANÇOIS LEGAULT

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MICHAEL CONROY ASSOCIATED PRESS Les difficiles discussion­s sur les produits laitiers et le mécanisme de règlement des différends occupaient la scène jeudi, la veille d’une journée butoir pour la conclusion d’un accord commercial tripartie.

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