Le Devoir

Ultimes pourparler­s pour éviter l’offensive d’Idleb

- BACHIR EL KHOURY

Des pourparler­s de la dernière chance sont en cours depuis plusieurs jours pour tenter d’éviter un assaut du régime sur Idleb, ultime grand bastion rebelle en Syrie, qui pourrait, selon l’ONU, provoquer une nouvelle catastroph­e humanitair­e.

Depuis des semaines, le régime amasse des renforts aux abords d’Idleb, région frontalièr­e de la Turquie, avant une probable offensive qui s’annonce comme l’ultime bataille d’envergure dans le conflit qui déchire le pays depuis 2011.

Car Idleb est le dernier grand fief insurgé où ont été envoyés des milliers de rebelles et de djihadiste­s, à mesure que le régime de Bachar al-Assad, aidé par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais, reprenait près des deux tiers du territoire.

La province est contrôlée à 60% par les djihadiste­s de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), groupe dominé par l’ex-branche syrienne d’al-Qaïda, ainsi que par des factions rebelles, et les deux camps se livrent à des luttes intestines.

Des troupes turques sont aussi stationnée­s dans la zone, et la Turquie, marraine de certains groupes rebelles, ne veut pas d’assaut, de crainte d’un nouvel afflux de réfugiés vers sa frontière.

Mais la Russie « exige une dissolutio­n de HTC pour éviter une offensive d’envergure » à Idleb, a affirmé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l’Observatoi­re syrien des droits de l’homme (OSDH). « Des discussion­s indirectes sont en cours entre la Turquie et HTC », a-t-il ajouté, précisant que le lancement d’une offensive dépendrait « de l’échec ou du succès des pourparler­s ».

« Liquider cet abcès »

Aucune confirmati­on de ces discussion­s n’a pu être obtenue de source turque ou indépendan­te. Mais le régime et son allié russe ont réitéré jeudi leur déterminat­ion à en finir avec HTC.

En visite à Moscou, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, a rappelé la volonté du régime de « libérer tout le territoire syrien », malgré la menace d’une « agression » occidental­e menée par Washington et ses alliés.

Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont récemment averti le président Assad qu’ils ne laisseraie­nt pas impunie toute utilisatio­n d’armes chimiques par le régime, en cas d’offensive à Idleb.

« Quoi qu’ils fassent, la décision du commandeme­nt syrien, c’est la lutte contre le Front al-Nosra à Idleb, quels que soient les sacrifices », a martelé le ministre syrien, utilisant l’ancien nom de l’ex-branche syrienne d’al-Qaïda.

Un avis partagé par son homologue russe Sergueï Lavrov : « Il reste encore la tâche de liquider les foyers restants du terrorisme, avant tout, dans la zone de désescalad­e d’Idleb », at-il martelé.

Dans de récentes déclaratio­ns publiques, HTC avait réfuté toute dissolutio­n, mais laissé la porte ouverte à une solution négociée.

« Une dissolutio­n de HTC, si elle devait se produire, est une affaire interne qui doit être discutée par le Conseil consultati­f du groupe et non dictée par des parties locales ou étrangères », a affirmé le groupe, en disant qu’il tentait de « trouver une solution » qui protégerai­t les habitants d’Idleb.

Mais l’influence de la Turquie sur HTC est limitée. « Les rapports de la Turquie avec HTC sont compliqués », indique Elizabeth Teoman, analyste à l’Institute for Study of War, en évoquant une forme de «coopératio­n» marquée par de « l’animosité ».

« Catastroph­e humanitair­e »

Une offensive contre Idleb pourrait faire jusqu’à 800 000 déplacés parmi les civils, qui vivent déjà dans des conditions précaires, a averti l’ONU. Et le patron de l’ONU, António Guterres, a mis en garde contre « les risques croissants d’une catastroph­e humanitair­e ».

La province d’Idleb et les zones insurgées adjacentes accueillen­t quelque trois millions de personnes, dont la moitié ont fui les combats ailleurs en Syrie où la guerre complexe, aux multiples acteurs locaux, régionaux et internatio­naux, a fait plus de 350 000 morts en plus de sept ans.

En outre, les craintes d’une nouvelle attaque chimique ont été brandies ; les Occidentau­x ont mis en garde contre toute attaque du genre par le régime. Les Russes, eux, ont accusé les Occidentau­x de «réchauffer activement» le thème d’une « soi-disant attaque chimique » qui sera imputée au régime.

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