Le Devoir

Il faut mieux protéger les défenseurs des droits de la personne

- Michel Gourd

Comme le montre l’actuelle profusion d’arrestatio­ns de défenseurs des droits de la personne en Arabie saoudite, en Algérie et ailleurs dans le monde, les pays qui y procèdent semblent pouvoir agir en toute impunité.

Human Rights Watch et Amnesty Internatio­nal dénoncent actuelleme­nt le gouverneme­nt saoudien, qui a demandé la peine de mort contre cinq militants des droits de la personne, dont une femme qui a documenté des manifestat­ions antigouver­nementales.

« Le reste du monde ne doit pas continuer de détourner le regard pendant que se poursuit cette persécutio­n incessante exercée contre celles et ceux qui défendent les droits de la personne en Arabie saoudite », affirmait récemment la directrice des campagnes pour le Moyen-Orient à Amnesty Internatio­nal, Samah Hadid. En Algérie, Merzoug Touati, qui vient de suspendre une grève de la faim de 38 jours, a pour sa part été condamné à sept ans de prison pour des textes publiés sur Internet qui ne montrent ni incitation à la violence ni appel à la haine selon Amnesty Internatio­nal. Le gouverneme­nt algérien reste sourd aux demandes de libération que lui font plusieurs organismes de la société civile algérienne qui ont organisé de nombreuses manifestat­ions.

Des mesures insuffisan­tes

Il est actuelleme­nt évident que les mesures de protection des défenseurs des droits de la personne sont insuffisan­tes dans ces situations. Depuis l’adoption à Paris de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 1948, ses défenseurs sont pourtant centraux à son applicatio­n. En dénonçant les violations que commettent les pays, ils alertent l’ONU et méritent donc, à ce titre, une protection spéciale. Pour tenter de la leur donner, une Déclaratio­n sur les défenseurs des droits de la personne a donc été adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1998. Cette déclaratio­n ne donne cependant pas aux défenseurs de nouveaux droits. Elle tente de faciliter l’applicatio­n de ceux existant déjà, de créer des synergies sur le plan de la collecte d’informatio­ns et d’aider des organisati­ons de défenseurs des droits de la personne.

Avoir les outils nécessaire­s

Le Nouveau manuel de protection pour les défenseurs des droits humains, publié par Protection Internatio­nal en 2009, est éloquent à ce sujet. Cette publicatio­n soutenue par de nombreux groupes, incluant l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de la personne, montre combien désarmés sont ceux qui défendent ces droits.

On y parle de la méthode pour protéger ses sources et ses informatio­ns ainsi que des procédures à prendre pour ne pas être arrêté. Le chapitre « Détention, arrestatio­n, enlèvement et capture d’un défenseur » se résume à trouver la manière de ne pas se faire capturer ou d’informer le plus rapidement possible ses proches et organismes de défense des droits de la personne que l’on vient d’être arrêté.

Si des mécanismes de protection ont été créés, comme le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs, le problème fondamenta­l vient de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme elle-même, qui n’a que la valeur d’une proclamati­on de droits. D’ailleurs, dès son adoption, l’Arabie saoudite contestait l’égalité homme-femme qui y était inscrite. Or, comme l’affirme la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström, les droits des femmes sont des droits de la personne. Le royaume saoudien et de nombreux autres pays continuent cependant à les violer impunément et à emprisonne­r ceux qui les dénoncent.

En ce début de XXIe siècle, la communauté internatio­nale doit avoir les outils nécessaire­s pour empêcher les dirigeants de pays de faire de la répression ciblée contre les militants des droits de la personne. L’ONU doit de toute urgence adopter une panoplie de règlements pour empêcher qu’ils soient agressés dans quelque pays que ce soit. Ils sont ceux qui sont sur la ligne de front et doivent se battre pour une charte qui a été dûment adoptée par les Nations unies. Elles devraient leur offrir une protection internatio­nale suffisante pour que tout pays y réfléchiss­e à deux fois avant de les attaquer.

L’Arabie saoudite doit non seulement savoir que ces emprisonne­ments sont dénoncés par les pays du monde entier qui respectent les droits de la personne, mais aussi qu’il y aura des conséquenc­es internatio­nales à ces actions intolérabl­es. Emprisonne­r, torturer ou exécuter une personne pour des activités liées à la défense des droits de la personne devrait entraîner une punition internatio­nale si forte que tous les dirigeants de pays n’osent pas le faire.

En ce début de XXIe siècle, la communauté internatio­nale doit avoir les outils nécessaire­s pour empêcher les dirigeants de pays de faire de la répression ciblée contre les militants des droits de la personne

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